M. Prost : "Les écoles d'ingénieurs restent très attachées au modèle de la classe préparatoire"

Clément Rocher Publié le
M. Prost : "Les écoles d'ingénieurs restent très attachées au modèle de la classe préparatoire"
La réforme du lycée aura un impact direct sur l'enseignement des classes prépas scientifiques. // ©  Simon LAMBERT/HAYTHAM-REA
Avec notamment l'apparition de nouvelles spécialités scientifiques, l'Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques (UPS) demeure vigilante sur la réforme du lycée. Les prépas scientifiques vont devoir s’adapter tout en travaillant en coordination avec les écoles d’ingénieurs. Entretien avec Mickaël Prost, président de l’UPS.

Vous avez été renouvelé en juin dernier dans vos fonctions de président de l'UPS. Quels sont les projets que votre association va mener pour les prochaines années à venir ?

Ces deux dernières années ont été synonymes de réformes de grande envergure au sein de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur, avec la refonte de l'accès à l'enseignement supérieur à travers la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) et la mise en place de la plate-forme Parcoursup.

Mickaël Prost
Mickaël Prost © UPS

Sur le volet lycée, nous avons mené des travaux importants sur la question des programmes scientifiques au lycée en partenariat avec des associations disciplinaires. Il nous reste à poursuivre le chemin que nous avons emprunté pour l'adaptation de nos classes préparatoires à la réforme du lycée. Réforme structurelle avec la création d'une nouvelle voie scientifique mais aussi refonte des contenus disciplinaires initiée en octobre prochain pour l'ensemble des filières : l'UPS va participer à la réflexion en partenariat avec nos deux ministères de tutelle et les écoles d'ingénieurs.

L'UPS porte un regard très positif sur les évolutions des programmes disciplinaires.

Il nous faut par ailleurs travailler davantage sur la promotion des classes préparatoires scientifiques pour permettre aux élèves de mieux se repérer dans le maquis de l'enseignement supérieur, car elles constituent une valeur refuge pour les étudiants. Il faut montrer toutes les opportunités qui vont s'offrir aux élèves en dépassant le seul cadre des classes préparatoires : formations dispensées en école, parcours à l'international, vie associative et culturelle.

Nous avons besoin d'expliciter davantage nos liens avec ces écoles qui sont vraiment partie prenante dans la définition des programmes de nos classes et qui fixent les attendus en termes de compétences à développer par nos étudiants en sortie de classes préparatoires scientifiques.

Quelle est votre vision sur cette réforme du lycée mise en place par le gouvernement ?

La refonte du lycée est le plus grand bouleversement qu'a connu le lycée depuis cinquante ans. L'UPS porte un regard très positif sur les évolutions des programmes disciplinaires, ils offrent une plus grande cohérence. Je pense par exemple au programme de physique-chimie qui souffrait de nombreuses critiques et qui marquera un lien plus fort avec la modélisation et les aspects mathématiques sous-jacents. Mais la place accordée aux sciences dans l'architecture du lycée n'est pas assez importante.

De réelles inquiétudes subsistent, en particulier sur l'organisation de l'année de terminale avec des épreuves de spécialités qui pourraient avoir lieu au mois de mars. Cette date nous paraît prématurée en l'absence de certitudes sur le fonctionnement des classes à l'issue de ces épreuves. Est-ce qu'il n'y aura pas une démobilisation de la part des élèves qui auront passé leurs épreuves de spécialités et qui n'auront plus à fournir d'effort dans les disciplines ? Espérons que le ministère saura trouver une organisation adéquate.

Comment les classes préparatoires scientifiques vont pouvoir s'adapter à ces nouveaux profils d'étudiants qui vont émerger du lycée ?

Les consensus ont rapidement émergé lors des échanges avec les écoles et le ministère. Les classes préparatoires scientifiques doivent permettre d’accueillir tous les élèves qui souhaitent devenir ingénieurs, enseignants ou chercheurs à travers des filières qui répondent aux besoins des écoles d'ingénieurs et des écoles normales supérieures. Il y avait également un consensus assez évident pour conserver l'exigence pluridisciplinaire qui caractérise nos classes : les écoles d'ingénieurs restent fondamentalement attachées au modèle de la classe préparatoire et à la formation scientifique qui y est dispensée.

Il est important pour les classes préparatoires de disposer d’un véritable vivier d'élèves dans lequel puiser pour fournir un nombre d'entrants significatif aux écoles d'ingénieurs. La réforme du lycée a initié un véritable changement avec la création de la spécialité "numérique et sciences informatiques" qui constitue pour les classes préparatoires une réelle opportunité pour élargir notre socle d'étudiants.

Que pensez-vous de la nouvelle voie "Maths Physique Informatique" qui va apparaître en 2021 ?

Il nous semblait important de proposer dès l'arrivée en classe préparatoire une filière dans laquelle l'informatique prendrait une part prépondérante, aux côtés des mathématiques et de la physique-chimie, socle de formation pour les futurs ingénieurs.

L'orientation constitue enfin un élément central de la réforme du lycée avec notamment le choix des spécialités.

Cette diversification des filières nous permet d'accueillir des étudiants aux profils différents sans les mettre en compétition. Nous allons avoir une nouvelle génération d'élèves qui pour certains auront fait six heures d'informatique hebdomadaires en terminale et qui souhaiteront retrouver un schéma un peu similaire en classe préparatoire. Il reste désormais à bien dimensionner cette future filière : quelles compétences voulons-nous développer en sortie pour les écoles d'ingénieurs ? Combien de classes ouvertes ? Quels effectifs ? Nous manquons de visibilité sur ces derniers points.

L'orientation constitue enfin un élément central de la réforme du lycée avec notamment le choix des spécialités. Il était important de pouvoir communiquer rapidement sur l'adaptation des classes préparatoires afin que les élèves puissent faire des choix en termes de parcours de formation en cohérence avec leurs perspectives d'études supérieures.

Les écoles d'ingénieurs diversifient de plus en plus leurs modes de recrutement. Dans quelle mesure pensez-vous que les classes préparatoires scientifiques peuvent continuer à attirer les étudiants ?

Par le jeu des filières. L'objectif est de pouvoir colorer son parcours en fonction de ses appétences pour telle ou telle discipline scientifique et de ses choix d'orientation au lycée. C'est vraiment à travers cette diversité de filières qu'on pourra capter le maximum de profils différents : avec des filières qui vont recruter via les voies générale et technologique au lycée, la filière ATS recrutant quant à elle sur BTS et IUT. Il s'agit d'accueillir tous ces étudiants à qui nous donnerons l'opportunité d'accéder à l'ensemble des écoles d'ingénieurs.

La France manque cruellement d'ingénieurs : plus nous diversifions les voies d'accès, plus le système dans son ensemble y gagnera. La question est de savoir si la réforme va permettre de corriger le tir sur la désaffection pour les études scientifiques et attirer davantage les jeunes vers les sciences.


Mickaël Prost en quatre dates :

2007 : diplômé de l'Ensta (École nationale supérieure des techniques avancées).
2009 : enseignant au lycée Gustave-Eiffel de Cachan.
2014 : enseigne les mathématiques et l'informatique en classe préparatoire PT au lycée Chaptal de Paris.
2019 : réélu pour un second mandat de président de l'UPS le 22 juin dernier.

Clément Rocher | Publié le