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L. Adoui (FU) : "Nous appelons à un soutien plus fort de la part de l’État"

Amélie Petitdemange Publié le
L. Adoui (FU) : "Nous appelons à un soutien plus fort de la part de l’État"
Lamri Adoui, président de France Universités, répond aux questions d'EducPros. // ©  France Universités
Lamri Adoui, président de France Universités, revient pour EducPros sur les priorités de son mandat : budget des universités, sélection en master, réforme des bourses et vie étudiante sont au coeur des préoccupations.

Lamri Adoui, président de l'université de Caen Normandie est à la tête de France Universités depuis le 30 janvier 2025. Au nom de l'association qui fédère les présidents d’universités, il revient sur le sous-financement chronique des universités, sujet majeur de préoccupation, évoqué lors de la première conférence de presse du nouveau bureau, le 11 février.

Le président de France Universités insiste, par ailleurs, sur la nécessité de relancer rapidement les concertations sur la réforme des bourses et de confier la gestion de la vie étudiante aux universités.

Vous avez abordé lors de votre conférence de presse, la question du sous-financement chronique de l'enseignement supérieur. Quelles pistes envisagez-vous pour améliorer la situation financière des universités ?

Ce sous-financement chronique n’est pas récent et se dégrade au fil des années. Ces dix dernières années, les universités ont accueilli 200.000 étudiants supplémentaires, sans que les moyens ne suivent proportionnellement.

Le ministère de l'Enseignement supérieur veut que nous développions des ressources propres. Cela passe par la formation continue, l'apprentissage, les liens avec les collectivités, les financements européens, ainsi que la hausse des frais d’inscription des étudiants, qui n'est pas une piste pour nous.

Nous appelons aussi à un soutien plus fort de la part de l’État, notamment pour compenser les mesures qu'il a décidées. Je pense notamment à la revalorisation du point d'indice, puisque le CAS pension a été compensé [par amendements du PLF 2025, NDLR], ce qui est une bonne nouvelle !

Il faut, par ailleurs, engager des discussions sur le Crédit impôt recherche pour voir si une partie pourrait bénéficier plus directement aux universités. Ce crédit représente 7,6 milliards d'euros par an. Il faut creuser pour voir si l’ensemble de ces aides atteint bien l'objectif de lier le monde académique et le monde économique autour des enjeux d’innovation et de recrutement de jeunes docteurs. Après tous les rapports d’évaluation, dont certains pointent des niches fiscales pour de très grandes entreprises, cela nous semble sain d’entamer ce débat.

Du côté des formations, quel bilan tirez-vous de la plateforme Mon Master ? Comment le droit à la poursuite d’études pourrait-il être amélioré ?

Cette procédure nationale et synchronisée permet d’avoir une vue plus claire : c'est une simplification pour les universités. Nous avions auparavant des situations étonnantes, avec des étudiants qui acceptent et donc bloquent une place en master, mais ne sont pas présents à la rentrée.

Les choses se sont plutôt bien passées l’année dernière. Nous avons plus de formations proposées, avec une hausse de 8% de places disponibles en M1 et de 16% de candidats qui ont confirmé une candidature.

Cela dit, des améliorations sont en cours. Cette année, nous pourrons mettre en place des procédures internes de recrutement à l’issue de la phase d'admission de Mon Master. Cela servira à redistribuer les places encore disponibles après que nous aurons vidé les listes d'attente.  

Le calendrier est aussi optimisé, avec un raccourcissement de la phase principale et de la procédure complémentaire. L'autre amélioration concerne l'alternance, avec un classement des étudiants. L'année dernière, c'était le premier à arriver avec un contrat qui obtenait la formation.

Mais nous avons une préoccupation sur les taux d'insertion professionnelle d'InserSup affichés sur Mon Master. La méthode de calcul et les données utilisées peuvent différer de la réalité dans les universités. Certains chiffres sont incohérents, avec des effectifs et des statistiques sur des années antérieures, l’insertion à l’étranger pour les universités transfrontalières n'est pas prise en compte, ni les étudiants qui créent une entreprise. Ce sont donc des chiffres systématiquement sous-estimés. Il ne faut pas que ça génère une inquiétude pour les étudiants !

La mise en place de Mon Master, et plus récemment d'une phase complémentaire, ont-elles réduit les saisines au rectorat ?

Le nombre de saisines a été réduit de 28% entre 2023 et 2024. En 2024, il y a eu 6.385 saisines, dont 3.516 jugées conformes, ce qui a donné lieu à 2.000 propositions d’admissions complémentaires. En 2020, il y avait 11.800 saisines : nous sommes donc sur une pente décroissante.

Il reste en effet quelques étudiants sans formation mais à côté, des places sont disponibles dans un certain nombre de masters. Il faut que nous arrivions à mieux à articuler l'offre et la demande. Créer des places en master est plus compliqué qu’en licence, car il faut être vigilant à ce qu’il y ait de l’insertion derrière.

Pourquoi demandez-vous à l'État d’inscrire la vie étudiante dans les missions des universités ? Quelle serait l'articulation avec le Cnous ?

L’État nous a donné des compétences sur la culture, le sport et la santé. Si nous voulons une stratégie globale de réflexion sur la vie étudiante, il est légitime que les établissements aient cette mission de façon globale. Nous sommes les seuls acteurs qui voyons tous les étudiants. C’est une incongruité de ne pas avoir la mission Vie étudiante.

Beaucoup d’acteurs s’emparent de la vie étudiante : universités, Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires), et de plus en plus les collectivités territoriales. Face à la multiplicité de ces acteurs, l’étudiant abandonne des droits car il ne sait pas vers qui se tourner. Il nous semble important d’avoir un acteur, non pas hégémonique, mais qui coordonne tout le monde sur ces enjeux pour que le service à l’usager soit de la meilleure qualité possible.

Un rapport de l’Igésr (Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche) publié en 2023 pointe qu’il n’y a pas de compétition avec le Cnous (Centre national des œuvres universitaires et scolaires). Nous n’avons pas vocation à aller sur la restauration et le paiement des bourses. Nous travaillons en partenariat avec l'objectif commun de faciliter la vie de nos étudiantes et étudiants afin qu’ils bénéficient de la meilleure expérience universitaire possible.

Les discussions à ce sujet n'ont pas encore débuté avec le ministère, mais nous l'avons évoqué le 12 février lors de notre audition à l'Assemblée nationale.

Quelle forme doit, selon vous, prendre la réforme des bourses pour enrayer la précarité étudiante ? Avez-vous des informations quant au calendrier de cette réforme ?

La deuxième phase de cette réforme est très attendue, car il y a encore des effets de seuil. Il est très difficile aujourd’hui de comprendre le système des aides sociales : il faut une remise à plat. La question se pose d’un revenu d’allocation pour tous les étudiants ou s’il faut aller en priorité sur les plus précaires, et en particulier les décohabitants.

Dans un premier temps, nous pensons qu'il faut répondre à l’urgence des plus précaires. Nous pouvons imaginer un modèle hybride avec un revenu pour les décohabitants et le maintien de la bourse sur critères sociaux pour les autres, par exemple.

Au vu de la situation budgétaire de l’État, la réforme ne se fera pas en 2025. Mais nous appelons à ce que les discussions reprennent le plus vite possible.

Amélie Petitdemange | Publié le