Jean-François Dhainaut (AERES) : «L’habilitation des formations doit disparaître si les universités sont vraiment autonomes»

Propos recueillis par Fabienne Guimont Publié le
Jean-François Dhainaut (AERES) : «L’habilitation des formations doit disparaître si les universités sont vraiment autonomes»
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Nouvelles procédures d’évaluation, critères d’attribution des moyens, rapport sur l’Inserm…L’AERES (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) est au cœur de l’actualité des derniers mois. Rencontre avec Jean-François Dhainaut, son président. 

L’évaluation des établissements de la vague D a commencé mi-octobre 2008. Les procédures ont-elles changé ?  

Les établissements seront visités en deux mouvements. Ceux relevant des académies de Lille et Versailles verront les experts entre novembre 2008 et janvier 2009. Ceux des académies de Paris et Créteil de janvier à mars 2009. La cotation des unités de recherche et des formations seront rendues en avril 2009. Les résultats seront publiés à la fin du printemps. La recherche recevra une note globale et des notations par critères (projet, production, capacité de faire émerger de jeunes équipes, valorisation). Avoir des notations multicritères paraît plus sain pour comprendre la note globale. Je ne cherche pas à avoir moins de critique mais à donner plus d’informations aux établissements. Toutes les formations seront cotées : licences, masters et pour la première fois écoles doctorales. Ce qui est le plus difficile à coter, ce sont les établissements. Ma politique n’est pas arrêtée à ce sujet, mais on pourrait peut-être le faire à partir de la vague A.  

Il n’y a pas d’évaluation des formations sur leur contenu mais sur leur pilotage…  

Il est difficile de juger du contenu des formations car on ne suit pas les cours. A part l’évaluation des enseignements par les étudiants, qui est très variable d’une université à l’autre et même entre UFR, il est difficile de s’en faire une idée. On évalue les licences avec des critères comme l’organisation globale (plan de cours, objectifs fixés, formation redondante ou pas avec celles d’établissements proches), des items manquants, les passerelles avec les autres spécialités, la coopération avec d’autres universités, le suivi et le tutorat étudiant, les mécanismes d’assurance qualité ou l’insertion professionnelle. Il faut que les universités mettent en place des mécanismes d’assurance qualité pour toutes les formations. Je voudrais que les universités soient évaluées a posteriori : si l’une d’elle veut monter une licence de psychologie, on ne peut l’en empêcher dans la mesure où elle est autonome mais elle doit en tirer les conséquences si ses étudiants ne s’insèrent pas. Cela demande une énergie considérable d’évaluer les formations alors qu’on pourrait davantage travailler sur la gouvernance, la stratégie des formations. Il faut que l’habilitation des formations disparaisse si les universités sont vraiment autonomes. Elles doivent mettre en place des équipes pédagogiques de qualité vérifiant les débouchés, la redondance avec d’autres formations et a contrario mettre en place des mécanismes de rétro-contrôle.     

Qu’est-ce que la restructuration de la DGES a changé pour l’AERES ?  

Pour l’instant, le travail avec la DGES n’est pas simple car il n’y a pas de nom sur l’organigramme. Le but est de créer une agence de financement, mais rien n’est stable. Des réunions entre la DGES, l’AERES et la CPU doivent permettre d’ici mars 2009 de finaliser des documents uniques de contractualisation sur les établissements, les formations et la recherche, avec la critérisation des moyens. Pour le moment, la DGES ne prenait en compte nos notations sur les formations que pour leur habilitation mais pas pour attribuer des moyens. Ce qui va changer avec ces documents. Les établissements de la vague A auront les premiers ce nouveau document de contractualisation. Pour le moment, nous continuons à discuter avec la DGES sur le système de répartition des moyens. Un système stabilisé sera donné fin févier 2009.  

Quel est le message que le rapport sur l’Inserm a voulu faire passer ?  

C’était le premier grand établissement évalué, après le Cemagref. Le comité de visite a estimé que les sciences de la vie sont très fragmentées en France et que l’Inserm, qui a pour mission d’organiser les sciences biologiques et médicales, n’en avait pas les moyens du fait de cette balkanisation. Les personnels administratifs représentent 15-20% des agents alors que la moyenne est à 2-3%. Le système tel qu’il est secrète beaucoup d’administration et est peu fonctionnel. Les chercheurs dépendent de nombreuses tutelles et ne sont pas suffisamment mobiles. De ces constats a été conclu qu’il fallait faire une grande agence de moyens pour les sciences du vivant, sans jamais parler de fusion entre le CNRS et l’Inserm. Il faut opérer des changements progressivement et donner aux universités le moyen de gérer leurs unités de recherche : 80% des unités Inserm sont concentrées dans 10 universités.

Propos recueillis par Fabienne Guimont | Publié le