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J. Charroin (Essca) : "Les trois piliers traditionnels des business schools sont remis en cause par la crise"

Dahvia Ouadia Publié le
J. Charroin (Essca) : "Les trois piliers traditionnels des business schools sont remis en cause par la crise"
Le directeur de l'Essca fait le point sur l'impact de la crise sanitaire sur le modèle des écoles de commerce françaises. // ©  ESSCA
La crise sanitaire touche de plein fouet les trois piliers des écoles de commerce : l’international, la vie associative et la professionnalisation. Jean Charroin, directeur général de l’Essca, revient sur les conséquences possibles pour les business schools françaises à moyen terme.

Comment la crise sanitaire affecte les écoles de commerce ?

Les trois piliers traditionnels sur lesquels l’identité des grandes écoles de management s’est forgée sont remis en cause. En effet, en dehors de la pédagogie, l’international, la professionnalisation et la vie associative sont touchés de plein fouet par la crise et la mise à distance des étudiants.

Charroin
Charroin © Photo fournie par le témoin

La déstabilisation des écoles de commerce peut voir l’arrivée d’investisseurs financiers nouveaux. Mais, la crise peut aussi être un accélérateur. Certaines écoles, qui jusqu’à présent étaient très bien positionnées à l’international, vont sans doute compenser en revenant dans le marché domestique et donc prendre des places d’écoles qui recrutent en local.

Il est aussi possible que certaines familles fassent des arbitrages différents à cause de contraintes économiques et aillent vers l’université.

Il y a donc des risques de fragilité supplémentaire pour des écoles post-bac et post-prépa.

Vous évoquez les trois piliers traditionnels des écoles de commerce. Comment ont-ils été touchés ?

Chacune de ces dimensions a été plus ou moins affectée selon les établissements. Le secteur qui a été le plus durement touché reste celui de la vie associative. Or c’est un des aspects auquel les étudiants sont le plus attachés. Les associations ont bien sûr pu maintenir une activité minimale, à distance notamment, mais le confinement met à l’arrêt l’ensemble des activités des associations.

L’international, notamment les destinations lointaines, a aussi été mis à mal. Les écoles proposent toutes des palliatifs avec des cours à distance ou la possibilité de partir dans des destinations européennes. On le voit à l’Essca, notre campus de Shanghai accueille aujourd’hui majoritairement des étudiants de la zone asiatique. Ceux qui voulaient venir en France ne l’ont pas fait pour le moment.

Enfin, il est évident que les étudiants mettent plus de temps pour trouver leur stage et apprentissage. Il y a moins de fluidité même si l’activité perdure. L’expérience en entreprise elle-même n’est pas du tout celle que les étudiants imaginaient au départ. Ils travaillent pour la plupart à distance et découvre une situation managériale inédite ce qui peut aussi créer des tensions et des crispations.

Justement, des pétitions circulent actuellement pour une baisse, même partielle, des frais de scolarité. Comment réagissez-vous face à ces demandes des étudiants et leurs familles ?

Je pense qu’il est essentiel de miser sur le dialogue avec les étudiants et leurs parents pour expliquer ce qu'il se passe. Au-delà de l’enjeu du modèle économique, il est essentiel de rassurer les étudiants sur les compétences qu’ils vont acquérir. A l’Essca, nous avons intégré l’association des parents d’étudiants dans notre gouvernance. Elle participe à nos réflexions, et est partie prenante de l’évolution de l’école. C’est un bon moyen de les impliquer dans les prises de décision et de maintenir le dialogue avec eux sur ce type de sujet.

Ensuite je pense qu’un programme grande école en cinq ans offre une profondeur temporelle que ne permettent pas d’autres programmes. En cinq ans, il est toujours possible de rattraper le retard pris sur l’international, la vie associative mais aussi les stages.

Sur le sujet des frais de scolarité, votre école a d’ailleurs évolué…

Tout à fait, nous venons de voter la possibilité d’avoir des frais de scolarité modulés pour les étudiants boursiers et de classes moyennes. Ils auront des frais qui iront de 3.000 à 12.000 euros. Cette mesure s’impose de manière générale pour la rentrée 2021 aux étudiants de première année. Dès le mois de janvier, les candidats pourront accéder à un calculateur en ligne pour estimer les frais de scolarité à payer.

Cette mesure sera en place pour les trois premières années du programme grande école. En cycle master, nous proposons plus d’alternance qui est un levier social en plus d’être un outil efficace d’insertion professionnelle. Nous avons par ailleurs toujours des bourses internes pour aider les étudiants qui sont dans des situations très précaires. En parallèle, nous avons intégré une hausse des frais de scolarité pour les autres étudiants dans une logique de redistribution.

Dahvia Ouadia | Publié le