O. Gauthier (IMT) : "L'insertion professionnelle sera plus difficile que les années précédentes"

Clément Rocher Publié le
O. Gauthier (IMT) : "L'insertion professionnelle sera plus difficile que les années précédentes"
Le réseau IMT envisage une rentrée 2020 hybride entre cours en présentiel et enseignements à distance. // ©  IMT
Odile Gauthier est directrice générale de l'IMT (Institut Mines-Télécom) depuis septembre 2019. Quelques mois après son arrivée, elle doit affronter une crise sanitaire sans précédent. Elle revient pour EducPros sur les conséquences de cette crise ainsi que sur les projets d'avenir du groupement.

Comment avez-vous géré la crise sanitaire sur le plan de la pédagogie et de la recherche, quelques mois après votre arrivée à la direction générale de l'IMT ?

Lors de la fusion des écoles des Mines et des écoles Télécom, l'IMT s'est intéressé aux pédagogies innovantes. Nous nous étions notamment penchés sur la manière dont les programmes allaient changer pour une évaluation des compétences. Avec la crise, les écoles de l'IMT ont pu s'appuyer sur ces bonnes pratiques acquises et proposer des enseignements à distance.

Odile Gauthier
Odile Gauthier © photo fournie par l'établissement

En effet, le réseau COMETE [réseau du personnel d’accompagnement à la pédagogie de l’IMT] a participé à la transformation pédagogique de l'Institut Mines-Télécom. Nous avons réfléchi aux activités qui se prêtaient le mieux au numérique pendant le confinement.

Cette réflexion est importante dans la perspective de la prochaine rentrée. Nous devons encore réfléchir à certains aspects mais il est certain que l'enseignement sera hybride à la rentrée 2020 avec des enseignements à distance et des projets en présentiel. Nous souhaitons par exemple maintenir en présentiel les projets collectifs comme les week-ends d'innovation avec les entreprises ou encore les semaines de créativité.

Il est certain que l'enseignement sera hybride à la rentrée 2020.

Côté recherche, nos écoles se caractérisent par une activité importante de recherche partenariale. Nos doctorants sont financés en grande majorité par des ressources propres. Les contrats de recherche se sont poursuivis pour l'instant mais il va falloir maintenir ce flux de contrats de recherche partenariale sur le long terme pour continuer notre activité d’enseignement et de recherche.

L'Institut Mines-Télécom compte 27% d'étudiants en apprentissage dans 24 formations. Or, on sait déjà que la crise économique risque de freiner l'emploi en alternance. Comment envisagez-vous la suite ?

Jusqu'à présent, les apprentis ont été pris en charge par les entreprises au moment du confinement. Mais il est clair que nous anticipons une baisse de l'apprentissage en raison de la crise économique. Nous essayons de trouver de nouveaux domaines d'application, notamment pour les apprentis qui travaillent dans les secteurs aéronautique ou automobile, durement touchés par la crise. Nous pouvons aussi compter sur nos entreprises partenaires qui font le nécessaire pour maintenir leur engagement dans la limite de leurs situations réelles.

L'Institut Mines-Télécom souhaite participer à la relance économique, comment comptez-vous vous y prendre ?

Nous avons mené un certain nombre de réflexions autour de la recherche et de la formation pour accélérer la modernisation des entreprises. Nous voulons croiser les compétences au niveau du numérique et de la production industrielle. Ces croisements sont très porteurs et nous allons faire en sorte qu'ils se développent.

Pendant la crise, nous avons maintenu une étroite relation avec les entreprises, notamment avec les ETI et PME dans les territoires, et nous souhaitons poursuivre cet engagement à travers des projets d'innovation technologique. Nous réfléchissons également à la création de centres d'expertise et de transfert qui permettraient de mieux accompagner les entreprises dans des domaines stratégiques comme l'écologie industrielle et la cybersécurité.

Êtes-vous inquiète quant à l'insertion professionnelle de vos futurs diplômés ?

Nous savons que l'insertion professionnelle sera plus difficile que les années précédentes. Dans les mois à venir, il va falloir voir la vitesse à laquelle l'activité économique repart. Cela dit, nous restons confiants. Une majorité de nos étudiants sont positionnés sur des secteurs d'avenir comme le numérique et la transition écologique. Nous avons obtenu jusqu'à présent une très bonne insertion avec un taux d'emploi à six mois à 95% et un salaire brut à la sortie de l'ordre de 40.000 euros. Pour les apprentis, le taux d'emploi à quatre mois est de 93% avec un salaire moyen de l'ordre de 41.500 euros.

Quelles sont vos ambitions pour ces prochaines années ?

Nous poursuivons la stratégie que nous avons mise en place. Nous continuons à développer nos activités autour de la transition numérique - secteur qui sera sans doute moins touché par la crise - mais nous voulons aussi travailler sur l'enjeu de souveraineté autour de domaine. Il nous semble en outre essentiel de poursuivre nos activités dans la santé numérique et l'autonomie.

Une majorité de nos étudiants sont positionnés sur des secteurs d'avenir.

La transition écologique et énergétique figure également parmi nos axes majeurs. Nous allons structurer nos thématiques de recherche et nos activités de formation autour de ce sujet. Nous avons organisé une réunion collective avec les étudiants pour préparer des modules communs et nous avons instauré des expériences-projets comme la fresque du climat. Nous avançons sur ces projets pour une mise en place à la rentrée.

L'IMT est membre fondateur d'un projet de cloud européen appelée GAIA-X. Quel est l'objectif de ce projet ?

Il s'agit d'un projet franco-allemand dont l'objectif est la sécurisation des données des entreprises selon des normes européennes. Il a pour finalité d'avoir un espace souverain en matière d'utilisation et d'exploitation des données industrielles.

Il faut savoir que l'IMT a créé une plateforme de transfert de recherche, Teralab, en 2014, dans le cadre de l’appel à projets "Cloud Computing et Big Data" du PIA. Cette plateforme permet l’utilisation en masse des données des entreprises dans une logique de protection des données.

C'est sur cette base que l'Institut Mines-Télécom a souhaité s'impliquer dans ce projet de cloud européen. Nous avons déjà établi une forte coopération avec l'université technique de Munich dans le cadre de l'académie franco-allemande pour l'industrie du futur. L'objectif est de développer des projets de recherche et de formation communs.

Deux écoles de l'IMT - Télécom Paris et Télécom SudParis - sont membres de l'Institut Polytechnique de Paris. Quelles sont vos attentes vis-à-vis de cet établissement ?

Le positionnement de l'Institut Polytechnique de Paris est différent du nôtre : il a pour ambition de devenir l'un des dix plus grands instituts de haut niveau académique et de recherche dans le monde. De notre côté, notre ADN repose sur nos relations avec les ETI et PME et notre présence dans les territoires. C'est dans ce cadre que nous avons décidé de clarifier les choses avec une convention de partenariat.

Télécom Paris et Télécom SudParis travaillent davantage sur certaines questions dans le cadre de l'Institut Polytechnique de Paris comme les centres interdisciplinaires ou des formations internationales. Mais elles ont également vocation à travailler au sein de l'Institut Mines-Télécom avec d’autres écoles sur les initiatives pédagogiques ou des projets de recherche.

Des futurs projets communs avec l'IPP sont-ils à l'ordre du jour ?

Nous voulons lancer une réflexion autour de la cybersécurité avec l'Institut Polytechnique de Paris et voir ce que cela pourrait apporter de rassembler nos forces. Nous avons le projet de développer davantage notre activité sur les MOOC bien que nous n'ayons pas encore défini de thématique précise.

En plus de ces deux pistes, nous souhaitons permettre à tous les étudiants de l'Institut Mines-Télécom d'être candidat au PhD Track [un programme doctoral intégré en cinq ans] de l'Institut Polytechnique de Paris.


L'Institut Mines-Télécom est un établissement public d’'enseignement supérieur et de recherche. Il rassemble huit grandes écoles d'ingénieurs et de management, deux filiales et un réseau de partenaires stratégiques et affiliés. L'établissement forme chaque année plus de 12.000 étudiants et réalise près de 70 millions d'euros de contrats de recherche.

Clément Rocher | Publié le