Valérie Pécresse en exclusivité sur EducPros : "Je ne suis pas candidate à un autre poste"

Propos recueillis par Maëlle FLOT et Olivier ROLLOT Publié le
Valérie Pécresse en exclusivité sur EducPros : "Je ne suis pas candidate à un autre poste"
© Hervé Thouroude // © 
La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a reçu EducPros dans son bureau de la rue Descartes. Valérie Pécresse défend jusque dans les moindres détails les réformes en cours : restructuration des organismes de recherche, mise en place d'une évaluation indépendante et internationale, du plan Campus, etc. Alors que les rumeurs bruissent sur l'arrivée de Claude Allègre au ministère de la Recherche, elle réaffirme que la réforme des universités et celle de la recherche vont de pair. Dans une deuxième partie à paraître ultérieurement, la ministre expose les grands axes de son chantier sur la professionnalisation des formations universitaires et les dernières annonces concernant la vie étudiante.

De tout ce que vous avez accompli depuis votre entrée en fonction, de quoi êtes-vous la plus fière ?

De la loi Libertés et responsabilités des universités, évidemment. Parce que c’est une loi qui va changer et améliorer le paysage universitaire. Le texte doit lever toute une série de verrous qui empêchent les universités de s’épanouir et de prendre des initiatives. Or, dans une société de la connaissance où la compétition est aujourd’hui mondiale, il faut absolument que l’université française soit dans le peloton de tête.

La « résistance » à votre loi se fait toujours entendre dans quelques universités, comme à Nancy 2, mais aussi à l’UPMC, une grande université scientifique. Pensez-vous que des personnels mécontents puissent encore « vider » votre loi de son contenu ?

Le changement inspire toujours des craintes. C’est pourquoi les universités doivent être accompagnées. Nous nous efforçons en permanence de les rassurer. Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui du décret sur les comités de sélection, qui a suscité le plus de craintes. Ces comités vont permettre aux universités de recruter beaucoup plus rapidement. Et surtout de recruter les bonnes personnes au moment où le poste se libère et non pas dans un an au moment de la campagne de recrutement. Ce décret a recueilli une très large majorité en comité technique paritaire, car nous avons donné des garanties.

L’élection du président de Paris Sorbonne – Paris 4 se joue actuellement sur les voix des syndicats étudiants et des IATOS. N’est-ce pas ce genre de situation que votre loi voulait corriger ?

Je ne peux pas éviter qu’il y ait une compétition pour devenir président d’université. D’autant que dans le contexte d’autonomie, le président peut jouer un rôle moteur dans la définition de la stratégie de formation et de recherche. A Paris 4, ce qui se joue, c’est une lutte entre l’ancien et le nouveau président, qui aurait eu lieu y compris avant la loi.

Claude Allègre pourrait-il se voir confier le ministère de la Recherche, comme une rumeur le laisse entendre depuis le mois de janvier ?

Au président de la République de décider à qui il veut confier ce ministère. La réforme des universités n’est pas terminée. Je ne suis pas candidate à un autre poste car je pense qu’un ministre doit prendre la réforme du début jusqu’à la fin. Il est ainsi pleinement responsable de ce qu’il fait. Les deux réformes des universités et de la recherche vont d’ailleurs de pair. Moderniser un organisme de recherche, c’est aussi réfléchir à ses liens avec les universités.

C’est d’ailleurs une année importante pour la recherche puisque vous allez contractualiser avec l’INSERM, le CNRS et l’Agence nationale de la recherche.

Les maîtres mots de 2008 sont contractualisation, évaluation et simplification. 2008 est une année charnière car nous mettons en place tous les instruments nouveaux du pacte pour la recherche de 2006 et de la loi pour l’autonomie de 2007. Pour la contractualisation avec les organismes de recherche, je veux de vrais engagements mutuels, qui leur donnent une visibilité quant à leur mode de fonctionnement. Pour l’INSERM, la contractualisation s’inscrit dans un cadre de restructuration de la recherche biomédicale. Pour le CNRS, nous devons réfléchir à sa modernisation, avec la possibilité de regrouper un certain nombre d’activités au sein d’instituts. Il s’agit de savoir, pour chacune de ces activités, quels sont leurs besoins de fonctionnement, d’investissement mais aussi en matière de ressources humaines. La mission d’Aubert sur la simplification des UMR (unités mixtes de recherche) est en ce sens primordiale. Un des grands enjeux de l’année 2008 est la mise en place d’une vraie évaluation indépendante et internationale des universités et de la recherche.

L’AERES suscite déjà quelques craintes, notamment de la CTI (Commission des titres d’ingénieurs)...

Ce qui est neuf est toujours critiqué. Si jamais des ajustements sont à faire, nous les ferons. Mais je ne vois qu’une chose. Ce qui marche dans le monde maintenant, c’est un continuum université, recherche, monde économique. C’est une évaluation indépendante et internationale. Ceux qui critiquent l’AERES sont les mêmes à dénoncer des problèmes d’attribution de ressources. Or, la bonne façon d’attribuer des moyens, c’est à travers une évaluation indépendante. Comment voulez-vous le faire quand les UMR les plus prestigieuses fonctionnent avec cinq tutelles, c’est-à-dire avec cinq modes de gestion des ressources humaines, cinq systèmes comptables, et in fine pas de vision consolidée pour le ministère concernant les dépenses de ces laboratoires. Sans visibilité de gestion à deux ou trois ans, comment allouer un certain nombre de ressources sur un temps long en faisant confiance à des directeurs de laboratoires ?

Le plan Campus va-t-il contribuer, entre autre, à rapprocher les universités des organismes de recherche ? Des entreprises ?

Oui, car il se fera aussi en lien avec les pôles de compétitivité. Il faut tout faire pour qu’il y ait un continuum université, recherche, innovation. Une des grosses carences de notre économie porte sur la faible incorporation de l’innovation dans le tissu des PME. Il nous faut rapprocher les laboratoires de leurs partenaires naturels que sont les entreprises et favoriser leur création à partir des laboratoires. N’oublions pas que Google a été créé par des étudiants. Pour cela, il faut que les universités se sentent très libres. Le plan Campus part du terrain, de leurs initiatives. De même, je pense que les entreprises ont intérêt, y compris financièrement, à ce que la qualité de la formation universitaire soit meilleure. On m’a dit « les entreprises ne sont pas philanthropes. Pourquoi voulez-vous qu’elles investissent dans les formations universitaires ? ». Certes, mais elles y ont un intérêt notamment si on pense en terme de bassin d’emploi local. Ce n’est pas un hasard si Michelin est aujourd’hui au conseil d’administration de Clermont-Ferrand 1, ou si Sanofi Synthelabo vient à Paris 5. Ces entreprises ont intérêt à ce que ces formations soient d’excellente qualité.

L’opération Campus ne profitera qu’à quelques universités. Et les autres ?

Nous avions 5 milliards d’euros  à dépenser d’ici 2012,  pour l’immobilier sur crédits budgétaires. Les 5 milliards de crédits exceptionnels de l’opération  campus viennent en plus. Cette opération  va ainsi créer une dynamique qui va bénéficier à toutes les universités. Celles qui vont être sélectionnées vont pouvoir mener des projets plus ambitieux. Et en sortant de mon budget, elles libéreront des marges de manœuvre financières qui me permettront d’aider davantage les autres, pour des opérations de modernisation. L’opération Campus se situe dans une autre logique que celle de la simple rénovation et de la mise en sécurité. Il relève d’une ambition de niveau international, scientifique et pédagogique. Nous allons associer universités, écoles et centres de recherche grâce à des actions immobilières qui feront des campus vitrines de la France.

La France prendra en juillet prochain la présidence de l’Union européenne. Quels projets allez-vous porter dans ce cadre ?

Mon objectif, c’est la mobilité des étudiants mais aussi des enseignants et des chercheurs. Le gouvernement souhaite par ailleurs que les universités aient toute leur place dans le vaste chantier de la formation tout au long de la vie. Nous voulons également intéresser les petits pays à l’espace européen de la recherche autour d’une réflexion sur la débureaucratisation. La structuration de l’espace européen de recherche doit se faire autour du postulat suivant : la science au service de la société.

La France est, cette année encore, à la traîne dans le classement de Shanghai. Où en est le projet de palmarès des meilleures universités européennes ?

L’une des principales critiques vis à vis du système universitaire français est son caractère très morcelé. Les résultats du classement de Shanghai  plaident pour une politique de regroupement de nos forces dans le cadre des Pôles de recherche et d’Enseignement supérieur (PRES), où se retrouvent les universités et les écoles d’un territoire. Mais nous devons aussi dans le cadre de la mobilité des étudiants mettre en place un classement européen avec un label qualité. Les critères devraient être définis au mois de septembre.  Parmi eux pourraient figurer la qualité des formations, de la recherche, mais aussi des locaux ou encore de la qualité de vie sur les campus.

Propos recueillis par Maëlle FLOT et Olivier ROLLOT | Publié le