M. Le Brignonen (INSP) : "Le classement de sortie avait un certain nombre de défauts"

Amélie Petitdemange Publié le
M. Le Brignonen (INSP) : "Le classement de sortie avait un certain nombre de défauts"
La scolarité de l'INSP sera modifiée à partir de 2024. // ©  Elodie Meynard
L’INSP (Institut national du service public, ex-ENA) poursuit la mise en œuvre de sa réforme. A partir de 2024, les concours d’entrée et la scolarité seront modifiés, et le fameux classement de sortie sera finalement supprimé. La directrice de l’établissement, Maryvonne Le Brignonen, dévoile les contours de cette réforme.

La scolarité de l’INSP sera réformée à partir de 2024. Quels sont les grands changements prévus ?

Nous avons en effet prévu de modifier le cursus de formation dès le 1er janvier 2024. Les nouvelles modalités pédagogiques ouvrent des possibilités d’individualisation, avec des options par élève par exemple, et en fin de parcours une coloration de la formation. Ils choisiront plusieurs colorations, a priori trois, pour approfondir certaines thématiques.

Maryvonne Le Brignonen INSP
Maryvonne Le Brignonen INSP © Institut National du Service Public

Ce sera une opportunité d’approfondir certaines thématiques l’action publique. Nous y travaillons encore avec le conseil pédagogique et le conseil scientifique, et nous consultons aussi des personnalités qualifiées, des employeurs et des anciens élèves. D’ici février-mars, nous devrions couvrir le champ complet de l’action publique (la culture, la recherche, l’agriculture, les politique sociales…). Ils seront tous abordés puis certains seront approfondis.

La scolarité va passer à deux ans avec l'objectif de renforcer l'accompagnement à la professionnalisation et les périodes d'enseignement.

L’autre changement, c’est un cursus de formation qui va passer à deux ans, contre 21,5 mois actuellement. L’objectif est de renforcer l’accompagnement à la professionnalisation et les périodes d’enseignement. Il y aura donc des cours supplémentaires et des projets de recherche. L’aspect recherche est en effet approfondi, avec l’arrivée d’une directrice de la recherche et de nouveaux enseignants-chercheurs.

Et puisque le classement de sortie est supprimé pour cette promotion, il est impératif d’avoir un accompagnement au projet professionnel.

Le classement de sortie sera donc définitivement supprimé. Pour quelles raisons ? Comment les élèves choisiront-ils leur premier poste ?

Ce classement avait un certain nombre de défauts. Il contraignait énormément la pédagogie et n’incitait pas les élèves à être attentif aux enseignements mais plutôt à ce qu’ils devaient faire pour réussir le classement. En plus, cela créait une hiérarchie implicite entre les postes. Enfin, cela donnait totalement la main aux élèves sur le choix du poste, or un recrutement c’est la rencontre entre les aspirations du candidat et les compétences recherchées par l’employeur.

Nous passerons à un système d’appariement. Les employeurs vont préparer des fiches de postes en précisant les compétences recherchées et les élèves émettront des vœux qui représenteront au moins 15% des fiches de postes proposées. Les dossiers seront anonymes et l’école pourra mettre son appréciation. Une commission suivra ce processus pour garantir son objectivité et l’égalité entre les élèves.

Ces dossiers anonymes seront transmis aux employeurs qui recevront au minimum huit élèves par entretien. Chaque élève devra passer au minimum trois entretiens à chaque tour.

Après ces entretiens de recrutement, les employeurs indiqueront quels élèves ils veulent en priorité, et les élèves quels postes ils préfèrent. Sur cette base, un processus classique d’appariement sera mis en place.

Le classement de sortie contraignait la pédagogie et n’incitait pas les élèves à être attentif aux enseignements mais plutôt à ce qu’ils devaient faire pour réussir le classement.

La commission de suivi vérifiera que les critères de recrutement ont été respectés. Par ailleurs, le candidat rencontrera plusieurs personnes en entretien, cette décision collégiale sera aussi une garantie d’objectivité. Le dernier choix est donné à l’employeur mais chaque élève a la garantie d’avoir un poste à la fin. Ce processus se fera dans les derniers mois ou semaines de la scolarité.

Le concours d’entrée sera également modifié à partir de 2024. Quelle forme prendra-t-il ?

Nous voulons recruter des candidats qui ont le potentiel et les aspirations pour être de très bons cadres supérieurs, être heureux dans leur fonction et donner satisfaction à leur employeur. Nous faisons donc de l’oral un moment où l’on met en valeur son profil, son potentiel, son projet professionnel et son expérience pour ceux qui en ont. Les épreuves académiques sont supprimées à l’oral, l’entretien passe de 45 minutes à une heure et l’épreuve collective devient une mise en situation qui favorisera les échanges entre candidats.

La façon d’aborder l’anglais change également. Un niveau d’anglais minimal sera réclamé, le niveau B2. Ne pas avoir ce niveau sera éliminatoire. En revanche, l’épreuve ne sera pas classante, elle ne fera pas gagner ou perdre de points. En effet, certains élèves ont pu aller dans de grandes universités internationales, ce qui n’est pas le cas d’élèves aux profils plus modestes.

A l’écrit, la grande évolution concerne les questions de transition écologique ou encore de transition numérique. Il y aura une épreuve professionnelle et une épreuve de questions contemporaines, dont le programme sera annoncé deux ans à lavance.

Le concours interne et le troisième concours seront par ailleurs ramenés sur quatre jours, avec un choix entre droit et économie pour la note de synthèse. Nous favorisons ainsi le fait que les candidats puissent travailler en même temps.

La nouvelle promotion de l’INSP fera sa rentrée le 3 janvier 2023. Quel message voulez-vous leur faire passer ?

Les élèves de cette promotion ont beaucoup de chance. Ils ont fait le bon choix car servir l’Etat est le meilleur choix à faire. C’est une carrière diverse et passionnante. Ils arrivent au moment où une réforme importante va être mise en place. Ils bénéficieront notamment d’une grille de rémunération qui a été harmonisée vers le haut.

Nous aussi dans un processus d'amélioration permanente. Les élèves profiteront d’un accompagnement resserré et personnel de la part d’un coach qui va les suivre pendant tout leur cursus. Et depuis l’année dernière, nous avons mis en place des parcours d’application pour renforcer leurs connaissances théoriques mais aussi les préparer à leur futur poste de cadre supérieur de l’Etat avec des mises en situation concrètes.

C’est un cursus de haut niveau avec des enseignants-chercheurs mais aussi extrêmement opérationnel et renforcé par la spécificité de l’INSP : un stage d’un an auprès d’un ambassadeur, d’un préfet… avec des missions et des décisions à prendre.

Amélie Petitdemange | Publié le