Catherine Bertho-Lavenir (rectrice de Martinique) : "Les familles attendent beaucoup de l'école"

Marie-Anne Nourry Publié le
Catherine Bertho-Lavenir (rectrice de Martinique) : "Les familles attendent beaucoup de l'école"
Catherine Bertho-Lavenir - rectrice de Martinique ©Académie de Martinique // © 
En juillet 2013, Catherine Bertho-Lavenir a quitté ses habits de professeure d'histoire culturelle à l'université Paris 3 pour prendre un premier poste de rectrice dans l'académie de la Martinique. Du développement de passerelles dans la filière professionnelle à la valorisation de l'UAG (Université des Antilles et de la Guyane), le programme est chargé. Entretien.

Quelles ont été vos premières impressions en arrivant dans l'académie de la Martinique ?

Le nombre d'élèves est en légère et continue décroissance du fait de la baisse démographique générale. L'enjeu est donc de les garder le plus longtemps possible dans un cursus scolaire et de renforcer nos offres éducatives.

En outre, il y a ici une tradition très ancienne pour les élèves brillants d'aller poursuivre leurs études dans les classes préparatoires des grands lycées parisiens. Aimée Césaire avait rencontré Léopold Sédar Senghor à Louis-le-Grand. Ce phénomène a changé au cours des 15 dernières années grâce au développement de l'offre après bac, et il importe de continuer dans ce sens pour que les jeunes puissent trouver un premier cycle dans l'académie.

Quelles sont les spécificités de l'UAG ?

Beaucoup de très bons élèves de terminale manquent d'ambition pour eux-mêmes. Ils ont peur de ne pas réussir à l'université. Pour les inciter à intégrer l'UAG, nous venons de mettre en place un programme avec les proviseurs visant à aller les chercher dans les lycées et à leur démontrer qu'ils sont capables d'aller au bout de la licence et ensuite du master. C'est un travail de fourmi.

L'UAG a de très bons enseignants et un fort potentiel. En outre, elle occupe un créneau sur lequel elle n'a pas vraiment de concurrents. C'est l'avant-poste de l'enseignement supérieur en France pour les États-Unis, l'Amérique centrale et les Caraïbes. Si l'on travaille sur l'agriculture en milieu tropical ou le créole, l'UAG est incontournable. Il faut valoriser ces atouts.

L'UAG est l'avant-poste de l'enseignement supérieur en France pour les États-Unis, l'Amérique centrale et les Caraïbes

Vous mettez aussi l'accent sur les passerelles entre la voie professionnelle et le supérieur…

La voie professionnelle est un choix par défaut pour nombre d'élèves, les familles étant intimidées par le général. Nous voulons donc inciter les jeune inscrits en CAP à poursuivre leurs études en développant des passerelles vers le baccalauréat professionnel, puis vers le BTS et enfin vers la licence professionnelle. Faciliter ce passage de la formation professionnelle aux études supérieures implique de construire des filières spécifiques. Nous y travaillons.

Quelles sont vos priorités pour l'école ?

Je veux travailler dans la perspective d'une école bienveillante qui accueille tous les élèves. L'académie compte beaucoup de décrocheurs mais aussi de pré-décrocheurs. Ce sont des élèves très fragiles qu'il faut absolument maintenir dans le système. Pour cela, nous mettons des moyens sur la maternelle et le primaire.

À titre d'exemple, l'académie a mis en place le programme PARLER, qui vise à consolider l’apprentissage de la lecture en primaire. L'objectif est que les élèves entrent au collège en maîtrisant les outils de la réussite scolaire. Pour les besoins précis, les enseignants utilisent aussi beaucoup le numérique. La Martinique est à 8.000 km de l'Hexagone mais Internet efface les distances.

Les établissements scolaires sont des bastions où nous essayons de faire régner le calme pour les élèves

La volonté de la Guyane de se retirer de l'UAG a été entendue par le ministère. Comment gérez-vous la situation ?

Les discussions sont menées par les grandes instances. Je peux seulement dire que l'université continue de fonctionner. Les étudiants s'y sont montrés très attachés.

Enfin, était-ce un défi de rejoindre l'académie de la Martinique pour votre premier poste de rectrice ?

Découvrir la Martinique par le biais de l'éducation est un privilège. La société caraïbe combine un taux de chômage élevé et la montée d'une délinquance liée à la drogue, et les familles attendent beaucoup de l'école. Les établissements scolaires sont des bastions où nous essayons de faire régner le calme pour les élèves. On ne peut pas réduire la Martinique à cette image mais il faut investir dans le scolaire. C'est un impératif de la République.

Marie-Anne Nourry | Publié le