Nesim Fintz, directeur général et fondateur de l'EISTI : « J'ai toujours voulu inscrire l'école dans une logique de partenariats. »

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier Publié le
Nesim Fintz, directeur général et fondateur de l'EISTI : « J'ai toujours voulu inscrire l'école dans une logique de partenariats. »
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Nesim Fintz a créé, en 1983, l'EISTI, l'École internationale des sciences du traitement de l'information, qu'il dirige depuis lors. Entre traitement de l'information, mathématiques financières et sciences de gestion, son établissement, situé à Cergy-Pontoise et Pau, devrait bientôt dépasser les 1.000 étudiants. Une réussite due à un engagement personnel hors norme et des partenariats sans a priori avec des universités, des écoles d'ingénieurs et de commerce. Sans oublier le soutien indéfectible des collectivités territoriales. Retour sur le parcours de cet entrepreneur pédagogique haut en couleur qui fait corps avec son école.

Diplômé de l'ESSEC et docteur en mathématiques de la décision, vous enseignez à Dauphine puis à l'EDHEC au début des années 80. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans l'aventure d'une création d'école ?

Avec mon parcours entre sciences de gestion et sciences dures, j'avais envie de créer un établissement à la croisée des écoles de management et d'ingénieurs. À l'époque, ces deux types d'institutions ne s'entendaient pas du tout. Elles se traitaient respectivement de professeurs Tournesol ou d'épiciers. Mon objectif ? Donner une double culture à mes diplômés. Au départ, nous recrutions des élèves de prépas économiques et commerciales et de prépas scientifiques. Les deux travaillaient ensemble en bonne intelligence et, très vite, les promotions n'ont eu aucune difficulté à s'insérer sur le marché du travail.

Avez-vous été aidé au moment de l'ouverture de l'établissement en 1983 ?

Je n'ai reçu d'aide financière de personne, j'ai fait un emprunt. Nous avons choisi de nous établir à Cergy-Pontoise que je connaissais depuis l'ESSEC. L'EDHEC, où je travaillais alors, m'a aidé à trouver des locaux. Très vite, les collectivités territoriales nous ont apporté leur appui. Un soutien qui ne s'est jamais démenti. Aujourd'hui, notre campus de 8.500 m2 appartient au conseil général du Val-d'Oise qui nous le met à disposition à titre gracieux.

Au bout de quelques années, l'EISTI devient une école d'ingénieurs. Pourquoi ?

Malgré l'opposition de la quasi-totalité des étudiants et des enseignants, j'ai décidé de faire évoluer l'établissement en école d'ingénieurs. J'avais fait le constat qu'un ingénieur pouvait ensuite devenir manager, mais pas l'inverse. Nous avons obtenu l'habilitation CTI (Commission des titres d'ingénieur) en 1992. Malgré tout, près d'un tiers de nos cours reposent toujours sur les sciences de gestion.

De quelle manière votre parcours a-t-il ensuite influencé le développement de votre établissement ?

Turc d'origine, je suis arrivé en France en 1969, grâce à une bourse du général de Gaulle. Sans elle, je n'aurais jamais pu venir étudier ici. C'est pourquoi j'ai toujours été très attaché à la diversité dans mon école. Nous comptons entre 25 et 30 % de boursiers du CROUS. Parallèlement, le budget interne d'aides sociales n'a cessé d'augmenter. Il est aujourd'hui de 300.000 €. Ce qui nous donne la possibilité d'aider plus d'une quarantaine d'étudiants.

2003 marque l'ouverture d'un second campus à Pau, à 900 km de Cergy...

Le sénateur-maire de l'époque, André Labarrère, nous a contactés car il cherchait à augmenter la visibilité de sa ville sur les TIC. Nous avons procédé à une étude de marché et décidé de nous lancer. Le deal était le suivant : pendant les six premières années, tous les investissements étaient subventionnés par les collectivités territoriales. Actuellement, près de 250 étudiants y suivent leur cursus. À terme, les deux campus devraient atteindre 1.100 étudiants.

Autre date importante : 2006 et le rattachement à Supméca...

Le rattachement à un EPCSCP (établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel) comme Supméca protège l'EISTI. Il lui donne des bases solides et la rend invendable. De manière caricaturale, lorsqu'on crée une école, on peut poursuivre deux objectifs différents : se constituer un patrimoine ou lui faire une place indiscutable dans le paysage de l'enseignement supérieur français. C'est ce second objectif qui m'a animé depuis le départ. J'ai toujours essayé d'inscrire l'école dans une logique de partenariats. Outre le rattachement à Supméca, nous comptons des doubles diplômes avec Dauphine ou l'ESC Grenoble, par exemple.
Aujourd'hui, nous passons à une nouvelle étape avec Supméca et l'ENSEA avec la création du collegium Île-de-France. Cette structure va nous permettre de mieux travailler ensemble et de développer la pluridisciplinarité de nos cursus. Une option commune info-mécatronique rassemble déjà 24 élèves. Des doubles diplômes et des actions conjointes à l'international sont à l'étude. Autre chantier : la contractualisation avec l'État. Un contrat qui devrait nous donner les moyens de développer notre recherche et nos actions en faveur de l'égalité des chances.

Vous incarnez tellement l'EISTI que l'on se demande si l'école pourrait exister sans vous. Pensez-vous à votre succession ?

J'ai encore une petite dizaine d'années devant moi avant de passer la main. Il n'y aura qu'un seul directeur général fondateur, c'est évident. Je suis père de quatre garçons. L'EISTI, c'est un peu la fille que je n'ai jamais eue. Mais l'école est aujourd'hui suffisamment ancrée dans l'enseignement supérieur français pour se passer de moi. Dans l'idéal, j'aimerais beaucoup qu'un ancien élève reprenne le flambeau.

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier | Publié le