D. Lewis (université de Bordeaux) : "Nous voulons éviter de passer les cours à distance"

Amélie Petitdemange Publié le
D. Lewis (université de Bordeaux) : "Nous voulons éviter de passer les cours à distance"
Dean Lewis, président de l'université de Bordeaux, fait le bilan de son action depuis son arrivée. // ©  Amélie Petitdemange/Educpros
Crise énergétique, précarité étudiante, transition écologique, plateforme de candidature en master... Dean Lewis, élu président de l'université de Bordeaux en janvier 2022, dresse les défis qui attendent son établissement.

Renforcée par la crise sanitaire, la précarité étudiante est encore très présente en ces temps d’inflation. Que prévoyez-vous pour aider les étudiants ?

Les mesures sont nationales et doivent être opérées de manière majoritaire par le Crous. Cela dit, nous faisons un maximum pour accompagner nos étudiants. L’idée, c’est de ne pas laisser des étudiants en forte précarité, en complétant les actions du Crous avec le FSDIE (Fond de solidarité au développement des initiatives étudiantes).

Dean Lewis université de Bordeaux
Dean Lewis université de Bordeaux © Amélie Petitdemange/Educpros

Il y a des actions de court terme, comme le prêt d’ordinateurs et la mise à disposition de locaux pour une épicerie solidaire et des distributions de paniers alimentaires. Nous serons aussi attentifs à l’évolution du nombre de visites aux assistantes sociales. Si la demande augmente pendant l’hiver, nous y répondrons. Des mesures mises en place pendant la crise sanitaire pourront être reconduites, comme un chèque pour les produits de première nécessité.

Sur le moyen et le long terme, nous menons des opérations de logement étudiant avec la dévolution du patrimoine pour compléter le parc de logement du Crous. L’offre est en effet nettement insuffisante par rapport à la demande.

Nous avons aussi un rôle de vigile concernant la précarité. Nous menons un dialogue local avec le Crous et un dialogue national avec la Dgesip (direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle) pour faire remonter les besoins.

A combien chiffrez-vous la dépense supplémentaire liée à la hausse du prix de l’énergie pour votre université ?

La note standard pour l’année 2021 était de 11 millions d'euros. En 2022, nous sommes à 15 millions, soit 4% d’augmentation. Et en 2023, à 18 millions, soit une augmentation de 20%. Un inventaire a été fait : à l’échelle nationale, le surcoût s’élèvera à 80 millions pour les universités en 2022. France universités est en discussion avec le ministère de l’Enseignement supérieur pour obtenir une aide.

Quelles solutions allez-vous mettre en place pour réduire votre consommation ?

Des mesures sont en cours de discussion. Sur le long terme, nous voulons réduire la consommation d’énergie de 60% d’ici 2030. Et pour faire face à l’urgence, de 10% cet hiver. Cela passera notamment par une baisse de température. A l’inverse, les serveurs informatiques peuvent être climatisés à 22 ou 23 degrés au lieu de 19 actuellement.

Nous passerons aussi par un plan qui mobilise l’ensemble de la communauté : éteindre les lumières en partant, éteindre le matériel le week-end... Nous faisons aussi la tournée des laboratoires énergivores pour voir si l’on peut reporter certaines opérations hors des pics de consommation.

A l’échelle nationale, le surcoût énergétique s’élèvera à 80 millions pour les universités en 2022.

Nous avons par ailleurs des compteurs d’énergie électrique dans pratiquement tous les bâtiments. Cela permet de connaitre la consommation de chaque bâtiment, de voir lesquelles consomment le plus et de trouver des solutions. Par exemple, les laboratoires de recherche consomment 100 fois plus qu’une salle de TD. Nous avons identifié une dizaine de bâtiments. Par exemple, à Pessac, nous avons une salle blanche qui consomme 1,5 million d’euros par an. Elle comporte des congélateurs à -20°, des hottes….

Il y a également un volet de production de notre énergie. Une chaufferie bois est déjà installée, des panneaux photovoltaïques sont en déploiement et une centrale de géothermie sera livrée en 2026.

En revanche, nous voulons éviter de passer les cours à distance. D’un point de vue académique, mais aussi car cela pourrait multiplier la consommation d’énergie si chacun est chez soi.

Que prévoyez-vous en matière de transition écologique, au niveau de la gestion de l’université et concernant la création de formations ?

L’idée, c’est de suivre les recommandations du rapport Jean Jouzel. Nous voudrions un enseignement significatif en licence qui ne serait pas le même selon les disciplines et ne se cantonnerait pas à la fresque du climat (un atelier pour comprendre les enjeux du réchauffement climatique, NDLR). Nous pouvons aussi nous poser la question d’avoir une orientation dans des enseignements existants, par exemple enseigner le droit de l’environnement dans les formations en droit.

Concernant le moyen et long termes, nous visons une rénovation complète du parc immobilier d’ici 2030. Nous avons aussi la volonté de maitriser notre surface. Nous avons des pics d’activité où nous avons besoin de toutes les salles puis des creux. Nous pouvons donc mieux agencer les emplois du temps pour utiliser moins de surface.

Nous voulons éviter de passer les cours à distance. D’un point de vue académique, mais aussi car cela pourrait multiplier la consommation d’énergie si chacun est chez soi.

Il y a aussi des zones où nous faisons valoir la biodiversité. Sur nos 180 hectares de foncier, il y a une majorité d’espaces verts : des installations sportives, des jardins partagés gérés par les étudiants… Enfin, nous avons un laboratoire pour regarder la qualité de l’air sur le campus et dans les bâtiments.

Comment accueilliez-vous la création d’une plateforme de candidature unique en master dès février 2023 ?

Ce reparamétrage de la plateforme, comme c’est arrivé pour Parcoursup, représente une surcharge de travail pour les équipes enseignantes et administratives qui sont déjà très sollicitées. A ce stade, nous avons encore du mal à mesurer les avantages et les inconvénients. Mais cela peut être un mal pour un bien, car ce sera ensuite plus pratique. Par exemple, le nombre de demandes reçues par les enseignants pour entrer en droit est énorme. Si la plateforme permet un traitement plus efficace, de répondre plus rapidement aux étudiants, c’est positif.

Si la plateforme unique de master permet un traitement plus efficace, de répondre plus rapidement aux étudiants, c’est positif.

Il faut tout de même mesurer la charge qui sera imposée aux équipes. En général, cela se fait à moyen constant. L’an dernier, lors des prémisses de cette plateforme, il y a eu des réticences dans mon université en raison de cette surcharge de travail. Ce type de réforme doit se faire avec une bonne concertation avec les établissements. Heureusement, le ministère aujourd’hui est plutôt dans une démarche de faire participer les acteurs du terrain. C’est essentiel d’écouter ceux qui mettent les réformes en place !

Amélie Petitdemange | Publié le