Patrick Demougin (CDIUFM) : "Les ESPÉ ne seront pas des coquilles vides"

Olivier Monod Publié le
Patrick Demougin (CDIUFM) : "Les ESPÉ ne seront pas des coquilles vides"
Patrick Demougin // © 
Patrick Demougin, directeur de la Conférence des directeurs d'IUFM, est en partie rassuré sur le projet de création des ESPÉ (Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation), appelées à prendre la relève des IUFM. Selon lui, le projet de loi, qui a été rejeté par le CNESER du 8 janvier 2013, prévoit des établissements forts et intéressants mais son application doit être observée de près.

La CDIUFM semble plutôt satisfaite de la direction prise par les ESPÉ.

Oui, le texte du projet de loi d'orientation pour la refondation de  l'Ecole de la République répond globalement à nos attentes. Nous avions émis des impératifs et ils sont presque tous satisfaits dans l’esprit. Il faut maintenant être attentif à la mise en œuvre de cette réforme.

Par exemple, le projet de loi propose de créer une école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPÉ) par académie. S’il n’y a qu’une université dans l’académie, la situation est simple, il s’agira d’un transfert de l’IUFM vers l’ESPÉ. Mais dans les situations plus complexes, avec plusieurs universités, on pourra voir naître une ESPÉ sur les cendres de l’IUFM existant, ou alors dans une autre université ou encore dans le cadre d’un PRES.

Avant la parution de ce projet de loi, vous étiez plutôt remonté contre les ESPÉ, votre discours a changé à la lecture de ce texte.

Il y avait un risque de déstructuration des IUFM et de négation de 20 ans de travail dans ces structures. Les ESPÉ, telles qu’elles sont envisagées, ne seront pas des coquilles vides chargées de puiser des ressources dans les différentes UFR des universités. Ce seront de réels établissements structurés et capables de mettre en place une politique cohérente en lien avec les composantes de l’université, si la mise en oeuvre respecte les perspectives ouvertes par la loi.

De plus, on redonne une lisibilité au secteur avec la création des masters Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF), seuls diplômes de master reconnus pour former des professeurs.

Le projet de loi prévoit la possibilité que les ESPÉ soient hébergées par des PRES, il s’agirait d’une nouveauté par rapport aux IUFM. Cela permettrait-il de faciliter les interventions dans différentes universités ?

Là encore, tout dépend du contexte local. Jusqu’à présent, des problèmes pouvaient se poser quand l’IUFM d’une université intervenait dans une autre université. Il s’agissait de facturer la prestation puis de recouvrer le paiement.  En théorie, le PRES peut aplanir ce genre de situation. Il peut être un lieu de coopération inter-universitaire très intéressant à mobiliser car les compétences pour former des professeurs se trouvent dans toutes les universités et pas uniquement dans les IUFM.

En pratique, en fonction des réalités locales, les PRES peuvent aussi être des structures supplémentaires, fermées sur elles-mêmes et peu aptes à accueillir un ESPÉ.  

On a un peu l’impression que les ESPÉ, telles qu’elles se dessinent ressemblent fortement aux IUFM qu’elles remplacent.

Elles ressemblent un peu aux IUFM tels qu’ils ont été créés il y a 20 ans, pas aux IUFM tels qu’ils avaient évolués ces dernières années.

Les IUFM avaient perdu leur statut d’établissement, l’ESPÉ, existera bel et bien avec un cadre juridique et des moyens dédiés. C’est très positif.

Par contre, nous allons être très attentifs aux modalités du concours. Avant la masterisation, la formation se composait d’une année de bachotage, pour avoir le concours, suivie d’une année de surmenage pour apprendre le métier sur le terrain. C’est un modèle consécutif que tout le monde trouve non pertinent et que nos voisins européens ne partagent pas. Ils lui préfèrent très souvent le modèle simultané dans lequel les candidats apprennent simultanément des éléments de culture professionnelle et les savoirs académiques nécessaires.

Nous sommes pour un système dans lequel la formation pilote le concours et non l’inverse.


Le PRES peut être un lieu de coopération inter-universitaire très intéressant à mobiliser

Le projet envisage aussi de charger les ESPÉ de nouvelles missions de formation continue des professeurs et de formation initiale et continue des enseignants-chercheurs. Existe-t-il dans les IUFM et les universités, les moyens humains nécessaires pour s’occuper de ces nouvelles charges ?

Depuis deux mois et demi, une mission de l’Inspection générale tourne dans toute la France pour faire un état des lieux des moyens dédiés à la formation des enseignants. Il s’agit d’un travail délicat car cela dépendra de ce qu’on attend vraiment des ESPÉ. La deuxième année de master sera-t-elle à mi-temps sur le terrain ? Quel volume individuel de formation continue sera mis en place ? Qui formera et accompagnera les Emplois d'avenir professeurs (EAP) ? Il reste beaucoup de questions à trancher.

Enfin, avez-vous déjà pensé au sort des futurs recalés au concours ayant validé leur M1 ?

Le projet de loi n’est pas encore tout  fait clair là-dessus. Ils iront certainement en M2 avec un parcours adapté. La question la plus cruciale sera celle du stage. Le M2 doit certifier leur aptitude à enseigner, il faut donc qu’ils aient suivi un stage dans le domaine, comme dans tout autre master. Mais dans quelle structure et avec quelle rémunération ? La maquette pédagogique reste à inventer.

Le CNESER rejette le projet de loi sur l'école

Le CNESER (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche) du 8 janvier a rejeté à la fois le projet de loi d'orientation sur l'école et sa version amendée (voir le dossier du SNESUP).

Le SNESUP est notamment vent debout contre le statut des ESPE tel qu'il est présenté et appelle à la mobilisation. "Les ministres persistent dans leur volonté de passer en force le statut des Espé, de ne pas prendre en compte nos demandes pour construire démocratiquement une véritable structure de formation. Ecarter les personnels de la construction des Espé est la seule solution trouvée par le MEN pour tenir le délai du 1er septembre 2013."



Olivier Monod | Publié le