Écoles d'art : vers un doctorat de création et de design

Sophie de Tarlé Publié le
Écoles d'art : vers un doctorat de création et de design
Isabelle Phalippon-Robert et Jérôme Dupin supervisent l'enseignement dans les écoles d'art à la direction générale de la création artistique // ©  Sophie de Tarlé
Alors que certaines écoles d'art ferment et que d'autres fusionnent, le ministère de la Culture pose des jalons pour leur avenir avec une simplification des diplômes, des changements de nom et le projet de création d'un doctorat. Le point avec Isabelle Phalippon-Robert, chef du département des écoles supérieures d'art au ministère de la Culture, et Jérôme Dupin, inspecteur de la création artistique.

L’École d’art de Perpignan ferme cette annéeComment faire pour que d’autres écoles ne soient pas aussi dépendantes des finances d’une municipalité ?

Jérôme Dupin : En moyenne, l’État ne finance les 33 écoles territoriales qu’à hauteur de 10%. Seules les 11 écoles nationales sont entièrement financées par l’État. En tout, 11.000 étudiants sont scolarisés dans ces écoles. Pour éviter que les écoles d'art municipales se retrouvent fragilisées, un certain nombre d’entre elles se sont regroupées. C’est le cas par exemple de l’École européenne supérieure d’art de Bretagne, qui compte depuis 2012 les sites de Quimper, Lorient, Brest et Rennes.

Conséquence des accords de Bologne, les écoles d'art ne sont plus en régie municipale mais en EPCC (établissements publics de coopération culturelle) autonomes, avec un conseil d’administration, un conseil scientifique et de la recherche, un conseil pédagogique et de la vie étudiante, qui comprennent des représentants des étudiants, des professeurs, des personnels, et de l’État généralement représenté par la Drac (direction régionale des affaires culturelles). Et les comptes sont désormais publics. Aujourd’hui, dès la création de l’EPCC, les partenaires (collectivités territoriales, structures d’enseignement supérieur et de recherche…) s’engagent sur son financement.

Est-ce qu’il n’y aurait pas trop d’écoles d’art publiques en France ? Le marché de l’art contemporain peut-il absorber tous ces diplômés ?

Isabelle Phalippon-Robert : Non, les écoles d'art ne sont pas trop nombeuses. D'abord au regard de la qualité des enseignements, comme le confirment les résultats des évaluations au grade de master du HCERES (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur). Ensuite, les rapprochements d’écoles intervenus ces dernières années ont déjà fortement diminué leur nombre. Nous sommes passés en quelques années de 58 écoles territoriales à 45.

La présence d’une école d’art dans une ville a du sens. Elle résulte soit d’une tradition historique et de la création des premières académies de peinture au XVIIIe siècle, soit de la révolution industrielle, comme à Saint-Étienne et à Lyon. Aujourd'hui, les élus locaux sont convaincus que l’art contemporain constitue un véritable facteur d’attractivité pour leur territoire. Les écoles d’art et de design ont multiplié ces dernières années les liens avec leurs partenaires locaux, universités, collectivités territoriales, entreprises.

La présence d’une école d’art dans une ville a du sens. (I. Phalippon-Robert)

Quelles ont été les conséquences de la masterisation depuis 2012 ?

J. D : Ces écoles ont énormément changé. Elles sont évaluées, désormais par le HCERES, auparavant par l’Aeres (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur). Cela les a obligées à s’autoévaluer, à publier un livret de l’étudiant, à faire des enquêtes d’insertion, à développer la recherche. Les diplômés doivent désormais rédiger un mémoire, et les écoles doivent embaucher des universitaires. Elles ont mené toutes ces évolutions en deux ans, malgré le refus de certaines au début. À l’époque, des pétitions circulaient car beaucoup n’imaginaient pas que des universitaires aient un regard critique sur la création artistique. Aujourd’hui, cela ne fait plus débat.

Comment vont-elles évoluer à l’avenir ?

I. P.-R :  D'abord, elles vont changer de nom. Nous proposons le terme d’"école d’art et de design". Le terme "beaux-arts" ne correspond plus à la réalité. Déjà, certaines ont des identités fortes : la bande dessinée à Angoulême, le design à Saint-Étienne, à l’Ensci-les Ateliers (Paris) ou à Reims, le graphisme à Valence, à Amiens ou à Strasbourg, et la céramique à Limoges. Il est important que le ministère valorise le réseau des écoles publiques de design à côté de celui des écoles privées.

La réforme territoriale va favoriser le rapprochement des écoles d’une même région, en termes de réseau. Celle de Clermont-Ferrand fait déjà partie du réseau des écoles de Rhône-Alpes. Les complémentarités pédagogiques seront encouragées dans les années à venir.

Nous souhaitons créer des doctorats de création et de design en lien avec des écoles doctorales, l’équivalent n’existant pas à l’université. Déjà, l’Ensad (École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris) propose un doctorat de création en partenariat avec l’ENS (École normale supérieure) de Paris dans le cadre du programme Sacre (sciences, arts, création, recherche), une formation doctorale de PSL (Paris Sciences et Lettres). L’université d’Aix-Marseille s’est engagée dans cette démarche en se rapprochant de l’École d’art d’Aix-en-Provence et de l’École nationale de la photographie d'Arles. Enfin, Le Fresnoy a mis en place un doctorat avec l’université de Montréal.

Par ailleurs, un projet de loi prévoit la création de diplômes de troisième cycle (entre un et trois ans) pour améliorer la pratique des étudiants.

Dernier point, la simplification des diplômes. En 2018, les deux diplômes à bac+3, le DNAT (diplôme national d’arts et techniques) et le DNAP (diplôme national d’arts plastiques) fusionneront pour simplifier les cursus d’arts plastiques et en améliorer la visibilité. Le nouveau diplôme aura le grade de licence.  

 

Sophie de Tarlé | Publié le