L'AFDESRI (Association des femmes dirigeantes de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation), que vous présidez, a été créée début septembre 2014. Comment est-elle née et quels sont ses objectifs ?
Il y a un peu plus d'un an, j'ai été contactée par une association internationale de femmes présidentes d'université, et je me suis rendu compte que nous n'avions pas d'équivalent en France, alors qu'il en existe dans d'autres secteurs, par exemple pour rassembler les femmes chefs d'entreprise. Or, seuls 30% des recteurs sont des rectrices, 11% des présidents d’université sont des présidentes, 7% des directeurs d’école d’ingénieurs sont des directrices…
Face à ces chiffres, notre association vise à défendre la place des femmes dans des fonctions de dirigeantes de l'ESR : présidente d'université, directrice d'école mais aussi de laboratoire ou d'UFR (unité de formation et de recherche), ou encore directrice générale des services centraux de l'État.
En effet, une carrière se construit petit à petit : on peut commencer par être à la tête d'un petit laboratoire, puis d'un plus important, ensuite on dirige un projet de recherche européen… C'est ce parcours que nous voulons défendre, avec les femmes mais aussi les hommes membres de l'association car c'est ensemble que nous nous battons pour la mixité.
Nous allons organiser des rencontres entre celles et ceux qui exercent, ou ont exercé, des responsabilités dans l'enseignement supérieur et la recherche, en accueillant aussi parfois des cabinets de coaching. Mais l'association ne s'adresse pas aux jeunes femmes qui veulent accéder à des postes de direction car nous ne voulons pas devenir un lieu de lobbying.
Le plafond de verre est-il aussi important dans l'ESR qu'ailleurs ?
Contrairement à un a priori répandu, selon lequel ce milieu intellectuel serait plus ouvert que d'autres, on constate que les réflexes un peu archaïques, ancrés au fin fond de notre psychologie, existent là comme ailleurs.
Certains freins sont internes : les femmes s'autocensurent ou éprouvent des difficultés à équilibrer leur temps entre l'enseignement, la recherche et la vie de famille. D'autres causes sont externes, liées la représentation très masculine que l'on se fait souvent d'un dirigeant. Lorsque j'ai fait campagne pour la présidence de Grenoble INP, on m'a fait la remarque qu'il n'était pas sûr qu'avec mes manières de mère de famille j'allais y arriver…
Pour contrer tous ces préjugés, il faut qu'il y ait des hommes et des femmes qui disent : "C'est pour toi !" Les femmes ont besoin d'être poussées à prendre des responsabilités et qu'on leur fasse sentir qu'elles sont légitimes à le faire.
Les réflexes un peu archaïques existent dans l'ESR comme ailleurs.
Nombre de textes de loi évoluent aujourd'hui dans ce sens...
Oui, nous sommes face à des exigences de parité : il faut qu'il y ait des femmes dans les conseils d'administration, les jurys de recrutement… C'est évidemment une bonne chose mais, comme on compte peu de femmes dirigeantes, celles-ci sont beaucoup sollicitées. Nous devons alimenter le pipeline, sinon nous n'y arriverons pas.
Côté politique, nous avons des femmes ministres, qui sont sûrement sensibilisées à cette question. Il faut désormais que cela entre dans les mœurs et se concrétise sur le terrain.
L' Association des femmes dirigeantes de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation compte actuellement une quinzaine de membres (femmes et hommes), dont sept fondatrices :
- Sophie Béjean, présidente du Cnous, de Campus France et de la Stranes
- Simone Bonnafous, directrice générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle
- Valérie Cabuil, directrice de Chimie ParisTech
- Christine Gangloff-Ziegler, présidente de l'université de Haute-Alsace
- Armande Le Pellec Muller, rectrice de l'académie de Montpellier
- Brigitte Plateau, administratrice générale de l'Institut polytechnique de Grenoble
- Claudine Schmidt-Lainé, rectrice de l'académie de Rouen
Le compte twitter de l'association : @AFDESRI.