Monique Sassier (médiatrice de l’Éducation nationale) : “Certains verrous doivent être ouverts pour faciliter la mobilité des enseignants”

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Monique Sassier (médiatrice de l’Éducation nationale) : “Certains verrous doivent être ouverts pour faciliter la mobilité des enseignants”
Monique Sassier // © 
Les problèmes liés aux mutations et aux premières affectations des enseignants du premier et du second degré sont au cœur du rapport 2010 du médiateur de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Monique Sassier , la médiatrice, nous explique pourquoi.

Pour quelles raisons avez-vous décidé de concentrer cette année le rapport remis aux ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la recherche autour des questions de mutations et de premières affectations ?

Nous choisissons chaque année de développer une ou deux thématiques principales dans notre rapport. Cette année, nous avons particulièrement creusé le sujet des premières mutations et affectation. Cela concerne 18 % des réclamations venant des personnels, c’est-à-dire 425 dossiers. Et les réclamations sur les mutations portent généralement sur les conditions du bien-être pour enseigner. Des séparations trop longues sont préjudiciables à la qualité même de l’enseignement. C’est donc un vrai sujet. On n’établit pas de durée minimum, mais on constate que des séparations qui durent trois ans, quatre ans ou plus sont insupportables.

On ne propose pas un bouleversement du système de mutations ou d’affectations, ce n’est pas notre rôle et cela ne serait pas utile. En revanche, nous proposons quelques points d’amélioration assez sensibles qui permettraient de mieux prendre en compte certaines situations. La première partie du rapport propose une cinquantaine de cas particuliers, dont des séparations longues, avec double loyer, enfants, etc. Il faut, par exemple, se pencher sur les dossiers où des rapprochements de conjoints avec enfants sont bloqués. Et il nous semble aussi qu’il convient de régler des situations de familles recomposées où se posent des problèmes aigus, avec les problématiques particulières concernant les gardes partagées notamment. Ce qui nous frappe, ce sont les règles autobloquantes dans les mutations. Certains verrous doivent être ouverts pour faciliter la mobilité.

Que préconisez-vous pour lever certains freins à la mobilité ?

Des évolutions du barème pourraient, par exemple, être envisagées afin de faciliter le rapprochement de conjoints. Par ailleurs, les professeurs qui enseignent deux disciplines, comme c’est souvent le cas en lycée professionnel, ne peuvent pas demander leur mutation dans la discipline seconde. Il faut le rendre possible pour qu’un enseignant puisse multiplier ses chances d’obtenir sa mutation. Il s’agit également de ne pas créer de la séparation. Actuellement, lorsqu’un couple vivant ensemble demande sa mutation, l’un des deux peut l’obtenir et pas l’autre. En plus, selon la discipline, ils n’ont pas les mêmes chances. En EPS, par exemple, il n’y a pas de postes, alors qu’il y en a davantage en lettres. Si l’un des membres du couple est muté seul, il faut qu’il puisse refuser la mutation.

Avez-vous mesuré les effets de l’action du médiateur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur en 2010 ?

Nous notons que dans 87 % des cas, l’intervention du médiateur a eu un effet plutôt positif, c’est-à-dire que la médiation a éteint le litige. Eteindre un litige, c’est d’ailleurs la définition de la médiation. Le médiateur est tout sauf un avocat des personnes et tout sauf un procureur de l’institution. Il regarde les faits qu’il a devant lui et tente de dégager un accord. Dans 30 % des cas, il suffit de fournir des explications pour éteindre les litiges. Cela révèle un problème de communication. Souvent, nous nous trouvons face à des situations où les personnes ont eu une réponse partielle de l’institution parce qu’elles avaient présenté une question partielle. Dans des cas de maladie, notamment, la pudeur peut conduire à ne pas tout révéler, et cela peut suffire à entraîner un litige autour de la décision prise. Nécessairement, avec 14 millions d’élèves et un million de professionnels, l’institution est conduite à une gestion quantitative. Le médiateur est là pour faire du qualitatif.

Quel bilan tirez-vous des préconisations de l’année précédente ?

Pour le dossier sur la santé des personnels (lire l’interview de la médiatrice à propos du rapport 2009 ), il se traite sur plusieurs années car il ne concerne pas seulement l’Éducation nationale. Mais nous progressons. Nous attendons un décret d’ici à la fin de l’année 2011 sur la fameuse question des trop-versés ou trop-perçus. Ce sont les sommes versées par erreur par l’institution (lire le cas traité par le médiateur à ce sujet ).

Aujourd’hui, les personnels peuvent se voir demander des remboursements, même vingt ans après. Et cette demande a placé des gens dans des situations financières très difficiles. Ce sera un vrai progrès, obtenu conjointement avec le médiateur de la République et le médiateur des Finances. Pour certaines préconisations, nous pouvons nous laisser convaincre qu’elles n’étaient au fond pas bonnes. Mais je peux aussi me dire qu’il s’agit d’une bonne recommandation et que l’administration n’est pas prête à la mettre en place. Dans ce cas, je vais la garder parfois plusieurs années et revenir à la charge. Le médiateur n’est pas pressé. Il faut avoir beaucoup de patience, qui n’a d’égal que la ténacité.

Une convention de la médiatrice avec la CPU

Le réseau des médiateurs de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur a signé une convention avec la CPU (Conférence des présidents d’université) se donnant pour objectif de développer une médiation externe dans les universités. Depuis deux ans, Monique Sassier, médiatrice de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, rencontre les présidents ou vice-présidents d’universités et s’est rendue dans environ la moitié des académies. Elle reprécise à chacun le fonctionnement externe de la médiation, puis les universités recherchent dans leur réseau des universitaires susceptibles de rejoindre le Pôle de médiation scolaire et universitaire. Ce Pôle compte désormais trois médiateurs universitaires. Afin de garantir leur autonomie et leur impartialité, les 49 médiateurs académiques sont tous retraités.

> En savoir plus sur la convention entre le réseau des médiateurs et la CPU

Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le