Max Anghilante (président de l’IFFRES) : « L’enseignement supérieur et la recherche sont encore les parents pauvres du mécénat d’entreprise en France »

Propos recueillis par Fabienne Guimont Publié le
Max Anghilante (président de l’IFFRES) : « L’enseignement supérieur et la recherche sont encore les parents pauvres du mécénat d’entreprise en France »
Max Aghilante // © 
Les fondations des universités se sont multipliées depuis la loi LRU : une trentaine ont vu le jour depuis 2007. Mais les levées de fonds sont pour la plupart encore très modestes. Max Anghilante (1), président de l’IFFRES (Institut français des fondations de recherche et de l’enseignement supérieur) , créé il y a un an et demi, et consultant sur le développement de fondations, donne son analyse sur les débuts des universités au pays du mécénat.

Fondation dédiée à la recherche d’utilité publique, fondation de coopération scientifique, fondation universitaire, fondation partenariale… les structures juridique et financière se sont diversifiées ces dernières années. Comment les entreprises réagissent-elles à cette nouvelle demande de mécénat dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche ?

L’enseignement supérieur et la recherche sont encore les parents pauvres du mécénat d’entreprise en France (cf. encadré). Dans l’enquête que nous avons réalisée pour le colloque (2), sur une soixantaine de fondations qui ont répondu, les ressources moyennes s’élèvent à 1,2 million d’euros. C’est « epsilonesque » comparé au budget de l’ANR de 1 milliard d’euros et au budget d’une université qui tourne autour de 100 millions d’euros. La tradition de philanthropie n’existe pas en France à l’encontre de l’enseignement supérieure et de la recherche, car on est habitué à ce que l’État finance. Si on a doublé le nombre de fondations au total depuis 2004 – passé de 200 à 400 –, on n’a pas doublé la philanthropie à l’égard de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Quels sont les handicaps que vous identifiez au sein des fondations de l’enseignement supérieur et de la recherche en France ?

Quelle que soit la structure choisie, les fondations sont créées par des solliciteurs et non par des mécènes prêts à donner. On considère encore que c’est un miracle quand un industriel verse un million d’euros. Les fondations voient le jour avec une dotation initiale pour financer des appels à projets par exemple. Une mission qu’elles savent remplir, mais elles ne savent pas aller chercher de l’argent : elles ne sont pas structurées pour renouveler leurs ressources vis-à-vis du mécénat. Les fondations doivent se professionnaliser si elles veulent être pérennes. Beaucoup d’universités ont mis sur pied une fondation sans définir de stratégie. Il faut apporter de la valeur ajoutée par rapport au créateur, en se demandant pourquoi créer une fondation. Ce n’est pas simplement un endroit pour générer des ressources, mais un endroit pour s’acculturer entre université et entreprises avec un partage de gouvernance à la tête de la fondation. Financer des bourses, ce n’est pas un projet. Il faut avoir des objectifs à vingt ans.

Quels sont les conseils à donner aux responsables de fondation dans les universités ?

Les présidents d’université doivent s’investir dès l’origine de la fondation et dans son développement. L’ensemble de la gouvernance et des personnels de l’établissement doivent adhérer au principe de la fondation. Si un fondateur veut visiter un labo avant de donner, il faut que le directeur du labo soit disponible immédiatement par exemple. Ce qui manque dans le système français, avant la générosité des donateurs, c’est la générosité des créateurs de fondation. Il faut aussi savoir partager la gouvernance. De ce point de vue, les grandes écoles sont plus en avance que les universités, notamment par leur marque/notoriété, leur histoire partagée avec des entreprises et un fichier d’anciens permettant de cultiver le sentiment d’appartenance à un établissement.

Si les entreprises sont moins enclines à donner pour le mécénat de l’enseignement supérieur et de la recherche, qu’en est-il des anciens étudiants ?

Les diplômés les plus anciens ont un sentiment de dette vis-à-vis de leur école, contrairement aux diplômés plus jeunes. L’une des raisons de ce changement dans le sentiment d’appartenance est que les seniors n’avaient que le réseau de l’école auquel s’identifier. Aujourd’hui, les jeunes diplômés ont plusieurs réseaux (stages, rencontres…) et estiment avoir suffisamment payé pour leurs études. Ils ne font plus partie d’un réseau, le réseau leur appartient. En Australie, où les droits de scolarité ont beaucoup augmenté dans les universités depuis le désengagement de l’État, on constate que les dons des jeunes diplômés ont diminué.

(1) Multicarte venu du milieu de l’entreprise (industrie agroalimentaire, pharmaceutique, logiciel, promotion immobilière…), il a également créé une fondation dédiée aux maladies cardiovasculaires dans la région lilloise en 2004 et a participé à la création des fonds de dotation de Toulouse 1 et de l’ENSIE .
(2) L’IFFRES organisait un colloque intitulé « Les fondations, nouvel espace pour de nouvelles synergies entre les entreprises et les acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur », les 2 et 3 novembre 2010. Le prochain colloque est prévu pour octobre 2011.


Le mécénat d’entreprise en baisse

Selon la dernière enquête Admical-Carrefour d’octobre 2010, le mécénat consacré à la recherche recule de 225 millions d’euros en 2008 (précédente enquête) à 80 millions d’euros. « Les entreprises mécènes étaient 11 % à déclarer agir dans le domaine de la recherche en 2008 ; elles ne sont plus que 7 % en 2010 », pointe le rapport. Le mécénat dédié à la recherche ne concentre que 4 % des budgets.

Propos recueillis par Fabienne Guimont | Publié le