Elian Pilvin (EM Normandie) : "Le modèle actuel de grande école va être bousculé dans les prochaines années"

Dahvia Ouadia Publié le
Elian Pilvin (EM Normandie) : "Le modèle actuel de grande école va être bousculé dans les prochaines années"
L'EM Normandie et son nouveau directeur ambitionne de développer les compétences hybrides de ses étudiants. // ©  Michel GAILLARD/REA
Elian Pilvin a pris officiellement la direction de l'EM Normandie en février 2020. Il revient pour Educpros sur sa gestion de la crise sanitaire, mais aussi sur ses ambitions pour l'école normande et les projets qu'il souhaite lancer.

Vous avez pris la tête de l’EM Normandie en février 2020. Un mois plus tard, vous êtes confronté à une crise sanitaire inédite. Comment avez-vous géré cette situation ?

Nous avons fermé nos campus conformément aux directives du gouvernement, dès le lundi 16 mars pour les étudiants et dès le 17 mars pour les personnels et le public. Depuis, 97% de nos personnels sont en télétravail et 3% sont soit au chômage partiel soit en arrêt.

Elian Pilvin
Elian Pilvin © EM NORMANDIE

Nous avons aussi décidé de suspendre les cours pendant 15 jours pour adapter notre réponse en matière de e-learning et afin de mobiliser le corps professoral. Pendant ces 15 jours blancs, les étudiants ont pu réviser, lire, etc. Puis dès le 30 mars, nous avons ré-ouvert notre plateforme pédagogique, la Smart école. Tout le planning académique a basculé sur cette plateforme et nous avons utilisé Zoom pour suivre les cours à distance.

Nos 4.500 étudiants ont bénéficié de cette continuité pédagogique, en temps réel, puisque les cours à distance correspondaient à leur emploi du temps prévu en présentiel. Enfin pour les partiels, nous avons prévu des examens à distance sous forme de QCM ou sous forme d’études de cas.

Qu’est-ce qui vous a poussé à postuler à cette fonction de directeur général ?

J’ai toujours été lié à cette école. Je suis diplômé de l’EM Normandie, promotion 1996. J’ai créé une société dans l’événementiel que j’ai vendue à la fin des années 2000.

En 2013, j'ai pris le poste de directeur marketing de l’EM Normandie puis directeur des opérations en 2015. J’ai aussi été président du réseau des anciens de l’école de 2001 à 2013. Je connais donc l’école, en tant qu’étudiant, en tant que partie prenante et en tant que membre de la direction. C’est donc tout naturellement que j’ai postulé à la succession de Jean-Guy Bernard.

Vous étiez proche de votre prédécesseur. Maintenant que vous êtes aux manettes, qu’est-ce qui va guider votre action ?

J’ai une conviction, le modèle actuel de grande école va être bousculé et doit être repensé dans les cinq à dix prochaines années. Le terme même de business school sera obsolète et va disparaître. Il est donc important de nous interroger sur la valeur ajoutée d’une business school pour ses étudiants mais aussi vis-à-vis de la société. Cela passera par impulser une nouvelle dynamique.

Quelle serait cette nouvelle dynamique ?

Il est essentiel aujourd’hui qu’un manager comprenne la technologie qui est partout. Sans cela, il s’éloigne de la stratégie. Les écoles de commerce doivent ainsi s’ouvrir à deux branches : entre les sciences humaines et les sciences de l’ingénieur. C’est pourquoi nous allons développer notre portefeuille de programme pour aller vers les sciences de l’ingénieur et donner une culture scientifique de base à nos étudiants.

Les écoles de commerce doivent s’ouvrir à deux branches : entre les sciences humaines et les sciences de l’ingénieur.

Mais il existe aussi une problématique d’éthique nécessaire dans nos métiers. C’est pourquoi, nous voulons aussi intégrer des sciences humaines, sociologie, psychologie, histoire de l’art, dans nos enseignements. L’objectif c’est d’aider nos étudiants à mobiliser plusieurs concepts et développer une pensée critique et complexe.

Plus globalement, quels sont vos principaux projets pour les prochaines années ?

L’EM Normandie est une association loi 1901, labellisée Eespig. Aujourd’hui, nous avons 42 millions d’euros de budget. On devrait dépasser la barre des 60 millions d’euros en 2022.

Nous avons aussi un plan ambitieux de recrutement d’enseignants-chercheurs pour passer de 85 à 120 dans les prochaines années. L’objectif c’est de miser sur la qualité de l’accompagnement et un meilleur encadrement tout en augmentant l’impact de la recherche dans la région

Nous allons aussi vers une refonte de notre programme grande école avec une première mouture en septembre 2020. Nous procédons par étape, aussi l’ensemble du programme sera rénové en septembre 2021.

Par ailleurs, nous voulons proposer l’intégralité de la palette de programmes qu’on peut trouver dans une école de management. Aujourd’hui, nous avons de nombreux programmes de formation mais nous devons créer un Executive MBA et nous travaillons à la création d’un Phd avec un laboratoire universitaire. Cette ambition répond à une nécessité : proposer une progression pédagogique et permettre à ceux qui le souhaitent de trouver un cursus qui lui corresponde.

L’EFMD a lancé une nouvelle accréditation globale, EFMD accredited. Allez-vous vous lancer dans ce nouveau projet ?

Oui, l’EM Normandie est inscrite pour notre programme grande école en formation continue. Quand on passe l’accréditation Equis, le dossier est assez dense. Les auditeurs passent au peigne fin toute l’école dans son ensemble. Il est donc cohérent pour nous de passer cette nouvelle accréditation. Avec elle, on met un coup de projecteur sur un programme par rapport à un standard international.

Par ailleurs, nous avons été renouvelés AACSB et Equis en 2019, cette troisième accréditation a du sens. Nous n’avons pas la fameuse triple couronne avec AMBA, mais selon moi ça n’a pas de valeur. En tout cas nous n’allons pas courir après.

Le Brexit met-il en cause la viabilité de votre campus à Oxford ?

Ce campus est une entité de droit anglais, EM Normandie UK et nous sommes en processus d’accréditation par le ministère de l’Enseignement supérieur anglais. Mais pour le moment, on ne sait pas très bien ce qui va se passer pour les étudiants étrangers au 31 décembre 2020. Nous sommes accompagnés et très proches de la chambre de commerce sur ce sujet, ce qui est rassurant.

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