René Broca (cinéma d’animation) : "Face à la profusion d’écoles, il fallait assurer une meilleure lisibilité de la formation"

Sophie de Tarlé, notre envoyée spéciale Publié le
René Broca (cinéma d’animation)  : "Face à la profusion d’écoles, il fallait assurer une meilleure lisibilité de la formation"
René Broca, délégué général du RECA (réseau des écoles françaises de cinéma d'animation) // © 
Les 21 et 22 novembre 2013, les Rencontres animation formation ont réuni à Angoulême les écoles d’animation et les studios de production. Responsable éditorial de l'événement, René Broca revient sur l'importance de ce type d'échanges pour les différentes formations de ce secteur. C'est aussi l'un des objectifs du RECA (Réseau des écoles françaises de cinéma d’animation), qu'il a fondé. Entretien.

Les Rencontres Animation Formation 2013 à Angoulême ©Sophie de Tarlé

Quel bilan dressez-vous de ces deux journées ?

Un consensus s’est dégagé sur la nécessité de remettre à plat les modalités de soutien à la production, afin de favoriser la fabrication de films en France. Ce sont des mesures essentielles pour l’avenir des étudiants. Au moins 500 étudiants sortent diplômés chaque année, ce qui est beaucoup au vu de l’étroitesse du secteur [5.000 salariés seulement].

Je ne crois pas que la solution serait de former moins de jeunes. Personne ne peut empêcher une école, qui a de toute façon des impératifs commerciaux, de former de nombreux étudiants. Je ne crois pas dans le malthusianisme dans le domaine de la  formation. Surtout que les professionnels sont unanimes pour saluer la grande qualité de la formation française. La seule solution consiste à développer l’emploi. La puissance publique a un impact fort dans ce secteur. En améliorant le système des mesures d’aides publiques, il serait possible de rapatrier une partie importante de la fabrication. Par ailleurs, le long métrage peut être un relais de croissance, à condition d'en perfectionner la distribution et le financement.

C'est pour ces raisons que vous avez fondé le RECA (Réseau des écoles françaises de cinéma d’animation) ? 

En janvier 2009, j’ai réalisé une étude à la demande de la CPNEF-AV [Commission paritaire nationale emploi et formation de l’audiovisuel]. J’y faisais plusieurs préconisations, notamment de créer un lieu d’échange entre les écoles et les studios – proposition qui s'est aujourd'hui concrétisée par les Rencontres d’Angoulême – et de regrouper les écoles afin de coordonner leurs voix.

Le soutien du CNC [Centre national du cinéma et de l’image animée] a permis l’envol du RECA. L’idée était que, face à la profusion d’écoles, il fallait assurer une meilleure lisibilité de la formation, fluidifier l’entrée des étudiants dans le monde professionnel et faciliter le dialogue avec les institutions [CNC, Commission paritaire, syndicats..].

Quels sont les critères de sélection pour intégrer le RECA ?

Pour postuler, les écoles doivent se montrer transparentes dans leur communication, présenter un cursus lisible et compréhensible pour tous et porter un grand intérêt au devenir de leurs élèves. Elles doivent également répondre à toute demande d'information et recevoir toute délégation qui pourra visiter l'école et rencontrer ses enseignants, personnels et étudiants. L’adhésion d’une école est en outre soumise au vote de l’assemblée générale [aux deux tiers].

Quels sont les bénéfices pour une école ?

Très concrètement, l’adhésion au RECA a permis de réduire le prix des licences du logiciel Autodesk, utilisé par tous les étudiants. Les établissements paient désormais moins de 10€ par poste, soit entre quinze et vingt fois moins qu’avant. C’est important quand on sait que le prix des licences représente jusqu’à 20% du budget d'un établissement.

Autre rôle du RECA : il a permis le développement de projets communs. Ainsi 15 étudiants ont pu collaborer à la production de courts métrages pour France Télévisions. Les étudiants ont pu participer à un concours organisé par Disney avec John Lasseter [l’un des fondateurs de Pixar] comme président du jury.

Enfin, ces écoles, souvent concurrentes, ont un vrai bénéfice à se connaître. Cela leur permet de se tenir  informées de ce que font les unes et les autres, de se rendre des services mutuels. Certaines ont d'ailleurs réalisé qu’elles étaient complémentaires. Ce qui leur permet de mieux conseiller leurs étudiants pour la poursuite de leurs études.

Les RAF (Rencontres animation formation) d'Angoulême
Les RAF sont organisées par le Pôle Image Magelis, qui regroupe huit formations à Angoulême : le CEPE (Centre européen des produits de l’enfant), le Créadoc-filière documentaire de création (université de Poitiers), l'EESI (École européenne supérieure de l’image), l'EMCA (École des métiers du cinéma d’animation), l'ENJMIN (École nationale du jeu et des médias interactifs numériques), l'IUT d’Angoulême, le Lisa (Lycée des métiers de l’image, du son et de la communication d’Angoulême ) et L’Atelier (école de cinéma d’animation).

Pour en savoir plus, consulter le site des Rencontres.
Le RECA (Réseau des écoles françaises de cinéma d’animation) en bref
Délégué général : René Broca.
Date de création : 1er janvier 2012.
Écoles membres : ATI (arts et technologies de l’image)-Paris 8, ArtFx, Bellecour, école Georges-Méliès, ESAAT, ESRA 3D, EMCA, ENSAD, ESMA, École Estienne, ECV Aquitaine, Émile-Cohl, Gobelins, Institut Saint-Geneviève, ILOI, Isart Digital, IDEM, l’Atelier, La Poudrière, LISAA, Supinfocom Arles, Supinfocom Valenciennes.
Les chiffres clés de l’emploi dans le cinéma d’animation
À l'occasion des Rencontres animation formation, la mutuelle Audiens a diffusé les résultats d'une étude sur l'emploi dans le secteur de l'animation. Principalement localisé en Île-de-France (74%) et en Poitou-Charentes, le secteur du cinéma d’animation concentre 96 entreprises de taille modeste, qui emploient au total 714 permanents et 4.000 techniciens intermittents. La masse salariale a fortement augmenté entre 2006 et 2008, puis a ralenti depuis 2009.
Actuellement, 80% des salariés sont des intermittents. Ce sont des hommes à 70%, jeunes, puisque 32% des salariés ont moins de 30 ans. Autre constat, le revenu annuel des salariés a progressé entre 2004 et 2012 : 40% gagnent plus de douze smics mensuels en 2012, contre 34% en 2004. Et la proportion des personnes dans les tranches des revenus les plus bas se réduit, puisque 15% gagnent moins d’un smic mensuel, contre 19% en 2004.

Source : Étude Audiens, novembre 2013 (pdf).
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