François Weil (recteur de Paris) : "Nous allons mener des actions plus volontaristes sur le continuum bac–3 à bac+3"

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
François Weil (recteur de Paris) : "Nous allons mener des actions plus volontaristes sur le continuum bac–3 à bac+3"
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François Weil, recteur de Paris et chancelier des universités, a quitté la présidence de l’EHESS en juillet 2012 pour "participer au projet du Président de la République qui veut remettre les questions d’éducation au cœur de la politique nationale". Décrochage scolaire, PRES, Espé… Il détaille pour EducPros ses priorités, dans le cadre de notre série d’entretiens avec les recteurs.

Comment s’organise concrètement votre nouvelle vie de recteur de Paris depuis le mois de juillet 2012 ?

Ma vie de recteur de Paris est partagée en trois. Une très grande priorité va au scolaire, qui occupe environ 40% de mon temps. L’enseignement supérieur, c’est-à-dire les universités ainsi que les PRES (pôles de recherche et d’enseignement supérieur) parisiens qui se trouvent sous le regard du recteur, est important aussi. Cela représente environ 30%. Enfin, le recteur a un rôle de représentation (30%), en raison de la place symbolique de la Sorbonne où je me trouve, qui n’est pas seulement un monument parisien mais accueille un grand nombre d’événements nationaux et internationaux. C’est pour cela que le recteur est, par tradition, le président d’honneur de la Conférence des recteurs.

Pour quelles raisons avez-vous accepté cette mission ?

Je considérais que les sujets du scolaire étaient importants et je souhaitais participer au projet du président qui veut remettre les questions d’éducation au cœur de la politique nationale. C’est pour cela que j’ai quitté la présidence de l’EHESS. Mais je reste enseignant-chercheur, ce qui me semble être une très bonne chose.

Quel est le principal point faible de l'académie de Paris ?

On dit souvent que c’est une académie de grande réussite en ne citant que les établissements de la montagne Sainte-Geneviève. Or, derrière des performances académiques moyennes, se cachent des écarts considérables entre des élèves en très grande difficulté et des lieux d’excellence, avec des établissements à vocation nationale et pas seulement académique. Nous sommes très bons avec les bons élèves, mais nous avons plus de mal à faire réussir les élèves en difficulté. Nous avons une attention particulière à l’égard des plus fragiles.

Par quoi cette attention particulière se traduit-elle concrètement ?

Nous travaillons sur l’individualisation des parcours, l’accompagnement, la lutte contre le décrochage. En plus de ses effets sur le scolaire lui-même, la réforme des rythmes a une vertu supplémentaire, c’est qu’elle entraîne un engagement fort de la mairie pour améliorer les dispositifs périscolaires. Cela devrait nous permettre d’élargir l’horizon des élèves et notamment des plus fragiles. C’est le meilleur moyen de susciter leur ambition. Pour être régulièrement au contact des équipes enseignantes et des élèves dans les établissements, je constate que ces élèves ont une vision bornée à un territoire parfois limité à quelques rues. Certains n’ont jamais vu la Seine. Les partenariats sont très importants pour combattre l’échec scolaire.

Quel type de partenariats souhaitez-vous renforcer ?

L’ouverture de l’horizon par les partenariats avec la culture, les musées, etc., est fondamentale. Par ailleurs, je veux également renforcer les partenariats avec le secteur économique dans l’académie, pour contribuer à l’insertion de nos élèves. J’ai, par exemple, reconduit récemment un partenariat avec le Comité Colbert, rassemblant les maisons des métiers du luxe et des institutions culturelles, parce que ce secteur économique ne connaît pas la crise et que les lycées professionnels de l’académie ont des ressources considérables en la matière, avec des formations uniques.

Quels sont les autres chantiers qui vous occupent depuis votre nomination ?

Pour ce qui est du supérieur, nous assurons le suivi de la mise en place des PRES parisiens, qui ont reçu des initiatives d’excellence, en totalité ou en partie pour le PRES Hésam. Cela a des conséquences immobilières, pédagogiques et scientifiques. Nous y travaillons avec Geneviève Fioraso et avec les recteurs de Créteil et Versailles, puisqu’il y a aussi des enjeux franciliens. Et nous assurons également le suivi individuel des universités parisiennes.

Dans le secondaire, nous travaillons aussi sur la valorisation des filières scientifiques autres que la filière S, comme les STI2D, qui contribuent à l’essor de la culture scientifique et marchent bien. Elles visent des élèves ayant un intérêt pour la chose scientifique mais ne se retrouvant pas dans la théorisation qu’ils jugent excessive en S.

Et la loi sur la refondation de l’école figure également parmi nos priorités. Nous avons déjà bien avancé sur la mise en place de l’Espé [école supérieure du professorat et de l’éducation].

Derrière des performances académiques moyennes se cachent des écarts considérables entre des élèves en très grande difficulté et des lieux d’excellence

A-t-il été compliqué de parvenir à un accord pour que l’Espé parisienne soit portée par l’université Paris-Sorbonne-Paris 4 ?

Il fallait une école dans Paris. Nous avions sept universités intéressées sur huit, puisque Dauphine ne l’était pas. Nous avons commencé à y travailler fin novembre dernier et sommes parvenus il y a quelques semaines à un consensus sur les modes de gouvernance et le portage de l’Espé par l’université Paris-Sorbonne-Paris 4. Cela a pris un peu de temps parce que les universités étaient dans des logiques concurrentielles autour d’un projet commun. Mais l’ensemble des présidents d’université ont mis l’intérêt général au-dessus de leur intérêt particulier et les présidents de PRES ont également joué un rôle déterminant. Par ailleurs, le CNAM, qui n’était pas associé à l’IUFM, souhaite s’associer à l’Espé pour la formation des enseignants.

Quelle est la liste de vos priorités pour les mois qui viennent ?

Nous allons mener des actions plus volontaristes sur le continuum bac–3 à bac+3. L’appui aux familles et aux élèves dans leur démarche d’orientation en fait partie. Il y a aussi la question des bacheliers professionnels, qui sont trop peu accueillis en BTS et connaissent un fort taux d’échec lorsqu’ils se dirigent en licence générale. Cette situation est inacceptable. L’académie travaille cette année, en amont des procédures de recrutement, avec les chefs d’établissement et les encouragent à accueillir au moins un tiers de bacheliers professionnels et un tiers de bacheliers technologiques dans les filières pensées pour eux.

La révolution numérique est une autre priorité. L’académie de Paris doit prendre ce tournant essentiel pour les élèves et les dispositifs pédagogiques. On va beaucoup y travailler dans les mois et les années qui viennent. Vous retrouverez tout cela dans le projet académique 2013-2016, que nous sommes en train d’élaborer avec le directeur de l’académie et qui sera validé à l’été.

Qu’aimeriez-vous le plus accomplir à la tête de l’académie de Paris ?

Lorsque je quitterai ma fonction de recteur, si nous n’avons pas réduit l’écart entre les meilleurs élèves et les plus fragiles, je considérerai que c’est un échec. La mesure de ma réussite personnelle en tant que recteur ne se fera pas sur l’amélioration des performances des très bons élèves, qui n’ont pas besoin de moi, mais sur l’aide apportée aux équipes pour améliorer celles des élèves plus fragiles. Si nous avons avancé là-dessus, par toutes les stratégies possibles, je considérerai que j’aurai réussi dans ma mission.



Paris : une académie particulière
Paris n’est pas la France ? Du côté de l’organisation de l’académie aussi, Paris, ville-département, fait figure d’exception. Le recteur de l’académie de Paris est, en effet, le seul du pays à disposer d’un vice-chancelier pour le supérieur. Il est également secondé d’un directeur de l’académie, lui-même assisté de deux DA-SEN (directeurs académiques des services de l’Éducation nationale) : l’un pour le premier, l’autre pour le second degré. Il y a également une vraie chancellerie, qui gère les biens des universités parisiennes. Les revenus des intérêts de ces biens lui permettent de remettre une cinquantaine de prix chaque année.

Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le