L. Gatineau (CY) : "Le moindre aléa fait que les jeunes peuvent se retrouver dans une situation très difficile"

Clémentine Rigot Publié le
L. Gatineau (CY) : "Le moindre aléa fait que les jeunes peuvent se retrouver dans une situation très difficile"
CY Cergy Paris Université // ©  CY Cergy Paris Université
Laurent Gatineau, nouvellement élu président de Cergy Paris université, alerte sur les effets de l'inflation, tant sur la facture énergétique de l'établissement que sur la vie quotidienne des étudiants, alors qu'un certain nombre d'entre eux sont en situation de précarité.

Vous avez été récemment élu à la présidence de CY université, à un moment où les universités font face à la crise énergétique. Comment votre établissement traverse cette crise ? Des projets de rénovation ont-ils été lancés ?

Nous avons déjà engagé des actions depuis six ans, notamment des renouvellements de chaudières, des travaux d'isolation et le remplacement des huisseries. Au total, 11 des 18 bâtiments principaux ont déjà été rénovés.

Laurent Gatineau président du Cergy
Laurent Gatineau président du Cergy © Laurent Gatineau/Cergy université

Sans aide massive de l'Etat, nous ne pourrons pas avoir de bâtiments sobres pour 2030 comme c'est l'objectif.

Cependant, nous avons malheureusement peu bénéficié du plan de relance : nous avons reçu quatre millions d’euros quand d'autres établissements en recevaient 30 ou 40 millions. Nos fonds de roulement, et ceux de nombreuses universités, sont mis à rude épreuve avec l'inflation et l'absence de compensation totale de l'augmentation du point d'indice.

Cela crée une situation où, sans aide massive de l'Etat et des collectivités, on ne pourra pas réaliser ce qui serait nécessaire pour remplir l’un de nos objectifs : avoir des bâtiments sobres pour 2030.

Qu’en est-il du chauffage et du réseau électrique ?

Nous nous sommes connectés au réseau de chauffage urbain, car c'est beaucoup moins cher et aujourd'hui beaucoup de collectivités, à commencer par l'agglomération de Cergy-Pontoise, ont investi dans des outils de production écologiques. La transition énergétique est au cœur de notre projet d’établissement.

Il faudrait un investissement entre cinq et dix millions d’euros en fonction des solutions choisies pour la rénovation de notre réseau électrique.

Par ailleurs, il faudrait un investissement entre cinq et dix millions d’euros en fonction des solutions choisies pour la rénovation de notre réseau électrique. C’est là tout l’enjeu : on doit investir dans tous les sens à un moment où l'inflation met notre trésorerie en grande difficulté.

Quelles mesures met en place CY université pour aider ses étudiants les plus précaires ?

C'est un triste sujet. Pendant le Covid, on a eu beaucoup d'initiatives, notamment des épiceries solidaires et de la distribution alimentaire, qui ont "malheureusement" très bien marché. Cela renvoie à une réalité : certes l'enseignement supérieur se démocratise, mais on se retrouve avec beaucoup d'étudiants en situation précaire, en particulier sur notre territoire où le logement est cher.

Le moindre aléa fait que les jeunes peuvent se retrouver dans une situation très difficile. Pendant l'épisode Covid, on a mis en place des aides sociales, des solutions alimentaires, une intensification importante de nos propositions en aide médicale et notamment psychologique.

L’Assemblée nationale a rejeté, à une voix près, la généralisation du repas à un euro pour tous les étudiants. Comment cela se matérialise-t-il à CY ?

Le repas à un euro chez nous s'est traduit par une augmentation de 60% de repas servis en plus. Face à cette augmentation, le Crous s’est retrouvé débordé et la régulation s’est effectuée par l’effet d’attente à l’entrée des restaurants universitaires.

Une des priorités des années à venir, c'est de trouver des solutions pour avoir une offre de restauration à bas coût, le midi mais aussi le soir. A CY université, on approche des 40% de boursiers. Mais, face à l’inflation alimentaire, on se doit, pour assurer à nos étudiants des conditions de réussite dans leurs études, de pouvoir leur faire des propositions qui ne les obligent pas à travailler à côté des études jour et nuit.

Certes l'enseignement supérieur se démocratise, mais on se retrouve avec beaucoup d'étudiants en situation précaire.

L’autre difficulté spécifique à notre établissement, c’est le grand émiettement de nos sites (Sarcelles, Argenteuil, Saint-Germain, Anthony). Le Crous a ainsi fermé plusieurs de ses restaurants parce qu’il n’y avait pas assez de trafic et se focalise finalement sur ceux qui drainent le plus de public et sont donc plus rentables.

La démarche du repas à un euro, c’était évidemment la meilleure initiative dans la gestion de la pandémie, sauf qu’il n’y a pas eu d’anticipation de la demande supplémentaire que ça allait créer. Nous nous retrouvons malheureusement aujourd’hui avec des infrastructures qui sont très largement insuffisantes pour accueillir le public qui pourrait bénéficier de cette initiative.

Une consultation sur la réforme des bourses a lieu actuellement, avec des premières propositions qui se font attendre. Qu’en attendez-vous ?

C’est un énorme enjeu. Nous avons besoin en France de réviser nos modèles et nos critères pour pouvoir tenir compte des évolutions sociales. Il y a aujourd’hui un phénomène d’allongement des études. En licence chez nous, beaucoup habitent chez leurs parents. En revanche, en master, la moitié de nos étudiants ne sont pas du territoire, voire viennent de l’international. Il y a donc de véritables enjeux de logement.

Les critères de bourses ne sont pas adaptés aux disparités territoriales.

Aujourd'hui, si vous êtes à Limoges, à Poitiers, à Pau et que vous êtes étudiant avec un budget modeste, vous vous en sortez ; à Nice, à Aix-en-Provence, à Bordeaux ou à Cergy, c'est très compliqué. Avec le même budget, quand vous avez besoin de 300 euros pour vous loger d’un côté et que de l’autre il vous faut 800 euros, les critères de financement ne sont pas tout à fait adaptés. Il y a bien sûr les aides au logement, mais elles sont loin tout couvrir.

J'espère que cette consultation va permettre d’aboutir à des recommandations et des mesures qui tiendront compte de cette disparité extrêmement importante.

Clémentine Rigot | Publié le