Laetitia Hélouet (HEIP) : "Nous sommes bien plus professionnalisants que Sciences po et les IEP"

Agnès Millet Publié le
Laetitia Hélouet (HEIP) : "Nous sommes bien plus professionnalisants que Sciences po et les IEP"
Le campus parisien de l'HEIP avant son déménagement pour La Défense. // ©  OMNES EDUCATION
Diplômée de l'IEP Rennes et de l’Institut national des études territoriales (INET), Laetitia Hélouet est directrice de HEIP depuis mai 2021, après avoir occupé plusieurs postes dans la haute administration, dont celui de rapporteure au sein de la Cour des comptes. Elle nous explique sa vision de l'école privée des sciences politiques et des relations internationales du groupe Omnes.

Au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, puis pour la ville de Saint-Denis, vous avez occupé des postes liés à la promotion de l'égalité sociale – action que vous prolongez en tant que présidente du Club 21e Siècle, en faveur de la diversité. Quel est le lien avec le fait de prendre la direction de l'HEIP (Hautes études internationales et politiques) ?

Après mes études, j'ai fait le choix du service public puisque je ressentais la nécessité d'être utile. Quand on m'a proposé ce poste, il m'a semblé cohérent avec mon parcours. Avec mon profil de haut fonctionnaire et opérationnel, j'avais les compétences pour penser une stratégie et l'animer, dans une perspective d'égalité des chances, sous le prisme républicain.

Laetitia Helouet - Directrice de HEIP (Hautes Études Internationales & Politiques) – Inseec U.
Laetitia Helouet - Directrice de HEIP (Hautes Études Internationales & Politiques) – Inseec U. © Photo fournie par le témoin

L'enseignement supérieur - qu'il soit public ou privé - forme des citoyens éclairés, sensibilisés à l'ouverture à l'autre et à la connaissance. Le point commun de tout cela, c'est l'utilité publique. L'enseignement privé présente un avantage : j'ai beaucoup de marge de manœuvre, qui permet une rapidité d'action, indispensable dans notre domaine.

Comment se traduit, au sein d'HEIP, cette dynamique d'ouverture sociale ?

Concernant l'origine de nos étudiants, nous sommes socialement beaucoup plus ouverts que Sciences po. C'est l'une de nos forces car cela crée plus de créativité et d'émulation. Et je mets une priorité à obtenir la reconnaissance de l'État pour l'établissement, afin que nos élèves puissent bénéficier de bourses Crous.

L'enseignement privé présente un avantage : j'ai beaucoup de marge de manœuvre, qui permet une rapidité d'action.

Mais le premier frein à l'égalité des chances n'est pas financier : le meilleur moyen d'accès est de connaître les formations. Nous lançons donc un projet de mentorat, à la rentrée 2022. Des étudiants d'HEIP vont accompagner des élèves d'un lycée de Seine-Saint-Denis qui suivent la spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP) – une spécialité très discriminante, selon les milieux.

C'est d'ailleurs une spécialité qui rencontre un certain succès...

Oui ! Et tant mieux, si on est capable d'en faire autre chose qu'un apprentissage de fondamentaux très généralistes.

On voit que cela crée une augmentation de la demande pour intégrer notre école. Nous allons donc répondre à cela et comme nous voulons être présents dans davantage de sites pour permettre une égalité territoriale, nous ouvrons notre formation, à Bordeaux, à la rentrée 2022. L'année suivante, le cursus ouvrira à Rennes et à Aix-Marseille à la rentrée 2024.

D'autres projets de campus sont sur la table. A Paris, l'école va déménager à La Défense avec d'autres écoles du groupe Omnes, à la rentrée 2022… L'école est déjà passée de 450 étudiants en 2018 à 1.200 aujourd'hui. Avez-vous d'autres projets ?

Oui, nous prévoyons d'ouvrir un campus à Abidjan (Côte d'Ivoire) pour la rentrée 2023 qui proposera des formations initiales et continues. Le continent africain est celui où la demande de formation va exploser. La notion d'utilité publique ne se limite pas à la France.

Nous avons également comme objectif de développer des formations exécutives courtes. Par exemple, on pourrait penser à un format pour former des élus sans expérience politique.

Vous évoquez la rapidité d'action du privé : l'école va revoir les contenus des programmes du cycle bachelor et du cycle MSc à partir de la rentrée 2022. Comment cela se met en place ?

Oui, nous revoyons les maquettes pédagogiques. Ainsi en bachelor, l'étudiant pourra choisir une majeure, en 3e année, reposant sur l'un nos piliers : les sciences politiques ou les relations internationales. Nous allons créer trois nouveaux programmes de master : transformation digitale et numérique de l'État ; diplomatie et soft power (en anglais) ainsi que relations internationales et développement durable.

La dimension professionnalisation sera renforcée, dès la première année de bachelor. Autant que possible, nous ferons en sorte que l'étudiant soit actif, dans une pédagogie immersive. Nous renforcerons nos partenariats avec les entreprises pour proposer des stages, mais aussi pour faire venir des conférenciers.

Là où nos diplômés travaillent, il n'y a pas que des sciences politiques. Ils doivent comprendre ce que dit un ingénieur.

Nous nous appuierons aussi sur l'hybridation, que permettent les autres écoles du groupe Omnes, pour que les étudiants aient des parcours mixtes. L'objectif est, là aussi, de rendre la formation plus professionnalisante.

Là où nos diplômés travaillent, il n'y a pas que des sciences politiques. Ils doivent comprendre ce que dit un ingénieur. Parfois, les diplômés de sciences politiques peuvent paraitre abstraits, et peut-être arrogants. Il faut ouvrir à d’autres façons de penser professionnelles. Et nous voulons attirer davantage d'élèves internationaux, qui sont 20% aujourd'hui.

Vous mentionniez Sciences po Paris. Est-ce une référence indépassable, lorsque l'on pense à l'enseignement supérieur en sciences politiques ?

Notre école est très ancienne également, puisqu'elle a été créée en 1899. Mais il est vrai, qu'à date, nous n'avons pas la même reconnaissance que Sciences po. C'est aussi un avantage, car nous restons avec des effectifs à échelle humaine, permettant une relation de proximité avec les élèves.

Nous avons un corps professoral d'exception et nous sommes bien plus professionnalisants que Sciences po et les IEP.

Nous avons un corps professoral d'exception et nous sommes bien plus professionnalisants que Sciences po et les IEP. Dès le cycle bachelor, nous proposons des enseignements fondamentaux et professionnels (apprendre à faire un compte, gérer un projet), avec des incitations à faire des stages.

L'année 2022 est marquée par la politique, avec les élections présidentielle et législatives. Comment répercutez-vous cela dans votre établissement ?

Notre établissement est une école de la vie citoyenne. Il faut que ce soit un cœur battant de la démocratie. Des séries de débats seront organisées. À Lyon, une simulation autour de la présidentielle est mise en place : les élèves se mettent dans la peau de candidats, construisent des programmes et se mettent dans les conditions d'une élection.

Voulez-vous les impliquer davantage dans la vie politique ? Les sentez-vous moins intéressés ?

Il ne faut pas que l'on renonce à les impliquer dans ces débats, ce serait une erreur. Par les animations que nous proposons, notre établissement fait le pari que des jeunes peuvent inspirer d'autres jeunes. C'est un très beau pari !

Certains jeunes ne vont pas voter mais sont très engagés dans l'action militante. D'autres jeunes se sentent plus puissants politiquement par leur façon de consommer, en boycottant des produits. On pourrait le déplorer. Ou l'on peut se réjouir qu'il y ait une duplication des expressions politiques.

Pour ces questions-là, l'école doit donner des éléments de mise en perspective pour que chacun se forge une opinion. Ce qui serait inquiétant, c'est si nous n'étions plus capables d'avoir ces débats.

Vous parlez de la motivation pour l'utilité publique, vous dirigez un établissement de sciences politiques… Envisagez-vous de vous engager en politique ?

(Rires) Non ! Sauf si on considère que je le fais déjà, car je contribue à la vie de la société. Je suis très heureuse de tous mes projets. Cette école que je dirige depuis un an a encore beaucoup de potentiel. La question sur laquelle je travaille, c'est de savoir comment on peut être pionnier et comment être utile à la société et aux élèves.

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