C. Drucker-Godard : "Les programmes Bachelor en 3 ans et les BBA en 4 ans pourront postuler au grade licence"

Guillaume Lecompte Boinet, Dahvia Ouadia Publié le
C. Drucker-Godard : "Les programmes Bachelor en 3 ans et les BBA en 4 ans pourront postuler au grade licence"
La commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion devrait gérer la mise en place du grade licence pour les formations Bachelor. // ©  YY apartment/AdobeStock
La Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG), que préside Carole Drucker-Godard depuis deux ans, a pour mission principale d'organiser le contrôle de la qualité des formations supérieures de commerce et de gestion. Principal chantier prévu : la mise en place du grade licence qui, avec un nouveau référentiel dédié, comprendra notamment un lien formation-recherche plus important.

A la suite du rapport Biot-Levy sur le Bachelor, le ministère ouvre prochainement la possibilité aux écoles de commerce d’obtenir le grade licence pour leurs formations Bachelor. Est-ce votre commission qui va le porter ?

Il est très probable que ce soit la CEFDG qui porte le grade licence mais rien d’officiel encore. Si ce n’était pas le cas ? On pourrait alors imaginer que le Hcéres (Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) soit concerné, attendons les consignes du ministère. Le cahier des charges du ministère concernant le grade licence devait être examiné lors du Cneser (Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la recherche) du mois d’octobre, il sera sur la table de celui du mois de novembre.

Carole Drucker-Godard, présidente de la CEFDG
Carole Drucker-Godard, présidente de la CEFDG © Université Paris-Nanterre

Quelles vont être les particularités du grade licence, notamment pour se distinguer du visa ?

Les écoles pourront demander le grade ou le visa licence selon leur objectif. Le futur grade licence repose sur trois critères principaux :
- Un adossement à la recherche, mais le niveau requis ne sera évidemment pas le même que pour le grade master. On attendra certainement un minimum d’enseignants publiant dans le programme, un lien formation-recherche ou une introduction à la recherche dans les maquettes pédagogiques
- Une politique sociale forte de l’établissement pour favoriser l’ouverture et la diversité
- Un attachement à une politique de site. Cela ne veut pas dire être membre d’une Comue à tout prix mais il faut que l’école soit engagée dans des partenariats ou des projets de recherche avec des universités et écoles du site.

Les programmes Bachelor en trois ans, tout comme les BBA en quatre ans, pourront postuler au grade licence. Cela apportera une meilleure visibilité des Bachelors et permettra aux familles de faire un choix éclairé.
Nous pourrions envisager que les programmes avec un visa licence se dirigent vers une insertion professionnelle, tandis que les programmes avec un grade licence pourraient s’orienter vers une poursuite d’études.

Il est très probable que ce soit la CEFDG qui porte le grade licence mais rien d’officiel encore.

Comment le référentiel prendra en compte l’adossement à la recherche au niveau licence ?

Nous n’avons pas encore tous les éléments du futur référentiel licence, mais déjà, dans le référentiel actuel pour le grade master, nous avons la possibilité de voir l’implication des enseignants dans chaque programme avec le nom des enseignants, les cours enseignés, les heures effectuées.

Par ailleurs, l’an dernier nous avons intégré la notion de "produisant" qui pourrait être intéressante dans le référentiel grade licence. A côté des publiants, les produisants sont les enseignants qui font des contributions scientifiques autres que classantes, comme des ouvrages, des conférences dans des congrès scientifiques, des études de cas, de la recherche appliquée… et qui sont souvent très présents devant les étudiants.

L’an dernier nous avons intégré la notion de "produisant" qui pourrait être intéressante dans le référentiel grade licence.

Quel impact sur le référentiel va avoir l’arrivée du grade licence ?

Le référentiel a été construit par Véronique Chanut à qui j’ai succédé. Nous avons fait évoluer ce référentiel avec les membres de la CEFDG il y a un peu plus d’un an pour prendre en compte notamment la transformation numérique et pédagogique, les innovations pédagogiques et du distantiel.

On regarde le pourcentage d’heures d’enseignement de gestion. Il faut aujourd’hui 30% d’heures de gestion dans la maquette au niveau bac+3 et 50% au niveau master. Ces heures peuvent être en distantiel asynchrone (complètement en distanciel) ou synchrone (avec du visu). Cependant, nous faisons évidemment attention à la qualité pédagogique des cours online, notamment les méthodes d’évaluation ou la présence de tutorat… L’objectif est de prendre en compte l’évolution de l’enseignement supérieur et de la société.

Quant à l’impact du grade licence sur le référentiel actuel, nous avons commencé à y réfléchir. Il est un peu tôt pour parler du nouveau référentiel mais nous savons que le référentiel visa bac+3 devra être réadapté au grade de licence et nous y travaillerons.

Quelle vision avez-vous aujourd’hui des écoles de commerce, milieu que vous ne connaissiez pas avant de prendre la tête de la commission ?

Je suis professeure en sciences de gestion à l’Université Paris-Nanterre. J’ai un parcours 100% universitaire. Après une bi-licence éco-allemand, j’ai suivi un master recherche en marketing et stratégie à Dauphine où j’ai ensuite fait ma thèse. Je suis arrivée il y a deux ans à la présidence de la CEFDG, neutre, sans risque de conflit d’intérêt et sans avoir d’idées préconçues sur les écoles de management.
Depuis que je suis les écoles, je vois le plus souvent le travail de qualité pédagogique et de recherche qu’elles font et que je salue.

L’an dernier, l’EMLyon a décidé d’intégrer les 100 premiers admissibles sans passer les oraux. Décision qui a beaucoup fait parler. Comment a réagi la CEFDG ?

Les grandes évolutions concernant le règlement pédagogique doivent être envoyées à la Dgesip au moins six mois avant leur application. Si les changements sont vraiment importants, il est prévu une discussion avec les membres de la CEFDG ce qui était le cas pour les évolutions demandées par l’EMLyon sur le concours en AST (admission sur titres).

Sans réponse de la part du ministère, l’EMLyon a pensé que la commission était d’accord avec cette évolution et a décidé de mettre en place sa nouvelle procédure en intégrant donc directement les 100 premiers admissibles. Ce sont plusieurs écoles concurrentes qui se sont rendu compte de cette évolution quand des candidats ont déclaré être déjà admis dans l’école lyonnaise.
L’école s’est expliquée auprès de la CEFDG et devant la CGE (Conférence des grandes écoles), c’est une erreur de calendrier et un vrai couac, qui ne devrait plus se produire.

Pour EM Lyon c’est une erreur de calendrier et un vrai couac, qui ne devrait plus se produire.

Comment évaluez-vous l’innovation pédagogique ?

Les écoles de commerce sont en avance sur l’innovation pédagogique. Nous prenons en compte tous les nouveaux formats pédagogiques possibles, tout comme les compétences hybrides. L’innovation pédagogique est d’ailleurs l’un de nos chantiers d’évolution de notre référentiel, avec l’adaptation à la transformation numérique.

Beaucoup d’écoles proposent des parcours hybrides qui ne sont pas encore pris en compte dans le référentiel, pensez-vous à faire évoluer des choses sur ce sujet ?

Nous avons effectivement des demandes de parcours hybrides et je pense que ces demandes vont se multiplier. Ce qui est surtout nouveau, c’est la perspective de double diplômes, par exemple manager/ingénieur, au-delà d’une maquette pédagogique hybride sur certains cours seulement. Nous pourrions travailler avec la CTI (commission des titres d'ingénieur) pour proposer un référentiel commun mais pour le moment, rien n’est posé.

Aujourd’hui, nous avons une définition très large de la gestion qui permet aux écoles de déjà proposer des parcours un peu plus hybrides. Ce sont aux établissements de nous dire ce qui est de l’ordre de la gestion. Ainsi, un cours de philosophie et management peut entrer dans le cadre des cours de gestion selon le syllabus proposé. Il reste que si le professeur ne publie qu’en philosophie, alors il ne sera pris en compte parmi les publiants de gestion.

Nous pourrions travailler avec la CTI pour proposer un référentiel commun sur les parcours hybrides.

Y a-t-il des évolutions prévues au sein de la CEFDG ?

La CEFDG comprend 16 membres. Certains sont nommés par le ministère de l’Enseignement supérieur et le ministère de l’économie, d’autres représentent la CPU (conférence des présidents d'université) et la CGE, enfin il y a aussi des représentants du Cese (conseil économique, social et environnemental) et de la CCI (chambre de commerce et d'industrie).

Prochainement, la composition de la CEFDG va compter 4 à 8 membres de plus pour intégrer des organisations professionnelles, afin d’être conforme à la certification de la Loi Pénicaud. La composition paritaire permettra à la CEFDG de délivrer la certification professionnelle.

Guillaume Lecompte Boinet, Dahvia Ouadia | Publié le