Robert Lacroix (Opération campus) : "La relative qualité des universités françaises a considérablement décru depuis trente ou quarante ans"

Propos recueillis par Céline Manceau Publié le
Robert Lacroix (Opération campus) : "La relative qualité des universités françaises a considérablement décru depuis trente ou quarante ans"
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Six des dix projets retenus pour l'Opération campus seront dévoilés le 29 mai 2008 par Valérie Pécresse. Huit personnalités composent le jury de cette  opération de financement de l'immobilier universitaire. Parmi elles, Robert Lacroix, ancien recteur de l’université de Montréal, aujourd’hui professeur émérite de sciences économiques. Il nous livre ses premières impressions sur le volumineux dossier qu’il a reçu contenant les quarante-six premiers projets déposés par des universités ou des PRES.

Comment travaillez-vous avec les autres membres du jury ?
Nous avons chacun un travail de lecture individuel assez conséquent, auquel nous ne nous attendions pas. Heureusement, le ministère nous fournit des fiches techniques pour récapituler les critères les plus importants. Lors de notre première réunion, le 28 mai 2008 à Paris, nous devons apprendre à nous connaître et à travailler ensemble. Pour ma part, je serai plus attentif au volet enseignement et recherche qu’à l’aspect immobilier, pour lequel je ne suis pas qualifié. Ce qui m’intéresse, de mon point de vue canadien, c’est le standard international. Je vais regarder la capacité des universités à attirer des chercheurs, à améliorer la qualité des publications, à renforcer leurs ressources humaines... Je vais m’intéresser à leur potentiel de développement. Les projets sélectionnés devront devenir la vitrine de la France.

Ne craignez-vous pas de subir des pressions ?
J’ai la chance d’être loin... Plus sérieusement, quand j’étais recteur, j’ai reçu beaucoup de présidents d’universités françaises dont certains sont probablement encore en poste. Durant cette période, j’ai transformé le campus en construisant notamment cinq nouveaux pavillons de recherche et d’enseignement. C’est peut-être, au regard de cette expérience, que mon nom a été suggéré à Valérie Pécresse, qui a pris directement contact avec moi. Aucun président ne m’a téléphoné à ce jour.

Une Opération campus serait-elle possible au Canada ?
Nos universités sont très autonomes et donc maîtres d’oeuvre de leur développement immobilier. Lorsqu’elles veulent s’agrandir, elles construisent un projet et prennent en charge le montage financier avec l’aide de partenaires. Ces derniers sont aussi sollicités pour créer des incubateurs qui vont aider à la valorisation de la recherche. Si je peux donner un conseil, c’est de développer le plus possible les partenariats publics-privés pour tout ce qui ne concerne pas directement l’enseignement et la recherche. Une université n’est pas spécialisée dans l’hôtellerie, il paraît donc plus judicieux de confier à des entreprises privées la construction et la gestion de cafétérias ou de résidences étudiantes. Ce qui est intéressant dans la loi LRU et dans l’Opération campus, c’est que l’autonomie ne s’accompagne pas d’un désengagement de l’État face aux problèmes des universités françaises. Elles obtiennent à la fois plus de flexibilité pour faire face à la concurrence et la possibilité d’accroître leurs ressources. Il leur faut saisir cette opportunité.

Quel regard la communauté universitaire canadienne porte sur les universités françaises ?
Je suis désolé de reconnaître que la relative qualité des universités françaises a considérablement décru depuis trente ou quarante ans. Les raisons sont multiples, à commencer par la hausse démographique. Le démembrement des universités, après mai 68, n’a pas été bénéfique non plus. Lorsqu’un chercheur ou un étudiant compare vos établissements au reste du monde, il s’aperçoit qu’il doit visiter trois ou quatre universités différentes (en médecine, en SHS, en sciences...) pour avoir l’équivalent de l’université de Montréal. Je constate d’ailleurs que l’Opération campus rapproche les universités puisque nombre d’établissements ont des projets communs, au travers des PRES notamment.

Propos recueillis par Céline Manceau | Publié le