Charles Dubar : "Rares sont les fonds qui ne s’intéressent pas à l’éducation"

Cécile Peltier Publié le
Charles Dubar : "Rares sont les fonds qui ne s’intéressent pas à l’éducation"
En juillet 2014, Platina a investi en tant qu'actionnaire majoritaire dans le groupe EDH (Écoles Denis Huisman), qui comprend notamment l'Efap. // ©  Xavier POPY/REA
Alors que certains fonds d'investissement s'intéressent aux grosses structures de l'enseignement supérieur, Platina Partners se positionne au contraire sur les petits acteurs du secteur. Charles Dubar, directeur associé du fonds indépendant européen, détaille sa stratégie, à l'occasion de la conférence EducPros du 23 février 2017.

Charles Dubar, directeur associé du fonds Platina Partners.Depuis quand et pour quelles raisons les fonds d'investissement ont-ils commencé à s'intéresser à l'enseignement supérieur privé français ?

Le phénomène est apparu il y a une quinzaine d'années, et aujourd'hui, rares sont les fonds qui ne s'intéressent pas à l'éducation. Chez Platina Partners, nous regardons le secteur avec attention depuis cinq ou six ans.

Quant aux raisons, elles sont simples : nous pensons qu'aujourd'hui toutes les conditions sont réunies pour assurer le développement du secteur de l'enseignement supérieur privé. D'abord pour des raisons démographiques – le nombre d'étudiants est en hausse –, mais aussi en raison de mutations économiques.

Le progrès technologique induit l'apparition de nouveaux métiers, dont beaucoup montrent que beaucoup d'entre eux n'existent pas encore. Pour préparer les jeunes à ces nouvelles fonctions, il faudra bien créer des formations.

Enfin, l'histoire a montré que les périodes de profondes mutations étaient favorables aux petits acteurs agiles. En tant que fonds spécialisé dans les "small caps" (petites capitalisations), étant nous-mêmes très flexibles, nous sommes bien placés pour les accompagner dans leur développement.

Qu'est-ce qui fait la "flexibilité" de Platina ?

Platina n'est pas un fonds d'investissement classique, qui lève de l'argent auprès d'un grand nombre de sponsors, puis le place en obéissant à un plan d'investissement très strict. Nous investissons pour le compte d'une famille d'industriels britanniques qui a créé des fondations à but philanthropique.

Comparé aux fonds classiques, nous bénéficions donc d'une certaine liberté concernant la durée d'investissement – qui peut atteindre neuf à dix ans si nécessaire, contre cinq à six ans en moyenne pour un fonds –, le type d'instruments utilisés (actions, obligations...), ainsi que le montant investi qui peut osciller entre quelques millions et 25 millions d'euros.

Ce profil fait par exemple de nous le partenaire idéal pour une opération de consolidation dans le domaine de l'éducation, impliquant le rachat d'une ou de plusieurs écoles.

En revanche, en matière de rentabilité, nous avons les mêmes attentes qu'un fonds traditionnel.

L'enseignement supérieur n'a pas de critères de rentabilité particuliers. En tant qu'investisseurs, nous soutenons des projets de croissance, pas de réduction des coûts.

Dans quelle mesure l'enseignement supérieur constitue-t-il un investissement "rentable" ?

Parce que c'est un marché en développement. Par rapport à d'autres secteurs, l'enseignement supérieur n'a pas de critères de rentabilité particuliers. En tant qu'investisseurs, nous soutenons des projets de croissance, pas de réduction des coûts.

Le paysage de l'enseignement supérieur a été marqué récemment par des opérations de grande ampleur, à l'instar de la vente des écoles du groupe Inseec, puis de celle du groupe Studialis et, plus récemment, celles du groupe Laureate. Vous êtes-vous positionné sur ces "deals" ?

Non, car nous avons vocation, comme je l'expliquais précédemment, à accompagner de plus "petits" projets. En juillet 2014, en tant qu'actionnaire majoritaire, Platina a investi, aux côtés d'Amin Khiari, pour racheter le groupe EDH (Écoles Denis Huisman), qui comprend l'Efap, dans le secteur de la communication, l'EFJ (école française de journalisme) et l'Icart (École des métiers de la culture et marché de l'art).

Nous avons également réalisé, mardi 13 février 2017, un investissement dans le secteur de la formation professionnelle spécialisée dans le secteur de la santé. Ces actifs représentent aujourd'hui une part significative de nos investissements.

Nous nous intéressons à tous les segments du marché en France et plus largement dans les pays francophones, en particulier africains.

Sur un marché embouteillé, comment tirer son épingle du jeu ? Quelles sont vos cibles de prédilection, et comment faites-vous pour les repérer ?

Le marché de l'enseignement privé français reste assez fragmenté et comprend des petits groupes qui constituent, pour nous, des cibles privilégiées. Nous nous intéressons à tous les segments du marché (collège-lycée, enseignement supérieur, formation professionnelle...), en France et plus largement dans les pays francophones, en particulier africains.

Nous apprécions les écoles spécialisées dont le marché est plus facile à identifier, mais nous n'avons rien contre les généralistes. Les dossiers que nous écartons sont ceux des acteurs menacés par le digital, n'ayant pas de stratégie dans ce domaine. Inversement, nous n'avons pas peur de la complexité, y compris de situations de sous-performance initiale, à condition que le plan de développement tienne la route.

Comme nos collègues, nous utilisons plusieurs canaux pour repérer les dossiers potentiels : les banques d'affaires (Lazard, Rothschild...) qui nous informent lorsqu'une école est en vente, nos réseaux individuels, que nous avons développés au fil du temps. Enfin, nous n'hésitons pas à contacter directement les écoles dans lesquelles nous serions susceptibles d'investir.

L'Afrique constitue aujourd'hui un marché prometteur. Avez-vous des acteurs en ligne de mire ?

Non, il est encore trop tôt. Pour l'instant, nous nous contentons de suivre attentivement le marché et les éventuelles opportunités. Mais nous n'avons pas ciblé de pays en particulier.

Certains observateurs évoquent l'existence d'une bulle sur le marché de l'enseignement supérieur. Qu'en pensez-vous ?

Je ne sais pas. Certaines transactions récentes ont certes atteint des valorisations élevées, mais payer un prix important pour un actif qui va doubler ou tripler sa taille en cinq ou six ans peut avoir du sens... En cela, il semble difficile de dire que ces prix étaient trop élevés et donc, de parler globalement de bulle. Il n'empêche que, récemment, nous avons trouvé le prix demandé pour certains petits groupes un peu surévalué.

Marché de l'éducation et stratégies financières, prochaine #confEP

Dans un contexte budgétaire global difficile, de nouvelles manières d'investir dans la formation et de nouveaux acteurs privés apparaissent dans le secteur de l'enseignement supérieur. Qui sont ces nouveaux acteurs, quels sont leurs objectifs à court et à long termes, et, surtout, comment interagir avec eux pour le bénéfice de son établissement ?

Le 23 février, la conférence EducPros sera dédiée aux nouveaux business models du secteur éducatif, avec de nombreux retours d'expérience de nouvelles initiatives pour collecter des fonds et investir intelligemment.

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