Pierre Dubois (ancien directeur de l'OFIPE) : "La création des BAIP est une action de démagogie de la part du ministère"

Propos recueillis par Fabienne Guimont Publié le
Pierre Dubois (ancien directeur de l'OFIPE) : "La création des BAIP est une action de démagogie de la part du ministère"
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Les universités ont dû rendre en février 2009 leur "schéma directeur d'aide à l'insertion professionnelle" au ministère de l'Enseignement supérieur. Retour sur les enjeux des BAIP (bureaux d’aide à l’insertion professionnelle) nés de la LRU et sur la méthodologie adoptée pour les enquêtes d’insertion demandées par le ministère avec Pierre Dubois, ancien directeur de l’OFIPE (Observatoire des formations, des insertions professionnelles, évaluations) de l'université de Marne-la-Vallée. Ce sociologue a lancé début 2009 le blog Histoires d'Universités .

La mise en place de BAIP dans les universités est-elle pertinente ?

La création de BAIP est un acte de démagogie de la part du ministère de l’enseignement supérieur à l’égard des organisations étudiantes. L’insertion professionnelle comme mission de l’université est inscrite dans la loi LRU mais elle existait déjà dans la loi de 1984.

Les SCUIO ont été mis en place en 1986 et étaient chargés de produire des informations sur les débouchés professionnels. Certains SCUIO ont créé des observatoires qui ont produit des enquêtes d’insertion professionnelle à la fin des années 1980 avec des financements de l’Etat. Après la LRU, des plateformes interuniversitaires ont de nouveau vu le jour pour faire des enquêtes avec la création de postes.

On rajoute aujourd’hui les BAIP et les universités vont avoir besoin de services d’aide au pilotage produisant des statistiques sous la pression du financement à la performance. Il va y avoir un problème de coordination : qui fait quoi ? Les universités autonomes vont aussi pouvoir commander des enquêtes à des entreprises privées.

Un groupe de travail sous l’égide du ministère doit proposer des indicateurs nationaux pour réaliser les enquêtes d’insertion professionnelle des étudiants à partir de décembre 2009. Qu’en pensez-vous ?

Pour mettre en œuvre la logique du financement à la performance, le ministère de l’Enseignement supérieur est pressé et va presser les différentes structures s’occupant d’insertion professionnelle de fournir des enquêtes puisque leurs résultats conditionneront en partie les financements des universités.

La première erreur de cette usine à gaz, c’est de vouloir mener des enquêtes d’insertion 30 mois après l’obtention du diplôme à l’instar de ce que fait le Céreq qui fait partie du groupe de travail. Ce qui implique que, si le diplôme est mauvais, quatre générations d'étudiants l’auront quand même passé ! Le mieux serait une enquête à 18 mois.

La deuxième erreur, c’est de ne pas prescrire un même questionnaire à toutes les universités mais seulement de grandes lignes méthodologiques. Les universités ne pourront donc pas comparer leurs résultats. La troisième erreur, c’est qu’une université qui ne produit pas de données sera jugée non performante alors que toutes ne recevront pas d’argent pour en produire…

Vous dénoncez la mise en place d’une statistique politique...

La statistique politique arrive dans les universités : on publie ce qu’on a envie de publier. Trois observatoires universitaires d’insertion ont été interdits de publication externe par leurs présidents. Lorsque les résultats ne sont pas bons, les « présidents monarques » ne veulent pas les diffuser. De même, sur injonction de Xavier Darcos surtout et de Valérie Pécresse, la DEPP publie moins de Notes d’information depuis août 2008 (aucune en 2009) alors qu’à une époque il y avait 60 notes par an. 

Histoire d'universités : le blog

Pierre Dubois, sociologue aujourd'hui en retraite, anime un blog sur les questions liées à l’enseignement supérieur.

Propos recueillis par Fabienne Guimont | Publié le