D. Perrotin (Conférence des doyens de médecine) : «Je souhaite la création de facultés de santé dans les universités»

Propos recueillis par Virginie Bertereau Publié le
D. Perrotin (Conférence des doyens de médecine) : «Je souhaite la création de facultés de santé dans les universités»
Dominique Perrotin, doyen médecine Tours // © 
Réforme de l’examen classant national, bilan de la PAES, rôle des CHU… Dominique Perrotin, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, revient pour EducPros sur certains chantiers concernant la formation en médecine et la recherche biomédicale.

Quelle est la position des doyens sur la réforme de l’ECN (examen classant national) ?

Il faut changer la formule. Le système actuel ne permet pas de départager réellement les 8.000 candidats, surtout les 6.000 du «milieu» du classement. Les questions ouvertes sur les 10 dossiers proposés à l’examen posent en particulier problème. Il faudrait les remplacer par des QCM [questionnaires à choix multiple], comme en PAES [première année des études de santé]. Par ailleurs, la correction «humaine» fait place à trop de subjectivité. Si on faisait passer l’ECN par le biais d’outils informatiques comme les tablettes, on pourrait recourir à la correction automatique, soumettre des dossiers aux énoncés progressifs, intégrer des vidéos pour proposer des situations cliniques… Bref, se rapprocher de l’exercice de la médecine telle qu’on la vit. Ainsi, tous les étudiants seraient plus ou moins obligés de retourner à l’hôpital pour se préparer, au lieu de bachoter.

La réforme de la PAES prévoyait qu’en 2012-2013 toutes les universités devaient avoir développé les passerelles pour les étudiants au niveau insuffisant. Quel est votre bilan ?

Les passerelles ne fonctionnent pas bien. Ce qu’on apprend en PAES est différent de ce qu’on apprend en droit… Logiquement, il faudrait faciliter la mise en place de passerelles vers les autres filières de santé, comme celle d’infirmier. Or, aujourd’hui, être reçu-collé ne permet pas d’entrer dans les instituts de formation en soins infirmiers, qui possèdent leur recrutement propre.

Le point positif de la réforme aura tout de même été de mettre dans un même amphi les étudiants de quatre filières (dentaire, médecine, sage-femme, pharmacie) et de faire travailler ensemble les enseignants. À présent, ce que je souhaite, c’est la création de facultés de santé dans les universités. Cela permettrait de mutualiser les enseignements, de délivrer une culture commune, d’imaginer des parcours de recherche communs. Ces facultés rassembleraient les quatre disciplines de la PAES, voire plus [sciences de la rééducation, sciences infirmières…], mais progressivement, pour ne pas torpiller l’idée.

Ce que je souhaite, c’est la création de facultés de santé dans les universités.

Comment se passe l’intégration des études de médecine dans le LMD ?

Elle se fait avec difficulté. Dans la plupart des pays européens, les étudiants entrent en fac de médecine après avoir été sélectionnés après le bac. La sélection s’opère sur dossier, tests d’aptitude, voire entretien, comme en DUT. En France, les étudiants sont sélectionnés après la première année. Il n’y aura jamais de «vrai» LMD en santé tant qu’on laissera le concours au milieu de la licence ou qu’on sélectionnera progressivement au cours des trois premières années.

Les étudiants sont contre le principe de la sélection après le bac depuis longtemps au nom du libre accès à l’université. Un leurre… Le recours à des prépas privées, à une année blanche postbac pour se préparer au concours est d’ores et déjà antidémocratique.

Les CHU ont-ils les moyens de remplir leurs missions de formation ? Le font-ils correctement quel que soit le devenir des étudiants (hôpital public, clinique, exercice libéral…) ?

Je suis favorable à la poursuite de la mission principale des centres hospitalo-universitaires – la mission clinique auprès du patient – si ceux-ci travaillent avec les hôpitaux généraux car il n’y a plus assez de lits pour le nombre d’étudiants en CHU. En outre, il faut plus de formation chez les généralistes et les spécialistes de proximité pour deux raisons : plus de la moitié des médecins exercent en médecine ambulatoire ; les raisonnements et les prises de décision sont différentes en cabinet et à l’hôpital. Il faut que les étudiants bougent ! En revanche, la formation en clinique privée doit rester exceptionnelle, lorsqu’il n’y a pas le terrain de formation suffisant dans l’interrégion.

Que pensez-vous de l’organisation de la recherche biomédicale ? N’existe-t-il pas un empilement de structures, avec la création récente, à côté des CHU, des DHU (départements hospitalo-universitaires) et des IHU (instituts hospitalo-universitaires) dans le cadre des Investissements d’avenir ?


La recherche biomédicale manque de lisibilité. Existe-t-il un médecin en France capable de décrire son organisation ? Je ne suis pas opposé au principe d’IHU et de DHU si on leur donne un cadre très précis et si les CHU gardent la triple mission formation-soins-recherche. Les DHU doivent être l’occasion de créer des structures interrégionales d’excellence, de faire coopérer plusieurs CHU. Mais ils doivent prendre leur base sur les soins des patients : si on n’a pas de cohortes suffisantes de patients, on ne crée pas de DHU.




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