Christian Gollier (directeur adjoint de Toulouse School of Economics) : "Grâce à notre fondation, nous pouvons proposer aux chercheurs des conditions comparables à celles du système américain"

Propos recueillis par Géraldine Dauvergne Publié le
Christian Gollier (directeur adjoint de Toulouse School of Economics) : "Grâce à notre fondation, nous pouvons proposer aux chercheurs des conditions comparables à celles du système américain"
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L’École d’économie de Toulouse est désormais « assise » sur plus de 60 millions d’euros de fonds, dont la moitié apportés par des donateurs privés. Christian Gollier, directeur adjoint de Toulouse School of Economics (TSE), précise les enjeux de la Fondation Jean-Jacques Laffont.

Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a annoncé récemment que l’État doublait le montant des fonds que vous avez collectés auprès de vos partenaires privés. Comptiez-vous sur cet appui de l’État ?
Non, ce fut une nouvelle extraordinaire. Nous allions engager une seconde levée de fonds, mais nous allons revoir nos ambitions à la hausse tout de suite ! À travers cette annonce, le ministère veut inciter à la création d’autres fondations. Le vrai problème des universités aujourd’hui, c’est moins le béton que l’amélioration de leur attractivité auprès des meilleurs enseignants-chercheurs.

Chacun de vos donateurs trouve-t-il un intérêt direct ?
Il s’agit d’une fondation de coopération scientifique. Afin que les donateurs bénéficient de la déductibilité fiscale, nous ne pouvons produire de recherche dédiée spécifiquement à un partenaire, ni fournir une prestation particulière en échange du don. Ceux-ci financent donc un ensemble de recherches publiques utiles pour tous. Les grandes entreprises ont conscience de la nécessité d’avoir des étudiants bien formés et de l’intérêt de disposer de centres de recherche performants. Nous avons été surpris par leur accueil et leur écoute.

Comment les produits générés par le placement de ces fonds seront-ils utilisés par TSE ?
Les classements bibliométriques pondérés selon la qualité des revues placent le Toulouse School of economics (TSE) parmi les deux meilleures équipes européennes de la discipline, au même niveau que la London School of Economics (LSE). La fondation a pour objectif de permettre à TSE de concurrencer les meilleurs centres de recherche mondiaux tels que le MIT, Harvard ou Stanford, qui bénéficient aujourd’hui de moyens très supérieurs aux nôtres. Beaucoup des meilleurs chercheurs que nous formons partent aux États-Unis, où ils sont mieux payés. Grâce à notre fondation, nous pouvons aller à leur rencontre. Nous leur faisons des offres de chaires sur une durée de trois à cinq ans. Puis le passage d’un concours de l’université ou des organismes de recherche leur permet, une fois recrutés par TSE, de trouver un poste permanent dans le système académique français. Après, notre fondation continue à les récompenser pour leurs publications, par un système de points ou de décharges de cours. Ce système de chaires, utilisé par TSE, permet de signer de façon flexible avec les chercheurs des contrats privés pour des postes permanents et de leur offrir des conditions comparables à celles du système américain.

Une partie de ces fonds sera-t-elle destinée à la formation des doctorants ?
Oui, le rôle de la fondation est aussi d’améliorer l’attractivité de notre système d’enseignement doctoral. Dans les années 1990, nous avons mis notre offre de formation doctorale aux standards internationaux, avec une première année de thèse qui s’ajoute au M2 et une formation entièrement en anglais. Aujourd’hui,
70 % de nos doctorants sont étrangers. Or, un certain nombre des meilleurs étudiants ne se portaient pas candidats, car ils trouvaient une offre de financement pour leurs études plus favorable ailleurs. Nous devons être capables de faire des contre-offres face au MIT !

Votre fondation peut-elle être un modèle pour l’ensemble des universités françaises ?
La loi LRU offre la possibilité à n’importe quelle université de créer une fondation pour attirer des fonds privés. Nous sommes en pointe dans l’utilisation de ces nouvelles règles. Nous avons aussi été les premiers à mettre en place une vraie gouvernance mêlant public et privé : cinq représentants de nos partenaires privés vont siéger au conseil d’administration. Depuis l’entrée en vigueur de la loi LRU, notre avantage institutionnel sur les autres universités s’est déjà réduit. Nous avons deux ans d’avance, c’est peu. Notre véritable avantage sur les autres, c’est notre centre de recherche qui fonctionne depuis vingt ans sur les principes de base de l’excellence scientifique, notamment la volonté de recruter au plus haut niveau.

Une fondation pour un réseau

Toulouse Sciences économiques (TSE) est l’un des treize réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) lancés par le gouvernement en 2007 pour être les fers de lance de la recherche française. L’école regroupe trois laboratoires sur le site de la Manufacture des tabacs de Toulouse 1 : le GREMAQ (Groupe de recherche en économie mathématique et quantitative), le LERNA (Laboratoire d’économie des ressources naturelles) et l’ARQADE (Atelier de recherche quantitative appliquée au développement économique).
Les 120 chercheurs de TSE, rattachés à l’université Toulouse 1, à l’École des hautes études en sciences sociales, au CNRS et à l’INRA, investissent tous les domaines des sciences économiques, et particulièrement l’environnement, la finance, la macroéconomie. La spécialité de Jean Tirole, directeur de TSE et médaille d’or du CNRS en 2007, est la régulation de la concurrence des marchés financiers. Créée par décret du 1er février 2007, la Fondation de coopération scientifique Jean-Jacques Laffont – du nom du fondateur du pôle toulousain de sciences économiques, il y a dix-huit ans – a pour objectif de soutenir le développement de l’École d’économie de Toulouse. Cette dotation en capital non consommable lui permettra de fonctionner sur les produits engendrés par leur placement.

Propos recueillis par Géraldine Dauvergne | Publié le