Maëva Tordo (ESCP Europe) : "Redonner du sens aux affaires et remettre l’homme au cœur du dispositif"

Propos recueillis par Cécile Peltier Publié le
Maëva Tordo (ESCP Europe) : "Redonner du sens aux affaires et remettre l’homme au cœur du dispositif"
Maëva Tordo, responsable de la Blue Factory ESCP Europe et cofondatrice du NOISE // DR // © 
Maëva Tordo, sortie de l’ESCP Europe en 2010, est, depuis 2012, chargée d’accompagner les étudiants et les alumni de l'école de management dans la création de leur start-up, mais également cofondatrice du NOISE (Nouvel observatoire de l’innovation sociale et environnementale). Rencontre avec une entrepreneure en quête de sens.

Qu'est-ce qui mène une jeune diplômée de l'ESCP, si rapidement après la sortie, à la direction des programmes d'accélération de l'école ?

Je suis entrée en 2006 à l'ESCP, après un bac S et une khâgne à Henri-IV. Un parcours peu linéaire, au sens classique du terme... Mon premier jour de cours à l'école était aussi celui de Jacqueline Fendt, venue monter la chaire Entrepreneuriat de l'école. Elle m'a demandé d'être son assesseur. C'est ainsi, que je me suis trouvée embarquée dans l'aventure de la chaire, dès la première année. De la gestion des notes de frais aux relations avec l'équipe pédagogique, en passant par la représentation dans les grandes réunions à La Défense : j'ai touché à tout !

En quoi consiste la chaire, aujourd'hui ?

La chaire, créée avec Ernst&Young, en partenariat avec BNP Paribas, a développé des programmes de formation, des cours, des électifs sur l'entrepreneuriat, le design thinking... Parmi les nouveautés, la MakerRoom, une salle pour développer des projets entrepreneuriaux, ouverte à tous les étudiants, professeurs et administratifs de l'ESCP. La chaire mène aussi une activité de recherche (subversion des élites, liens avec l'art, etc.) et déploie une activité d'accélération dans le cadre de la Blue Factory, dont j'ai la charge depuis 2012.

La Blue Factory, c'est vous ?

Un premier incubateur réservé aux étudiants de l'ESCP était né en 2003 : deux tables et deux chaises. En 2009, un espace a été aménagé et un accompagnement s'est mis en place. À mon arrivée, j'ai contribué à structurer et développer le lieu avec l'aide de l'équipe de la chaire entrepreneuriat. Pendant trois mois, on a peint, bricolé pour lui donner vie physiquement. Puis, j'ai décidé de l'ouvrir aux étudiants, mais aussi aux anciens de l'école, et j'ai organisé leur accompagnement autour d'un programme d'un an par promotion de 10 start-up.

Les entreprises incubées sont assez autonomes : elles ont déjà un business plan et commencent à vendre. Au-delà des rencontres régulières avec des experts extérieurs, chaque équipe est "mentorée" par un Blue Angel, un entre­preneur sorti de la Factory deux ans auparavant. C'est important de pouvoir se confier à un jeune qui vous ressemble. Toutes les initiatives ­testées de manière collaborative à Paris avec les professeurs et les entrepreneurs de la chaire sont adoptées dans nos campus de Berlin et Madrid, et prochainement à Londres et à Turin.

Nous voulons aider les étudiants à parfaire leur culture, notamment économique, afin de mener à bien leur projet d'innovation sociale

Au-delà de l'entrepreneuriat, vous militez depuis 2006 pour l'innovation sociale...

En arrivant à l'ESCP, j'ai été surprise par le peu de place accordée aux valeurs de durabilité, d'éthique... Pour moi, il fallait redonner du sens aux affaires, en remettant l'homme au cœur du dispositif. Avec mon amie Leïla Hoballah, qui avait aussi opté pour la spécialisation "Entrepreneuriat", nous trouvions qu'il manquait à l'ESCP une structure permettant de promouvoir les valeurs de "l'innovation sociale". En discutant avec l'administration de l'école, nous nous sommes rendues compte qu'il faudrait encore trop de temps pour faire évoluer les choses. En 2010, nous avons donc monté notre propre association étudiante : le NOISE pour "Nouvel observatoire de l'innovation sociale et environnementale".

Comment le NOISE fait-il du bruit ?

Notre approche est pragmatique : il s'agit d'aider les étudiants à parfaire leur culture, notamment économique, afin de mener à bien leur projet d'innovation sociale. Comment ? En développant l'offre de cours sur l'innovation sociale et environnementale, en soutenant et en démultipliant les projets qui existent déjà, en créant des liens avec les entrepreneurs et innovateurs sociétaux...
The Noise est aujourd'hui une communauté ouverte, élargie à Dauphine et à l'ESSEC.
Cette année à l'ESCP, 30 étudiants de première année ont suivi attentivement son programme et vont le dupliquer. C'est un bel encouragement !

Changez !
La nouvelle édition de la CIY de l'Éducation (Change It Yourself!), organisée le 12 avril 2014 par le NOISE a réuni une cinquantaine d'étudiants et une quinzaine de professeurs de l'enseignement supérieur. Objectif : repenser les pratiques pédagogiques et apporter des solutions concrètes. "Voir un étudiant et un professeur qui se disent pourquoi ils s'ennuient en cours, c'est rare, et utile..., se souvient Maëva Tordo. Il y a quelque temps, dans un échange sur l'interactivité, on s'est rendu compte qu'il 'manquait une 'brique' à un cours sur le marketing qui expliquerait simplement 'Pourquoi on étudie le marketing ?'"
Rendez-vous le 15 mai pour faire le bilan des innovations que les participants auront choisi de mettre en place dans leurs établissements.
Interface, la lettre des relations écoles-universités-entreprises

Comment optimiser sa récolte de la taxe d’apprentissage  ? Comment améliorer l’insertion professionnelle de ses jeunes diplômés ? De quelle manière établir des partenariats avec des PME ? La réponse est dans Interface, la nouvelle lettre bimensuelle qui facilite les relations entre l’enseignement supérieur et le monde économique.

Lancée par l’Etudiant-EducPros et l’Entreprise, Interface s’adresse aux professionnels des relations écoles-universités-entreprises (directeurs d’établissements, responsables des relations entreprises, BAIP, mais aussi campus managers, recruteurs, RH…).

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Propos recueillis par Cécile Peltier | Publié le