Jean Gaeremynck (administrateur provisoire de Sciences po) : "S’il y a des tensions, elles sont vraiment souterraines."

Propos recueillis par Olivier Monod Publié le
Jean Gaeremynck (administrateur provisoire de Sciences po) : "S’il y a des tensions, elles sont vraiment souterraines."
Jean Gaeremynck // © 
Jean Gaeremynck a été nommé administrateur provisoire de Sciences po fin novembre 2012. Il revient pour EducPros sur ses débuts à la tête de l’institution et sur la nouvelle procédure de sélection du successeur de Richard Descoings.

Par quoi avez-vous été surpris depuis votre arrivée à Sciences po ?

Le décalage entre la tonalité négative qui ressortait des articles de presse et la réalité de l'ambiance sur place. Cette différence me stupéfie. La maison fonctionne. Il y a eu des problèmes en 2012, c'est tout à fait clair. Mais on s'apprête à accueillir des milliers d'étudiants et tout est prêt. La maison tourne.

Et vous n'avez remarqué aucune tension lors des deux conseils de direction et des deux conseils d'administration auxquels vous avez assisté ?

Ces conseils ont adopté le budget 2013 et ont défini la procédure menant à la nomination du prochain responsable de Sciences po. J'ai vu des conseils qui fonctionnent bien, avec des personnes qui s'expriment sur des points de convergence de méthode.

A ce sujet, j'étais très attentif de la procédure de nomination du futur directeur. En quatre réunions, j'ai vu les conseils se mettre largement d'accord sur celle-ci. Ce ne serait pas honnête de dire le contraire.

Lors du premier conseil auquel j'ai assisté, le conseil de direction de l'IEP, j'ai vu des représentants des étudiants, des enseignants et des personnels administratifs s'exprimer de manière convergente.

Quels points de convergence ?

Un accord pour dire que les instances compétentes sur la procédure de sélection sont les deux conseils. Que si un comité de recherche doit être créé, il ne doit pas avoir un caractère statutaire. Que l'intérêt serait d'avoir un comité unique car l'administrateur de la FNSP et le directeur de l'IEP doivent être la même personne. C'est le cas depuis longtemps et c'est toujours la volonté des membres des conseils. Ce comité de recherche doit respecter les principes de représentativité et de parité entre la délégation venant du conseil de direction et celle du conseil d'administration.

Depuis que je suis ici, je ne fais que recevoir des délégations et j'entends majoritairement des points de convergence. S'il y a des tensions, elles sont vraiment souterraines.

Vous parlez d'articles de presse négatifs, mais le rapport de la Cour des comptes l'était lui aussi.

Le rapport comportait trois chapitres. La tonalité des deux premiers était plutôt admirative. Le dernier chapitre, quant à lui, ne décrit pas une gestion épouvantable. Il a dénoncé des points de dysfonctionnement sur des questions précises comme les marchés, les horaires de service des enseignants, des primes attribuées suivant une grille pas claire. Nous sommes en train de redéfinir les règles du jeu. Il y a des dysfonctionnements. Je ne nie pas leur existence. Mais en tout état de cause, il n'y a eu ni malversation ni gaspillage d'argent public.

Le sujet des primes attribuées aux cadres de l'établissement a provoqué un réel débat.

Nous sommes en train d'opérer la clarification demandée par la Cour des comptes. Les rémunérations accessoires se négocient avec les partenaires sociaux, c'est ce que nous allons faire.

Lors de la précédente procédure de sélection du prochain directeur de Sciences po, des critiques avaient été émises sur sa transparence. Les candidats dénonçaient une compétition biaisée, avec un candidat déjà choisi par les instances.

Je sais que cette critique a été émise. Je n'ai pas à me prononcer sur son bien-fondé, je n'étais pas là, cela m'est égal. Ce qui m'intéresse c'est la nouvelle procédure. Il s'agit d'une procédure ouverte, avec un seul comité au lieu de deux. Il n'existe pas de candidature fléchée.

Des critiques ont été émises sur ce nouveau comité. Il lui est reproché d'être composé de proches de M. Péberau et de manquer de diversité de point de vue.

Sur les douze membres du comité, le président Jean-Claude Casanova et moi n'avons pas de voix délibérative. Sur les dix qui restent, deux personnalités sont complètement extérieures à Sciences po. La plupart n'ont pas pris part à la procédure précédente. Comment peut-on dire, comme je l'ai lu, qu'on prend les mêmes ?

On parle de personnes humaines. Ce ne sont pas des étiquettes ! Ils vont avoir leur opinion, il va y avoir une dynamique propre au comité. Pourquoi veut-on que cette procédure soit tirée par les erreurs de la précédente ?

Selon vous Hervé Crès peut-il se présenter et être choisi ?

Il peut se présenter, oui. Il n'y a pas de raison d'exclure quiconque. Pour ce qui est d'être choisi. Je n'ai pas de don de divination. Je rappelle simplement qu'il faut un vote des deux tiers au niveau du conseil d'administration de la FNSP et aussi un vote, à la majorité simple, au niveau du conseil de direction de l'IEP.

La ministre a exprimé plusieurs fois son souhait de voir des femmes candidates, ce paramètre rentre-t-il en ligne de compte pour le comité de recherche ?

Tout d'abord, le comité de recherche est paritaire. Il s'agit d'une nouveauté intéressante. Il est souhaitable qu'il y ait des candidatures féminines, j'espère qu'il y en aura. Le comité est prêt à les recevoir. Il faut seulement qu'elles répondent au profil demandé.

Le profil demandé reste très général.

Oui mais vous voyez bien le système de contraintes. D'un coté il faut dire des choses précises sans exclure personne. Ce n'est pas rien de dire qu'il faut une expérience de management, une connaissance de Sciences po et du monde universitaire international. Prenons la connaissance de Sciences po par exemple. Si on demande une expérience d'enseignement à Sciences po, on exclut de fait les personnalités étrangères alors qu'il y a une volonté de ne pas fermer cette porte. On ne peut pas être trop précis sur nos critères.

Sur quoi va s'effectuer la sélection du comité ?

Les quatre critères cumulatifs, tout sera une question de curseur. [NDLR : les 4 critères sont : Bien connaître Sciences po, et en particulier ses évolutions récentes. Disposer d'une bonne capacité de management afin de consolider les réalisations de l'Institut et de gérer la Fondation. Connaître le monde universitaire national et international. Témoigner de son intérêt pour les disciplines enseignées à Sciences po et d'une large compréhension des enjeux de la recherche dans les sciences sociales]

Richard Descoings a mis en place beaucoup d'innovations parfois très controversées. Cherchez-vous plutôt quelqu'un dans la continuité de cette dynamique ou un profil plus conservateur ?

Les critères ne sont pas formulés ainsi. Je ne peux pas anticiper sur les débats. Nous n'avons pas formulé les critères de candidature de cette manière mais il est clair que la condition de « bonne connaissance de Sciences Po » inclut celle des évolutions fortes de la période récente.

Propos recueillis par Olivier Monod | Publié le