Hervé Hamon, écrivain et éditeur : « Le gouvernement a une vision a minima du service public »

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant Publié le
Hervé Hamon, écrivain et éditeur : « Le gouvernement a une vision a minima du service public »
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La mobilisation des enseignants-chercheurs et des étudiants a rejoint, mardi 28 avril 2009, celle des médecins et autres personnels hospitaliers qui manifestent contre le projet de réforme des hôpitaux inscrit dans la loi Bachelot. L’écrivain Hervé Hamon, auteur de deux enquêtes bien connues sur le monde de l’enseignement, publiées à vingt ans d’intervalle (Tant qu’il y aura des profs, éd. Seuil, 1984 et Tant qu’il y aura des élèves, éd. Seuil, 2004), a aussi écrit sur le milieu médical (Nos médecins, éd. Seuil, 1994). Pour Educpros, il met en parallèle ces deux mouvements et les revendications qu’ils portent.

Comment analysez-vous cette jonction entre le mouvement des médecins hospitaliers et celui des universitaires ?

Ces mouvements sont le résultat d’une vision caricaturale de l’hôpital comme de l’université que le gouvernement veut imposer avec une vision a minima du service public. Il y a là une idée naïve de la concurrence. Faire passer l’hôpital public sous les mêmes règles de rentabilité qui s’appliquent au privé relève d’une analyse fausse. Les cliniques privées qui font de plus en plus de médecine ambulatoire n’ont pas les mêmes ratios de performance que les hôpitaux publics qui prennent en charge les pathologies les plus lourdes et accompagnent les patients jusqu’en fin de vie. Un cancer des poumons ce n’est pas rentable ! Dans la même logique, le gouvernement veut dégager à tous prix quelques pôles d’excellences universitaires. Mais les critères sont basiques à l’exemple du classement de Shanghai ou du nombre de médailles… C’est de l’excellence vite fait.
 
Que pensez-vous des pouvoirs accrus donnés aux présidents d‘université comme aux directeurs d’hôpitaux ?

Il y a là une différence fondamentale. Un directeur d’hôpital est un gestionnaire. Il passe rarement du temps dans un service pour en comprendre les enjeux médicaux et humains. Un président d’université est un universitaire élu par des universitaires. Il est du sérail et il est donc censé connaître les enjeux de l’enseignement et de la recherche. Or la plupart des présidents d’université refusent les pouvoirs exorbitants de gestion et de recrutement que la réforme veut leur donner. C’est un cadeau empoisonné.

N’y a t-il pas aussi un conservatisme du côté des médecins comme des universitaires ?

Il n’est pas question de nier quelques inerties et conservatismes du mandarinat. Certains médecins, peu formés à l’économie de la santé, témoignent d’une nostalgie d’un âge d’or, une époque où la Sécu était solvable… Reste que la plupart des praticiens hospitaliers, comme les enseignants-chercheurs, travaillent durs, avec passion et dans des conditions difficiles. Le conservatisme est plutôt du côté du lobby de la médecine libérale, ou du côté de ceux qui veulent instaurer une concurrence sauvage entre les universités, ou qui misent sur les sciences dures au dépend des sciences humaines.

La réforme est-elle possible pour ces deux institutions que sont l'université et l'hôpital ?

Les acteurs de ces mouvements sont d’accord sur la nécessité de réformer et ne sont pas pour le statu quo, qu’il s’agisse de réformer la carte hospitalière ou les premiers cycles universitaires. Les réactions des universitaires notamment sont particulièrement dignes. Ils disent que cette réforme n’est pas convenable. En face, le gouvernement veut passer en force, sans négocier, sans écouter. Ce volontarisme est un peu effrayant. Il risque fort de laisser un goût d’amertume sur une occasion justement ratée de réformer.

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant | Publié le