
Après l'échec du projet d'EPE "Blue Inn", l'an dernier, l'un des enjeux de votre mandat est à nouveau la création d'un EPE à horizon 1er janvier 2025. C'est la dernière fois que l'occasion se présente. Quelles sont les ambitions de l'UBO dans ce projet ?
L'enjeu est de faire cause commune en créant l'INP Bretagne qui regroupera trois écoles : l'ENIB (transformée en EPSCP par un décret du 7 juin), l'ESIAB, notre école d'ingénieurs interne en agri-agro, et l'IAE. Cela permettra de former des ingénieurs pertinents sur le thème de la transition, en liant technologie, agriculture et business.
L'IAE apporte une coloration supplémentaire pour façonner les managers "vert" et "bleu" de demain. L'INP amène aussi une certaine notoriété, cela donnerait de la visibilité au pôle ingénierie.
En écho à l'acte II de l'autonomie des universités, annoncé en novembre par le président de la République, nous savons que les universités devront jouer le rôle de chef de file sur leur territoire. Il nous faudra donc nous adapter avec une structure agile et l'EPE répond à ce besoin.
Quelle place auront les autres disciplines, comme les sciences humaines et sociales, dans ce projet d'EPE ?
J'ai installé une vice-présidente en charge de la recherche en sciences humaines et sociales dans mon équipe car les SHS sont un maillon indispensable de l'avenir de la science et de la formation.
L'UBO doit rester pluridisciplinaire, c'est ce qui fait sa force. Et nous avons un vaisseau amiral, le domaine "mer", qui entraîne dans son sillage toute la communauté.
L'UBO doit rester pluridisciplinaire, c'est ce qui fait sa force.
Nous sommes également mobilisés pour répondre à l'appel à manifestation d'intérêt SHS [lancé le 18 mars 2024, ndrl]. L’UBO porte un consortium sur les transformations des sociétés littorales soumises au changement climatique, car les sciences de la mer sont notre signature, avec une forte présence du thème littoral.
Cette thématique fédère trois organismes de recherche (CNRS, IRD et Ifremer) ainsi que dix universités (UBO, La Rochelle, Nantes, Bretagne Sud, Caen-Normandie, Toulon, Nouvelle-Calédonie, La Réunion, Havre-Normandie, Littoral Côte d’Opale).
Certains de vos collègues, représentés par la CGT et SUD, s'opposent au projet d'EPE, craignant un glissement vers une privatisation et un certain élitisme des formations....
L'EPE est un moyen, pas une fin. Notre proposition ne s'écarte pas de manière significative du Code de l'éducation. Le poids des personnels reste le même, idem pour le poids des étudiants.
Quant à l'élitisme, c'est un non-sens. Je veux inscrire l'UBO dans la dynamique de la nation pour qu'elle puisse jouer sa partition au long cours. Nous sommes déjà reconnus au classement de Shanghai thématique [5e dans le domaine de l'océanographie en 2023]. Et ça n'est pas de l'élitisme mais de la fierté d'avoir réussi à structurer un domaine qui porte haute les couleurs de la Bretagne occidentale.
Lors d'une conférence de presse, le 22 avril 2024, vous avez rappelé les difficultés financières de votre établissement. L'EPE peut-il être une réponse à cet enjeu ?
Malheureusement, la question des ressources se joue sur un autre terrain. Mais l'UBO doit épouser son temps, l'enseignement supérieur et la recherche évoluent à l'échelle de la nation et nous devons en être pour ne pas être relégués au rang d'université de territoire, loin des grandes évolutions. L'enjeu est majeur.
En nous unissant, nous pourrons être beaucoup plus visibles et reconnus par la nation. Nous pourrons créer des synergies efficientes et pérennes au sein du territoire. Ce qui sera plus attrayant auprès des jeunes mais aussi des entreprises, dans une logique gagnant-gagnant.
En 2023, l'UBO a obtenu une aide de 2,7 millions d'euros pour finir l'année. Or, vous risquez de terminer 2024 avec un déficit de 4,5 millions d'euros. Sur quels leviers comptez-vous vous appuyer pour redresser la barre ?
Pour le moment, nous n'avons pas de notification d'une dotation supérieure à l'année passée. Comme beaucoup de mes collègues présidents et présidentes d'université, je suis inquiet en raison du coup de rabot sur le programme 150, des mesures salariales Guérini non compensées et de la fin prochaine du bouclier tarifaire sur l'énergie.
Pour le moment, nous n'avons pas de notification d'une dotation supérieure à l'année passée.
Notre premier déficit est tombé en 2017, quand les règles de répartition des moyens ont cessé de se faire selon des paramètres objectivés. Le vrai sujet n'est pas le modèle économique des universités mais bien la répartition des moyens de l'État.
Le différentiel peut aller jusqu'à 4.000 euros par étudiant suivant les universités. Je ne dis pas que les autres sont sur-dotées, mais je dis que nous sommes scandaleusement très mal dotés. Cela pose la question de l'égalité de traitement des jeunes en fonction de l'endroit où ils vivent.
Nous avons, certes, reçu des moyens supplémentaires de l'État mais pas à la hauteur de l'évolution des effectifs. Nous avons l'équivalent de 5.000 étudiants non financés. Nous tenons car la communauté fait front, avec des dizaines de postes gelés et 60.000 heures d'enseignement supprimées depuis 2017. Mais ce n'est pas acceptable ! Il y a une perte de sens pour une partie de nos collègues.
Un autre enjeu pour vous, celui de l'égalité femme-homme. Pour ce mandat, votre équipe compte 17 vice-présidents dont 9 femmes. Comment l'établissement entend-il lutter contre les violences sexuelles et sexistes (VSS) ?
J'ai souhaité mettre ce sujet au plus haut niveau politique pour que cette question soit dans toutes les têtes et tous les sujets qui font la vie d'une université. Avec Dorothée Guérin, vice-présidente en charge de l'égalité homme-femme et la lutte contre les VSS, nous insistons sur la formation. Nous souhaitons mettre en place une UE obligatoire sur la question des VSS.
Il y a aussi un fort enjeu de sensibilisation. Nous avions, jusqu'ici, un réseau de référents quelque peu "artisanal". Ces personnes doivent bénéficier d'une formation spécifique pour qu'en tant que premiers relais, ils puissent prendre en charge une victime sans ajouter de la souffrance à celle qu'elle traverse déjà en raison de l'acte dénoncé.
Notre vice-présidente vient tout juste de recevoir un premier fichier de suivi, avec des clauses d'anonymisations, pour mieux quantifier et qualifier les signalements, donc nous avançons.