O. Laboux (CPU) : "Ces décisions sur le reconfinement montrent un désintérêt pour les étudiants des universités"

Juliette Loiseau Publié le
O. Laboux (CPU) : "Ces décisions sur le reconfinement montrent un désintérêt pour les étudiants des universités"
Durant ce reconfinement, les bibliothèques universitaires resteront accessibles sur rendez-vous. // ©  Simon LAMBERT/HAYTHAM-REA
Malgré son anticipation et les mesures préconisées, la CPU n’a pas été entendue par le gouvernement. Avec le deuxième confinement mis en place depuis le 30 octobre, les universités ont de nouveau dû passer à des enseignements à distance. Après les récents attentats, elles ont également été la cible de polémiques sur la laïcité. Entretien avec Olivier Laboux, vice-président de la CPU.

Après la rentrée scolaire, les universités françaises doivent encore se débrouiller ? Comment se met en œuvre ce nouveau confinement ?

Le confinement a été décidé, on l’applique, il n’y a pas de débats. Je parlerais plutôt d’adaptation que de débrouillardise. Ce n’est pas la même urgence qu’au printemps, les universités ont pu anticiper les questions matérielles mais aussi pédagogiques.

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Depuis la rentrée, nous travaillons à différentes hypothèses, dont celle d’un nouveau confinement. Tout le monde n’est pas prêt, mais ce n’est pas le chaos non plus. Certains enseignants se sont accordé une semaine de suspension de cours pour bien faire les choses.

Ce que nous souhaitions, avec la CPU, c’est la possibilité pour les étudiants de venir à la bibliothèque universitaire mais aussi dans des espaces dédiés pour avoir accès à du matériel ou du WIFI. Nous souhaitions aussi la possibilité de cours en présentiel, notamment pour les TP. En chimie ou robotique par exemple, c’est impossible en distanciel.

Enfin, nous avons défendu les examens, qu’ils puissent se faire en présentiel, avec un dispositif sanitaire adéquat. Il s’agit d’équité, mais aussi un objectif précis pour les étudiants qui arrivent à l’université, sans méthode ou autonomie, pour travailler à distance.

Malgré quelques modalités exceptionnelles, les universités doivent fermer contrairement aux classes préparatoires. Quelle est la réaction de la CPU ?

Le message est désastreux. Certains étudiants, ceux des classes préparatoires mais aussi des BTS, sont favorisés par rapport à ceux des universités, notamment en licence.

Une partie des étudiants va donc pouvoir étudier quasi normalement. Ce discours est illisible. Si la logique d’établissement est claire, les classes préparatoires et les BTS dépendent des lycées qui restent ouverts, la logique sociétale est scandaleuse. Ces décisions montrent un désintérêt pour les étudiants des universités.

Les conséquences ne sont pas neutres. Le décrochage des étudiants est un risque important en ces temps de confinement. Que mettent en place les universités ?

La priorité est de se focaliser sur les étudiants les plus fragiles, notamment ceux de première année. Plusieurs universités, comme Cergy-Pontoise ou La Rochelle, ont prévu d’appeler chacun d’entre eux pour voir comment ils vont, d’un point de vue pédagogique, mais aussi sanitaire et social.

Depuis le printemps, il y a beaucoup d’actions pour aider les étudiants avec le numérique, souvent avec l’accompagnement des régions, comme les prêts de clé 4G ou de matériel informatique. Au-delà de la fracture numérique, il s’agit de combler les inégalités sociales, en maintenant également les services de santé et l’aide alimentaire.

En parallèle de la crise sanitaire, les universités sont également impliquées dans les polémiques liées à la laïcité. Le ministre de l’Education nationale a d’ailleurs déclaré que "l’islamo-gauchisme" faisait "des ravages" dans les universités. Quelle est la position de la CPU ?

Ces propos sont incompréhensibles, mais notre ministre de tutelle, Frédérique Vidal, a fait une réponse tout à fait adaptée. Elle a réaffirmé que l’université est un lieu de débats, s’appuyant sur le doute mythologique et aussi les faits scientifiques. C’est le lieu du rationnel et de l’esprit critique. Il ne faut pas confondre les idées et la recherche, et il n’est pas question de bâillonner l’université.

Pourtant, un amendement voté par le Sénat, qui stipule que la recherche universitaire devra désormais "s’exprimer dans le cadre des valeurs de la République", semble aller dans le sens de la mise au pas de la recherche. Qu’en pensez-vous ?

Faire des lois conjoncturelles n’est pas une bonne idée. Il faut laisser faire le débat parlementaire, mais ce texte pourra être interprété dans un sens ou dans l’autre. La nature de la recherche est qu’elle est libre, intemporelle, appliquée, clinique et elle couvre tous ces champs. La crainte avec les interprétations du texte est que la recherche ne soit soutenue que parce qu’elle va dans le sens du politique. Mais questionner les usages, la société, c’est le rôle de la recherche. La principale difficulté aujourd’hui c’est l’irrationalité. Nous assistons à des débats polémiques, irrationnels, alors qu’ils devraient être factuels, argumentés et posé. Rationnels donc.

Juliette Loiseau | Publié le