Jean-Philippe Agresti est recteur de la région Orléans-Tours depuis juin 2024. Il revient pour EducPros sur les défis auxquels est confrontée son académie, mais aussi sur la mise en place des réformes du choc des savoirs et les chantiers qu’il entend mener [NDLR : cette interview a eu lieu le 26 novembre, en amont de la censure du gouvernement de Michel Barnier].
Quelles sont les spécificités de votre académie dont vous devez tenir compte ?
L’académie d’Orléans-Tours est fortement marquée par la ruralité. Nous avons un axe le long de la Loire qui est très attractif avec une population d'élèves qui se maintient voire qui augmente mais également un axe rural où nous avons une déprise démographique très importante.
Dans des départements, comme l’Indre ou le Cher, cette déprise démographique est très forte. C’est un défi majeur pour nous et l’une de nos priorités est d’y remédier. Nous devons travailler dans la durée avec les élus locaux et les parents d’élèves à la structuration d’un service public éducatif de qualité.
Avez-vous d’autres priorités pour l’académie ?
Au sein de l’académie, nous avons de bons résultats sur l’éducation prioritaire renforcée qui offre une valeur ajoutée pour les élèves. Puisque la mise en place de l’éducation prioritaire renforcée a des effets positifs sur les résultats des élèves, il faut que nous travaillions sur une structuration des zones REP et hors REP pour proposer le même niveau de valeur ajoutée à nos écoles et nos collèges.
Selon moi, en y mettant nos efforts nous pourrons répondre à la priorité ministérielle qui est d’élever le niveau.
La mise en place de l’éducation prioritaire renforcée a des effets positifs sur les résultats des élèves, il faut que nous travaillions sur une structuration des zones REP et hors REP pour proposer le même niveau de valeur ajoutée à nos écoles et nos collèges.
Avec l’annonce de l’acte II du "Choc des savoirs", une poursuite des réformes semble engagée. Que pensez-vous de cette posture ?
Il est clair qu’aujourd’hui il y a la volonté de renforcer les savoirs fondamentaux, avec l’ambition politique affirmée et réaffirmée d’élever le niveau de tous les élèves. Pour y arriver, nous devons travailler en collectif dans les conseils académiques des savoirs fondamentaux avec les chefs d’établissement et les directeurs d’écoles.
De manière plus concrète, nous devons nous appuyer sur le système des évaluations nationales dont nous disposons qui est très développé dans le premier degré et pour une partie dans le second degré.
Pour comprendre quels sont les besoins à l’intérieur de chaque classe, la granularité fine est pour moi aujourd’hui le secret de l’élévation de tous.
Ces évaluations doivent nous permettre d’arriver à un degré de granularité très fin pour comprendre quels sont les besoins à l’intérieur de chaque classe. Cette granularité fine est le secret de l’élévation de tous.
C’est cette structuration que j’ai mise en place dans l’académie : on ne laisse pas les chefs d’établissement seuls pour interpréter les évaluations : nous les accompagnons en leur fournissant des outils au plus près des besoins de leur établissement.
Parmi ces réformes, il y a la mise en place des groupes de besoins au collège [NDLR : l'interview a été réalisée avant la décision du conseil d'Etat du 28 novembre annulant cette mesure, après la rentrée 2025]. A-t-elle pu se faire dans l’académie ?
Les groupes de besoins se sont mis en place en deux temps comme le permettent les textes. Une partie des collèges les a expérimentés depuis la rentrée, une autre après les vacances d’automne.
Finalement, grâce à la flexibilité qu’ont permis les textes, chaque établissement a pu trouver son organisation.
Il est encore trop tôt pour faire une évaluation de cette mise en œuvre, mais lorsque nous discutons avec les enseignants de mathématiques et de français, le retour de terrain est plutôt positif. Je le répète, ce ressenti ne vaut pas évaluation. En effet, je ne nie pas qu’il y a des organisations syndicales qui y sont encore opposées mais sur le terrain nous avons l’impression que les critiques se sont tues.
Concrètement, nous n’avons pas de remontées de nouvelles difficultés par les chefs d’établissements. Finalement, grâce à la flexibilité qu’ont permis les textes, chaque établissement a pu trouver son organisation.
Concernant la réforme de la voie professionnelle, a-t-elle débouché sur l’ouverture de formations répondant aux besoins de votre territoire ?
Au sein de l’académie d’Orléans-Tours, nous disposons de filières d’excellence dans le milieu professionnel notamment dans les secteurs de la bijouterie ou de la maroquinerie avec des lycées nationalement reconnus dans ces domaines et que nous soutenons.
Concernant l’évolution de la carte des formations professionnelles, nous travaillons main dans la main avec la région et les milieux économiques. Il s’agit pour nous d’un sujet majeur car notre taux d’orientation en voie professionnelle est légèrement au-dessus de la moyenne nationale. Nos lycées sont bien remplis. Il y a donc l'enjeu de répondre aux besoins de l’industrie, dont le poids est fort dans notre académie.
Les secteurs de l’énergie ou de la cosmétique de luxe par exemple dont les besoins sont très forts.
De quelle industrie parlez-vous ?
La région est fortement marquée par des industries en tout genre mais notamment dans les secteurs de l’énergie ou de la cosmétique de luxe par exemple dont les besoins sont très forts.
Mais nous avons aussi des besoins importants dans le domaine de la santé. Nous sommes dans un des déserts médicaux les plus importants de France. Orléans a vu son CHU créé depuis seulement un an. L’enjeu majeur est d’attirer les étudiants vers ce secteur. Pour cela, nous construisons le 2e cycle des études de médecine et nous proposons dans nos lycées des options santé afin d’amener les jeunes vers les métiers de la santé.
Avez-vous des manques d’enseignants dans votre académie ?
Que ce soit dans le premier et le second degré, nous n’avons pas de problèmes structurels de manque d’enseignants dans notre académie parce que la rentrée se prépare très en amont. Cette préparation permet d’anticiper et de prévoir le renouvellement des contractuels durant l’été, d’alimenter et animer le vivier dans chaque discipline, par exemple.
Cela étant dit, il ne s’agit pas de nier les difficultés que nous pouvons rencontrer et les conséquences sur les élèves, les équipes et les familles. En effet, nous ne sommes pas étrangers à des manques ponctuels et chaque fois qu’il manque un professeur pour une heure d’enseignement, c’est pour nous, recteur et toutes les équipes, quelque chose qui n’est pas satisfaisant.
Ces manques ponctuels concernent davantage certaines disciplines ?
Aux vacances d’automne, nous avons une tension suivant les lieux géographiques et essentiellement en lettres. Également, de manière localisée nous avons des difficultés en mathématiques mais dans une bien moindre proportion, dans des matières professionnelles de niche ainsi qu’en biotechnologie.
Dans tous les cas, ces difficultés sont souvent très localisées. Pour y remédier, nous utilisons des TZR (titulaire sur zone de remplacement) ainsi que notre vivier de contractuels.
Est-ce que ces situations causent des difficultés dans le cadre des remplacements de courte et longue durée ?
Le système est entièrement mobilisé sur le remplacement et même s’il s’est nettement amélioré la situation n’est pas absolument satisfaisante. Ce le sera lorsqu’il ne manquera plus aucune heure de cours. Pour l’heure, chaque difficulté rencontrée par un élève est une préoccupation pour nous.
Nous avons élaboré une cartographie qui nous permet de voir en temps réel où sont les besoins en remplacement et où sont les ressources.
Nous avons élaboré une cartographie qui nous permet de voir en temps réel où sont les besoins en remplacement et où sont les ressources. Cet outil a été élaboré en interne. Aujourd’hui nous essayons de l’améliorer. Lorsqu’il sera parfaitement stabilisé au niveau académique, nous le présenterons comme un des outils d’aide à la gestion des remplacements.
Un dernier chantier prioritaire pour votre académie ?
Au sein de l’académie d’Orléans-Tours, nous faisons face à un déficit d’ambition dans l’enseignement supérieur.
Nous sommes dans une académie qui a le plus de frontières avec d’autres académies, sans aucune frontière vers l’étranger ou la mer par exemple. Cette réalité fait qu’il y a une attraction vers l’extérieur. Résultat : nous avons un flux sortant post-bac plus important dans l’académie que le flux entrant.
C’est un enjeu pour lequel je travaille avec les acteurs de l’orientation et l’enseignement supérieur pour redonner de l’attractivité à nos formations post-bac.
Notre série : les enjeux des académies, vus par les recteurs
Pour comprendre les enjeux de chaque territoire, EducPros vous propose une série d'interviews des recteurs. Rentrée scolaire, spécificités et projets académiques, formation des enseignants et réformes : c'est l'occasion de faire le point sur les grandes questions nationales et locales.
L'entretien de Jean-Philippe Agresti est le quatrième de notre dossier. Vous pouvez également consulter l'interview de :