Sylvie Retailleau : "Les conditions de vie et d’égale réussite des étudiants sont pour moi une priorité"

Amélie Petitdemange, Dahvia Ouadia Publié le
Sylvie Retailleau : "Les conditions de vie et d’égale réussite des étudiants sont pour moi une priorité"
sylvie retailleau cloture pfue versailles // ©  Dahvia Ouadia/EducPros
EXCLUSIF - Pour la clôture de la présidence française de l’Union européenne, le ministère de l’Enseignement supérieur a organisé un colloque autour des campus universitaires européens. Sylvie Retailleau, nouvelle ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, revient pour EducPros, pour sa première interview donnée à la presse, sur les enjeux des alliances d’universités européennes. Elle évoque aussi ses chantiers en faveur des étudiants : réforme des bourses qui sera lancée prochainement, lutte contre la précarité, et amélioration de Parcoursup.

Avec la clôture de la PFUE, vous organisez le Campus des universités européennes, une journée de colloque avec l’ensemble des alliances universités européennes. Après la phase 1 de ces universités européennes, quelle stratégie va être mise en place pour les quatre ans à venir ?

Je me félicite d’avoir observé, aux côtés de Clément Beaune, un réel engouement pour les alliances européennes d’universités dès la phase 1 de leur lancement. Cinq années après que le président de la République a proposé leur création lors du discours de la Sorbonne, elles sont aujourd’hui au nombre de 41. Cela démontre une vraie appropriation par les établissements d’enseignement supérieur et les étudiants : on ne peut que s’en réjouir !

Pour l’avenir, il y a tout d’abord ce qui va continuer : en particulier la stratégie d’accompagnement sur les sujets de formation et de mobilité étudiante.

Nous allons voir dans le cadre de l’Union européenne comment créer ce qui ressemblerait à des diplômes européens.

Et puis il y a les évolutions. Après quatre années d’expérimentation, il y a aujourd’hui une forte demande de certaines alliances de permettre des études sur un terrain plus large (Erasmus Mundus) en continuant de partager une marque et une identité commune. Ceci, nous allons continuer à l’accompagner. Nous allons également voir dans le cadre de l’Union européenne comment créer ce qui ressemblerait à des diplômes européens, pour les alliances qui le veulent.

Selon moi, l’idée clef c’est de n’obliger quiconque à se conformer à un modèle ou à un système. Nous souhaitons au contraire laisser les établissements français et européens expérimenter, en leur donnant des grandes lignes, comme "favoriser la mobilité", mais sans imposer de cadre contraignant. Il s’agit donc pour nous d’accompagner différents modèles en leur laissant la liberté d’expérimenter en fonction de leurs projets.

Je prends un exemple : certaines alliances telles que celles montées par l’université de la Rochelle ou l’UTT sont plus petites et ont donc le souhait de développer une signature spécifique avec des universités européennes de même nature. Cela donne une identité à leur université européenne, avec une visibilité internationale réaliste. Ensuite, il y a d’autres universités européennes qui travaillent davantage sur la dimension réseau. Elles ne sont pas fondées sur des thématiques, mais plutôt sur des collaborations générales. C’est notamment le cas de celles qui incluent de grandes universités ayant déjà une forte visibilité à l’international.

Aujourd’hui, vous souhaitez aussi développer la dimension recherche dans les alliances européennes. Pourquoi ?

Cette dimension est importante car l’ADN de l’université c’est bien le triptyque "formation – recherche - innovation". Comme je l’ai dit, la phase 1 a été axée prioritairement sur les volets de formation et de mobilité étudiante. Certaines universités européennes ont bien sûr déjà développé le volet recherche, elles ont donc déjà engagé des projets forts. Mais je suis convaincue qu’à terme, si l’on veut stabiliser ces alliances, il faut que ces trois volets soient bien présents. Les recherches des universitaires peuvent ainsi favoriser la mobilité de leurs étudiants, les étudiants peuvent profiter des connaissances acquises en laboratoire. Il est vraiment important de développer, librement, ces axes de partage de savoir-faire, de développement de bonne pratiques, d’idées.

Pour développer des universités européennes "globales", il y a aujourd’hui plusieurs freins législatifs au niveau de l’Europe, notamment pour créer des diplômes communs, où en êtes-vous sur cette question ?

Un travail est en cours sur ce sujet. La première concrétisation, c’est un label européen pour les diplômes conjoints. Nous allons voir comment les universités se l’approprient. Il semble y avoir une vraie dynamique et une réflexion est en cours au niveau de l’Europe pour aller plus loin. Là encore, l’accompagnement sera essentiel.

Il est important de mener une réflexion à l’échelle européenne pour voir comment nous pouvons stabiliser, pérenniser et ancrer un financement plus intégré des universités européennes.

Quelles seront les perspectives de financement pour ces universités européennes ?

Dans la phase 2, un financement européen via Erasmus + est acquis. Pour autant, nous souhaitons acter un volet recherche et innovation et identifier des financements européens dans cette perspective. Il est important aussi de mener une réflexion à l’échelle européenne pour voir comment nous pouvons stabiliser, pérenniser et ancrer un financement plus intégré des universités européennes. C’est une question à se poser dès maintenant, pour qu’il y ait une perspective après la phase 2. Ce travail est en train d’être mené.

Alors que la question du pouvoir d’achat est au cœur de l’actualité, notamment concernant les plus jeunes, où en est la réforme des bourses promise par Emmanuel Macron ?

Les conditions de vie et d’égale réussite des étudiants sont pour moi une priorité comme j’ai pu le dire à toutes les organisations syndicales étudiantes que j’ai reçues. L’étudiant doit être remis au cœur de nos travaux.

A court terme, nos étudiants sont dans l’urgence et des mesures seront donc annoncées très bientôt pour leur pouvoir d’achat, comme l’a indiqué la Première ministre.

En ce qui concerne la réforme des bourses, nous y travaillons. Une concertation sera menée avec les acteurs, sans doute à l’automne.

En ce qui concerne la réforme des bourses, nous y travaillons. Le calendrier et la méthode seront annoncés prochainement et une concertation sera menée avec les acteurs, sans doute à l’automne. Bien sûr, la réforme des bourses se fera dans le temps long, nous en avons conscience. Nous ne voulons pas la mener à marche forcée, et nous devons prendre le temps de la concertation. C’est pour cela que nous voulons donner un calendrier clair.

Avez-vous l’assurance d’avoir un budget pour cette réforme des bourses ?

Partons du diagnostic, identifions les besoins dans le respect des contraintes budgétaires qui s’imposent à tous.

Nous sommes ambitieux pour les étudiants, et nous voulons répondre à leurs besoins, en particulier ceux des plus précaires. Ma priorité, c’est donc à la fois d’agir pour l’autonomie des étudiants et de lutter contre la précarisation, car ce n’est pas tout à fait la même chose. Nous verrons ensuite quels moyens il faut débloquer pour mener une réforme qui réponde au constat et aux attentes.

Lors de la campagne présidentielle, des candidats ont demandé la suppression de Parcoursup et côté Gouvernement, on a parlé d’une évolution de la plateforme. Qu’en est-il ?

La suppression de Parcoursup, c’est clairement non. Pourquoi supprimer une plateforme qui fonctionne et qui a apporté un système plus transparent et plus juste ? Et pour la remplacer par quoi ? En revanche des évolutions et des améliorations, oui. Je ne dis pas que le système ne peut pas être amélioré ! J’entends le stress des lycéens et des leurs parents, car il n’y a pas question plus difficile quand on a autour de 18 ans que le choix d’études.

Parcoursup n’est pas qu’un outil : c’est un processus et j’insiste, en lien avec le ministre de l’Education nationale, sur le caractère essentiel de l’accompagnement en amont des choix.

C’est pour ça que je parle d’amélioration et d’un accompagnement encore renforcé, notamment dans les lycées. Il faut toujours davantage d’informations sur les débouchés ! Parcoursup n’est pas qu’un outil : c’est un processus et j’insiste, en lien avec le ministre de l’Education nationale, sur le caractère essentiel de l’accompagnement en amont des choix, de la présentation des formations, et de l’appui, si important, des professeurs principaux, des aides téléphoniques…

Je veux également souligner que l’année prochaine, les épreuves de spécialités se tiendront de façon à pouvoir intégrer les notes dans le dossier Parcoursup. Nous pourrons intégrer une vision nationale dans les dossiers Parcoursup des futurs étudiants grâce aux résultats de ces épreuves. Cela améliorera la gestion et l’analyse des dossiers par les établissements. En résumé, nous devons continuer à améliorer le processus, en capitalisant sur la dynamique lancée il y a cinq ans et le travail qui a été effectué sur la plateforme depuis son lancement.

Réfléchissez-vous à un retour des classements des vœux dès le départ de la phase d'inscription ?

Non, ce n’est pas d’actualité. Le classement des vœux qui est mis en place après le terme de la phase principale le 15 juillet a pour but d’accélérer et fluidifier la phase complémentaire. Car quand les étudiants attendent jusqu’à fin août pour savoir où ils vont faire leurs études alors que la rentrée est en septembre, c’est une source de stress. Le but, c’est de faire en sorte que le plus grand nombre d’étudiants aient une réponse fin juillet.

L’année dernière, après la fin des commissions d’accès, il y avait 239 étudiants sans proposition sur les 931.000 candidats initiaux. Après la fermeture de Parcoursup, nous ne les laissons pas sur le carreau, mais pour faisons du cas par cas. D’où l’importance de mener au plus vite la finalisation de la phase complémentaire pour pouvoir ensuite chercher une solution individualisée avec les étudiants restants.

Amélie Petitdemange, Dahvia Ouadia | Publié le