Phil Baty (responsable éditorial des classements du Times Higher Education) : “Considérer U-Multirank comme un classement officiel pourrait avoir de graves conséquences”

Propos recueillis par Elisabeth Blanchet, notre correspondante au Royaume-Uni Publié le
Phil Baty, responsable éditorial des classements du Times Higher Education, revient à l’occasion de la conférence EducPros du 1er juin 2012 sur les classements , sur les changements de méthodologie du classement mondial des universités, le Times Higher Education World University Ranking, et donne sa vision d’U-Multirank, le classement européen en cours de préparation.

Le Times Higher Education a changé la méthodologie et les critères de son classement des universités en 2010. Pourquoi ?
Bien que nous publiions un classement global depuis 2004, les classements 2010-2011 furent les premiers résultats d’un système radicalement amélioré, issus de données exclusivement fournies et analysées par Thomson Reuters. Nous avons introduit de nouveaux éléments qui n’avaient jamais fait partie du tableau, le revenu d’une université par exemple.
Les changements les plus importants ont consisté à mettre les arts, les lettres, les sciences sociales et les sciences dures sur un pied d’égalité en normalisant nos indicateurs pour chaque sujet. En effet, les volumes des publications scientifiques sont beaucoup plus élevés dans certaines disciplines que dans d’autres. Pour la première fois dans le classement 2010-2011, les citations de chaque université étaient comparées avec la moyenne mondiale dans le même domaine. C’était un pas en avant majeur pour que les institutions qui excellent dans les arts, les lettres ou les sciences sociales puissent bénéficier d'un traitement similaire à celles spécialisées sur les sciences dures.

"Les classements sont le reflet subjectif de ce que leurs concepteurs choisissent comme indicateurs et du poids qu'ils leur donnent"

Existe-t-il des critiques de cette nouvelle méthodologie ?
Bien sûr, aucun classement n’est parfait. Ils sont tous le reflet subjectif de ce que leurs concepteurs choisissent comme indicateurs et du poids qu'ils leur donnent. Je pense que la clef pour faire face aux critiques est d’être très ouvert sur la méthodologie : être clair sur ce qui n’est pas mesuré et où les compromis méthodologiques sont faits.
Je pense aussi qu’il est important d’isoler les données pour permettre à l’utilisateur de se rendre compte de la performance en fonction d’indicateurs individuels et de lui donner accès au plus de données possibles. C’est pourquoi nous avons créé une application mobile.

Que pensez-vous du projet européen U-Multirank ?
Toute initiative qui amène des éléments de comparaison sur la performance des universités est toujours la bienvenue. Et j’apprécie l’approche “multidimensionnelle” d’U-MultiRank qui évite un seul indicateur composite et qui permet à l’utilisateur de sélectionner sa propre combinaison d’indicateurs. Mais je remarque que la plupart des indicateurs proposés sont déjà utilisés par nos classements et que notre app gratuite permet aussi aux utilisateurs d’ajuster les critères à leurs besoins. Il existe aussi un souci sérieux au Royaume-Uni : comme U-Multirank est financé par les contribuables européens, on pourrait le considérer comme un classement officiel, ce qui pourrait avoir de graves conséquences. Un récent rapport publié par la House of Lords a d’ailleurs suggéré que l’ensemble du procédé pourrait être une perte d’argent du contribuable, et n’apporter qu’une très faible contribution à la scène des classements.

Propos recueillis par Elisabeth Blanchet, notre correspondante au Royaume-Uni | Publié le