En sciences de gestion, le doctorat s'ouvre à la VAE

Cécile Peltier Publié le
En sciences de gestion, le doctorat s'ouvre à la VAE
La Fnege et la Comue Paris-Est proposent un programme expérimental permettant d'obtenir un doctorat en sciences de gestion par VAE. // ©  plainpicture/Hollandse Hoogte
À l'automne 2016, la Fnege lancera, en partenariat avec l'Université Paris-Est, un doctorat de gestion par la VAE (validation des acquis de l'expérience). Si cette procédure a fait parler d'elle lors de la publication de l'arrêté doctorat fin mai 2016, elle existe depuis 2002. Explications avec Bertrand Urien, professeur de sciences de gestion à l'IAE de Brest et coordinateur du dispositif pour la Fnege.

Bertrand Urien, coordonne côté Fnege, le nouveau doctorat en sciences de gestion par VAE lancé à  la rentrée 2016 avec l'Université Paris-Est.Pourquoi lancez-vous un doctorat en sciences de gestion par la VAE (validation des acquis de l'expérience) maintenant ?

Introduit par la loi de modernisation sociale de 2002, le doctorat par la VAE reste à ce jour assez peu utilisé, et ce, quasi exclusivement dans le champ des sciences dites dures. 

C'est dommage car c'est un moyen intéressant pour des Prag [personnels enseignants du second degré affectés dans le supérieur] ou des docteurs venus d'autres disciplines, ayant une activité substantielle de recherche en sciences de gestion, de valoriser cette expérience sans repartir sur trois ou quatre ans de thèse. Les quelques profils transdisciplinaires en activité ont contribué à ouvrir de nouvelles pistes de recherche en sciences de gestion.

Une étude de la Fnege (Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises) de 2012 avait mis en évidence un manque d'enseignants-chercheurs en sciences de gestion – tendance confirmée depuis par notre observatoire des thèses puisque le nombre de thèses est passé de 365 en 2013 à 303 en 2015. Pierre-Louis Dubois [alors secrétaire général de la Fnege] a vu dans le doctorat par la VAE une occasion d'inverser la tendance.

En 2014, il a pris contact avec Bernard Dizambourg, alors président de la Comue Paris-Est, également intéressé par le sujet. Pendant deux ans, les deux partenaires ont planché sur une maquette de doctorat de gestion par la VAE un peu différente de ce qui existe actuellement, et celle-ci sera lancée à titre expérimental à l'automne.

Qu'y a-t-il de "différent" dans cette maquette ? 

Aujourd'hui, les candidats présentent leur dossier de VAE uniquement lorsqu'ils sont sûrs qu'il sera validé. C'est dommage, car cela réduit le nombre de bénéficiaires potentiels... Conscients que la procédure avait besoin d'être dynamisée, nous avons imaginé une formule qui permet d'accepter des dossiers partiellement validés et de les accompagner pendant deux ans en vue de l'obtention du doctorat.

Nous allons commencer avec une quinzaine de doctorants, encadrés par des professeurs HDR (habilités à diriger des recherches), issus notamment de Paris-Est. Dans un premier temps, cet effectif réduit permet de garantir le suivi individualisé des dossiers, indispensable à la réussite des doctorants. 

À moyen terme, nous aimerions étendre le dispositif à d'autres écoles doctorales.

En quoi consistera cet accompagnement ?

Nos doctorants bénéficieront de 140 heures de cours réparties sur deux ans. À savoir, en première année, un séminaire méthodologique tous les mois et demi environ et 24 heures de formation sous-disciplinaire (stratégie, finance, gestion des ressources humaines, etc.) individualisée assurée par le directeur de thèse. 

En deuxième année, deux séminaires de 12 heures et un suivi individualisé de 24 heures axés sur la publication. Cette organisation a été pensée pour laisser aux doctorants le temps de rédiger le mémoire de 120 pages indispensable à la validation de leur doctorat.

Avez-vous commencé à sélectionner les candidats ? Et si oui, quels sont les profils retenus ?

Nous avons organisé une première session de recrutement en juin, et une seconde suivra en septembre. Notre cible principale – les collègues déjà titulaires d'un doctorat d'une autre discipline – sont, comme on s'y attendait, bien représentés. 

À l'instar par exemple de ce docteur en sciences dures qui enseigne les systèmes d'information en école de commerce et a à son actif plusieurs copublications en sciences de gestion. Un doctorant comme celui-là possède déjà 80 % des compétences requises pour décrocher le titre !

Le doctorat par la VAE suscite les foudres d'une partie de la communauté. Comment votre initiative a-t-elle été reçue ?

Avec une certaine hostilité, mais on s'y attendait. L'autorisation de délivrer une licence ou un master par la VAE, a, en son temps provoqué les mêmes résistances. Mais on sait bien que c'est un faux procès fait à la VAE : la sélection existe bien, elle est encore plus exigeante qu'avec les étudiants en formation initiale. J'invite tous ceux qui en douteraient à venir assister aux auditions.

Cécile Peltier | Publié le