E.Borne : "L'apprentissage est un investissement fondamental que nous continuerons à soutenir"

Etienne Gless Publié le
E.Borne : "L'apprentissage est un investissement fondamental que nous continuerons à soutenir"
Pour Elisabeth Borne, les aides à l'embauche ont "très bien marché" et jouent "un rôle important". // ©  Etienne Gless
La ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion dresse un premier bilan du plan sur l'emploi des jeunes mis en place en juillet dernier. Elisabeth Borne confie à EducPros le lancement prochain d'une concertation pour maintenir la dynamique de l'apprentissage à la rentrée 2021. Et revient sans détour sur les accusations de fraude qui visent certaines formations du supérieur qui se sont mises à l'apprentissage l'an passé et se retrouvent avec des centaines de jeunes sans contrat.

Grâce aux aides à l'embauche d'apprentis, 495.000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été signés dans le secteur privé en 2020. Plus de la moitié - 57 % - l’ont été pour préparer un diplôme ou un titre professionnel de niveau bac+2 ou plus. L’enseignement supérieur est-il toujours la locomotive de l’apprentissage ?

C’est une bonne nouvelle car cela montre qu’on peut se former en apprentissage à tous les niveaux. Mais je suis très attentive à ce que l’on maintienne et même que l’on développe les formations en CAP, en brevet professionnel, en bac pro car ce sont des formations dont nous avons besoin pour recruter dans des métiers aujourd’hui en tension.

Des entreprises offrent des emplois sur ces qualifications et ne trouvent pas les personnes dont elles ont besoin. Il faut donc absolument maintenir et développer les formations sur ces diplômes de niveau bac et infra bac qui permettent de trouver rapidement un emploi.

Quel bilan dressez-vous des aides à l’embauche de jeunes en CDD de plus de trois mois et en CDI ? Ces aides qui s'adressent notamment aux jeunes diplômés entrant sur le marché du travail vont-elles être prolongées ?

Ces aides ont très bien marché. 1,2 million de jeunes de moins de 26 ans ont été embauchés en CDD de plus de trois mois ou en CDI entre le mois d’août et la fin de l’année 2020. Elles ont eu un rôle important et sont toujours actuellement en vigueur.

Le principe que je défends est que les jeunes puissent être accompagnés quand ils en ont besoin.

Les entreprises, tout comme les jeunes, doivent avoir en tête qu’elles existent toujours et qu'elles sont prolongées jusqu’à la fin du mois de mars 2021. Comme pour l'apprentissage, nous allons mener une concertation avec les représentants des entreprises et des organisations de salariés pour voir, en fonction de la situation sanitaire et économique, comment continuer à soutenir l’embauche des jeunes.

Beaucoup d’étudiants et de jeunes se retrouvent en situation de grande précarité. Pourquoi n’êtes-vous pas favorable à l’extension du RSA aux 18-25 ans et lui préférez vous le dispositif de la Garantie jeunes ?

Nous devons d’abord aux jeunes un accompagnement pour élaborer un projet professionnel et le mettre en œuvre. C’est cet accompagnement qui est fondamental. Il faut évidemment prendre en compte la situation d’un certain nombre de jeunes qui ont aussi besoin d’un soutien financier. Le principe que je défends est donc celui de la Garantie jeunes proposé par les missions locales : un accompagnement vers l’emploi et une aide financière jusqu’à 500€ par mois pour ceux qui en ont besoin. Dans le plan "1 jeune, 1 solution", nous avons généralisé ce principe à l’ensemble des jeunes accompagnés de manière intensive par Pôle emploi, l’association pour l’emploi des cadres (APEC) et les missions locales.
Je pense que c’est la bonne réponse pour les jeunes plutôt que le RSA jeunes : nous ne nous contentons pas de donner une allocation, nous permettons au jeune de bâtir et réaliser son projet professionnel et d’être accompagné pour cela.

Où en est votre enquête sur certaines écoles de commerce et organismes de formation qui pourraient avoir utilisé frauduleusement le système d’aides exceptionnelles mis en place pour soutenir l'apprentissage ?

Oui. La loi du 5 septembre 2018 a facilité l’ouverture de centres de formation d’apprentis. Mais quand on est un CFA on a des obligations et parmi elles -outre le fait de proposer une formation qui alterne des moments théoriques et des moments en entreprise- il y a celle d’aider les jeunes à trouver des entreprises. C’est ce que nous sommes en train d’examiner : un certain nombre de formations font-elles bien toutes les démarches et se mettent-elles bien en situation de trouver les entreprises dont les jeunes ont besoin pour effectuer leur contrat d’apprentissage ?

C’est bien d’ouvrir un CFA quand on est une formation du supérieur, mais cela fait partie des obligations de trouver des entreprises pour les jeunes.

Quand je discute avec les CFA "historiques" comme les CFA des métiers de l’artisanat, je constate qu’ils passent toute l’année à être en contact avec des entreprises potentielles pour que leurs jeunes trouvent des contrats. Je connais dans les métiers de l'artisanat des directeurs de CFA qui auraient pu accueillir plus de jeunes mais s'y refusaient s'ils n'étaient pas assurés de leur trouver une entreprise. C’est cela qu’on attend d’un CFA.

Manifestement un certain nombre d'écoles et d'organismes de formation n'ont pas eu cette démarche. Nous ne voulons pas qu’ils embarquent des jeunes dans des formations en apprentissage qui suppose une partie en entreprise sans se donner les moyens de trouver des entreprises pour les jeunes. Cela fait partie de la mission des CFA d'avoir des relations avec les entreprises locales qui peuvent accueillir des jeunes en apprentissage.

En septembre dernier, le rapport de l’IGAS-IGF soulignait le coût élevé pour les finances publiques du nouveau système de formation professionnelle et posait la question de son équilibre financier à terme ? Quelles pistes envisagez-vous pour équilibrer, rationaliser le système ?

Tout le système de la protection sociale et de la formation a été perturbé par la crise sanitaire. Il faut faire la part des choses entre ce qui relève du choc de la crise sanitaire et du reste. Une chose est sûre, nous ferons tout ce qu'il faut pour continuer de développer l'apprentissage : c'est une voie d’excellence à laquelle nous souhaitons que de plus en plus de jeunes recourent. Elle permet de se former en fonction des besoins des entreprises et de se familiariser avec le monde des entreprises et de trouver un emploi. C'est un investissement fondamental qu'on continuera à faire quoi qu'il arrive !

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