Cindy Pétrieux (Confédération étudiante) : "La question de l'insertion professionnelle doit être placée au centre des discussions"

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant Publié le
Présidente de la Confédération étudiante (1 élu au CNESER) depuis le 7 juillet 2012, Cindy Pétrieux livre un point de vue plutôt critique de l’action de la ministre Geneviève Fioraso, notamment sur l’absence d’engagement en faveur de l’insertion professionnelle des étudiants. Troisième volet de notre tour d’horizon des organisations étudiantes à l’approche des élections aux CROUS de novembre.

Comment jugez-vous en cette rentrée universitaire les premiers pas de la ministre de l’Enseignement supérieur ?

Sur la ministre elle-même, nous n’avons pas vraiment d’avis puisqu’elle ne nous a toujours pas reçus depuis son entrée en fonctions. Nous n’avons rencontré que des membres de son cabinet. Pour l’instant, les échanges avec la ministre semblent concerner un syndicat en particulier [NDLR : l’UNEF], ce qui pose question sur le dialogue social avec les représentants étudiants…

À défaut de la personne, comment jugez-vous alors ses premières annonces ?

«Les stages en licence doivent devenir obligatoires»

Aucune des vingt mesures engagées par le ministère ne concerne l’insertion professionnelle, principale préoccupation des étudiants vu les difficultés des jeunes à trouver un emploi. Après la formation et la recherche, la ministre aurait-elle oublié que c’est la troisième mission de l’université ? Il est urgent que cette question soit placée au centre des discussions, notamment dans les Assises de l’enseignement supérieur.

Un exemple : l’une des avancées majeures du Plan licence a été la mise en place des stages dès la licence, quelle que soit la filière. Ces stages doivent devenir obligatoires, ce qui n’est pas encore le cas. Nous notons tout de même un point positif : l’annonce de la construction de 40.000 nouveaux logements . C’est une très bonne nouvelle, mais il y a urgence. Avec seulement 170.000 chambres disponibles pour plus de 1,5 million d’étudiants en recherche de logement, les arnaques se développent. C’est pourquoi nous menons des actions avec l’UFC-Que choisir contre les vendeurs de listes. Et nous demandons à la ministre de l’Enseignement supérieur et à la ministre du Logement de stopper ces arnaques.

En matière de vie étudiante, que pensez-vous du projet de remise à plat des aides sociales ?

«Remettre à plat» est une expression à la mode, mais cela reste flou. Il y a pour nous plusieurs points sur lesquels nous serons intransigeants, notamment les aides au logement [APL et ALS] qui doivent être maintenues. Ce sont les seules aides sociales auxquelles les étudiants étrangers peuvent prétendre pour financer une part de leurs frais de logement. Quant aux bourses, notre position est claire. Aujourd’hui, seuls 20% des foyers les plus pauvres accèdent à une bourse. Nous voulons que le seuil d’accès soit indexé sur le revenu médian pour qu’au moins 50% des foyers puissent bénéficier d'une bourse. Et que cette bourse soit revalorisée au-delà du maximum actuel de 460 € par mois.

Quelle est votre position sur un principe de calcul des bourses en fonction des ressources de l’étudiant et non plus de ses parents ?

«Conservons le mode actuel de calcul des bourses, mais en les revalorisant»

C’est extrêmement injuste. Cela voudrait dire qu’en étant indépendant de ses parents, un étudiant fils d’avocat d’affaires bénéficiera de la même aide qu’un étudiant fils d’ouvrier. Et pire, si ce dernier a un job pour financer une part de ses études, il aura droit à moins d’aide ! On ne peut pas prendre en compte les revenus des étudiants tout simplement parce qu’ils n’en ont pas. L’idée d’une telle réforme serait de donner la même chose à tout le monde. C’est une revendication de petits bourgeois. Conservons le mode actuel de calcul des bourses qui donne plus à ceux qui en ont le plus besoin, mais en les revalorisant tant au niveau des montants que des volumes.

Pourquoi la Confédération étudiante revient-elle en cette rentrée sur un sujet qui semblait réglé : la circulaire Guéant ?

La circulaire du 31 mai 2011 qui empêchait les jeunes diplômés étrangers de travailler en France a effectivement été abrogée . Mais le décret du 6 septembre 2011 pour lequel nous nous sommes aussi mobilisés n’a pas été annulé. Ce décret a augmenté les conditions de ressources mensuelles exigées auprès des étudiants étrangers pour leur délivrer un titre de séjour. Le montant est passé de 460 € par mois à 615 €, voire 770 €, selon les préfectures. Ce décret qui pénalise les étudiants étrangers les plus défavorisés doit être supprimé.

Qu’attendez-vous des Assises nationales de l’enseignement supérieur ?

«Nulle part n’est abordée la question du décloisonnement de l’université»

Tout va dépendre de l’implication des acteurs aux niveaux territorial et national. Aujourd’hui, vu l’état d’esprit dans lequel se place le ministère qui ne parle pas d’insertion professionnelle, nous avons de gros doutes. On nous parle d’«objectif réussite» ! Mais c’est quoi la réussite si, à la fin des études, il n’y a pas d’insertion. Nous sommes donc plutôt très septiques. Nulle part n’est abordée la question du décloisonnement de l’université, décloisonnement avec le lycée pour améliorer l’orientation et décloisonnement avec le monde professionnel.

En tant qu’élue à la tête d’un syndicat étudiant plutôt positionné à gauche, vous semblez très déçue par l’action du gouvernement…

C’est clair qu’il y a une déception, mais on attend de voir… Pour l’instant, le manque de dialogue est évident et le discours est plutôt porté par le dogme qui est loin des préoccupations quotidiennes des étudiants, principalement sur l’insertion professionnelle.

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant | Publié le