

Un an après la remise de votre rapport "Le sport : une ambition pour l'université" à France Universités, en février 2023, avez-vous pu observer des changements positifs ?
Le point le plus positif, c'est qu'il y a eu une double prise de conscience : par les universités, de l'importance du sport dans la vie universitaire et par l'écosystème sportif, de l'importance des universités dans l'écosystème sportif.
L'autre élément concret, c'est que cette double prise de conscience a abouti en avril 2023 à un événement important : la signature de la feuille de route sur la pratique sportive des étudiants par la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et par la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Un groupe de travail et des comités de pilotage ont été mis en œuvre. Il y a eu une vraie réflexion et des éléments concrets, comme le plan "5.000 équipements", financé en partie par l'Agence nationale du sport (ANS).
Cela montre bien que le monde du sport comprend et intègre le fait que les universités sont des acteurs à part entière de la pratique sportive. Au même titre que les collectivités locales, les universités, aussi, peuvent construire des équipements sportifs de proximité pour leurs étudiants.
Je ne vais pas dire que mon rapport a été l'alpha et l'oméga de tout ça mais cela a été le début de quelque chose. L'Inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche (IGÉSR) a écrit son rapport sur le sport de haut niveau, une cellule de pilotage JO Sport a été mis en place au MESR et le cabinet de la ministre des Sports s'est intéressé aux universités.
Enfin, Paris 2024 s'est aussi intéressé aux universités et au rôle qu'elles pouvaient jouer dans l'héritage des Jeux.
Dans votre rapport, vous parlez des JO de Paris comme d'une véritable occasion pour les universités. Ont-elles su en profiter ?
Oui, dans certaines universités. Sorbonne Université, par exemple, valorise beaucoup ses sportifs qui participent aux Jeux olympiques.
De plus, le label Paris 2024 a été octroyé à un certain nombre d'universités candidates, leur permettant de valoriser la manière dont elles appréhendaient le sport. On a aussi beaucoup incité les étudiants à s'engager en tant que bénévoles ou à postuler à des métiers qui étaient ouverts pour les JO.
Et puis, il y a toute la réflexion des universités sur l'héritage des Jeux. C'est peut-être là où je trouve que la question mériterait d'être approfondie.
Quel est cet héritage des JO que les universités pourraient valoriser?
À chaque édition, les pays organisateurs s'interrogent sur l'héritage des JO. Évidemment, une partie de l'héritage est purement immobilier.
Mais il y a aussi un volet éducatif, académique et sociétal important. A t-on formé des personnes à des nouveaux métiers à l'occasion de ces Jeux et quelle est la pérennité de ces métiers ? Et va-t-on créer de nouvelles filières, de nouveaux centres de recherche dans le monde universitaire ? Car la recherche dans le domaine du sport est importante aussi.
Après la publication du rapport, nous avons eu des échanges avec l'Agence mondiale anti-dopage (AMA). Elle a montré son intérêt pour des partenariats avec des laboratoires de recherche universitaires sur le dopage. Ces exemples concrets montrent ce que pourrait être l'héritage des Jeux.
Les universités ont-elles aujourd'hui les moyens de mettre en place vos préconisations ?
Pour une partie des présidents d'université, le sport n'est pas la priorité, parce qu'ils ont une multitude d'autres difficultés à résoudre. Je le regrette, mais c'est la réalité.
Une vraie politique sportive coûte de l'argent. Et la réalité du terrain, c'est que les budgets ne sont pas extensibles. Si vous devez arbitrer entre le remplacement d'un vidéo-projecteur coûteux dans un amphi et celui d'un panneau de basket, le choix sera fait assez rapidement. Il ne faudrait pas que cet arbitrage-là soit nécessaire. Mais compte tenu du mode de financement de nos universités, nous sommes obligés de raisonner ainsi.
On a fait du sport une priorité nationale en 2023-2024. C'est très bien, mais cela a insuffisamment diffusé à l'intérieur des universités.
Y a-t-il des universités qui se démarquent?
L'université Paris-Dauphine a toujours été assez bien organisée pour l'accueil des sportifs de haut niveau et l'université de Dijon est assez exemplaire sur les sportifs de haut niveau. Ces universités ont créé des cursus vraiment dédiés.
Beaucoup d'entre elles accompagnent d'ailleurs des sportifs qui vont participer aux Jeux olympiques, comme Sorbonne Université, que j'ai déjà évoquée.
Quel est l'enjeu pour les universités dans les prochaines années ?
Ma conviction profonde, c'est que les universités peuvent être des acteurs de la performance sportive et donc du sport de haut niveau.
Aujourd'hui, nous avons 600 à 700 sportifs de haut niveau en France. Si la France, à la faveur des Jeux olympiques, se fixe comme objectif d'avoir 800, 900 ou 1.000 sportifs de haut niveau, il va falloir que l'écosystème les accompagne et les soutienne. Et une partie de cet écosystème, ce sont les universités.
L'enjeu est là. Sommes-nous capables de mettre en synergie des acteurs différents : l'Insep (l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance), les acteurs traditionnels, les fédérations, les clubs, mais aussi de nouveaux acteurs comme les universités qui sont capables d'accompagner le sport d'excellence ?
Je crois que les universités ne seront légitimes à le faire que si elles savent, par ailleurs, favoriser la pratique sportive générale de leurs étudiants. Et c'est là où le lien entre les deux est important : le lien entre la pratique sportive des étudiants et la performance sportive conduit à la question du sport de haut niveau. Si les universités savent bien intégrer la pratique sportive et donc porter leurs meilleurs étudiants sportifs et mieux les accompagner, elles sauront d'autant mieux ensuite accompagner les sportifs de haut niveau.
Et comment peuvent-elles faire cela ?
Dans le rapport, j'explique que la problématique du sport à l'université, c'est le temps. C'est-à-dire, concrètement, de permettre aux étudiants de faire du sport en fonction de leur emploi du temps et de leur envie. Il faut donc éviter d'avoir des organisations trop rigides.
Une solution est de développer les dispositifs à la carte, à l'exemple de ce qui se fait à l'université de Poitiers et qu'on a appelé le "click ton sport" : vous avez une appli, vous choisissez une activité sportive, vous regardez dans la semaine, s'il y a un créneau libre, vous y allez. Cela commence à se développer.
Il reste donc encore beaucoup à accomplir ?
C'est un combat de long terme. Même si l'on a commencé à tisser des liens entre l'écosystème sportif et l'écosystème universitaire, ils restent encore en très large partie assez distendus et fragiles. Il faut les consolider.