Valérie Pécresse : "il faut réfléchir, avec les régions, à la carte des formations professionnalisantes"

Propos recueillis par Virginie Bertereau et Olivier Rollot Publié le
Valérie Pécresse : "il faut réfléchir, avec les régions, à la carte des formations professionnalisantes"
© Hervé Thouroude // © 
La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche lancera dans les semaines qui viennent une vaste réflexion sur la carte des formations professionnalisantes. Dans ce second volet de notre entretien avec la ministre, Valérie Pécresse expose ses grands axes de travail sur l’orientation active, le plan « réussite en licence » et la professionnalisation. Elle s’interroge notamment sur les façons d’éviter l’hyperspécialisation de la première année universitaire et d’ouvrir davantage sur les champs de métiers.

Le plan « réussite en licence » devait entrer en vigueur en février 2008. Nous y sommes. Quelles vont être les conséquences pour les jeunes et les établissements ?
L’orientation active se met en place de manière résolue : près de 2/3 des lycéens se sont d’ores et déjà engagés dans une démarche d’orientation. Le site Internet d’inscription www.admission-postbac.org est déjà utilisé dans la moitié des académies. Grâce à ce site, les jeunes utilisateurs seront mieux informés sur leurs filières. Et les universités engagées dans le processus ont l’impression d’avoir elles-mêmes une meilleure information sur les lycéens qu’elles vont accueillir. Nous sommes sur la bonne voie… Par ailleurs, des contrats étudiants commencent à être signés. De nombreuses universités proposent notamment des missions de tutorat, qui est une partie intégrante du plan licence. Les étudiants ne doivent pas être laissés à eux-mêmes, il faut les accompagner dans leur choix d’études, d’orientation. Enfin, des réflexions sont lancées sur les maquettes de licence. On s’interroge sur les façons d’éviter l’hyperspécialisation de la première année et d’ouvrir davantage sur les champs de métiers.

Les réorientations prévues en première année de médecine font-elles partie du plan ?
Les études de médecine ont une place à part dans l’enseignement supérieur, mais il s’agit bien d’un volet du plan « réussite en licence ». Notre objectif reste de lutter contre l’échec à l’université en première année, toutes filières confondues. Or, en médecine, le taux moyen d’échec s’élève à 80%, contre 50% dans les autres disciplines. On ne pouvait donc pas mener ce plan sans parler également de PCEM1. Il faut lutter contre ce gâchis humain : en médecine, vous avez le choix entre le succès et… rien. Ce n’est plus possible. Il faut absolument construire des passerelles. La première année ne doit pas mener les jeunes dans des impasses, surtout au bout de deux ans d’études. J’ai reçu les propositions du rapport Bach. Ces passerelles doivent servir aux élèves qui se sont engagés sur la mauvaise voie mais aussi à ceux qui viennent d’autres filières – paramédicales, scientifiques voire littéraires – et souhaitent venir ou revenir en médecine. La communauté universitaire va réfléchir à ce sujet. Mais pour être en mesure de mettre en place les concours de juin 2009, il faudrait arriver à un accord assez rapidement…

Les bacheliers des filières générales prennent la plupart des places qui devraient normalement être destinées aux bacheliers technologiques. Qu’allez-vous faire pour remédier à cet état de fait ?
Un décret donnant accès de droit à tous les bacheliers technologiques ayant eu une mention bien ou très bien aux IUT va sortir. Cette mesure qui existait déjà pour les STS, mais pas pour les IUT, permet de mieux aiguiller ces jeunes vers des filières de réussite. Par ailleurs, un bonus de 5 millions d’euros sera distribué aux instituts en fonction des efforts qu’ils feront pour accueillir davantage ces bacheliers. Les IUT ont une formation particulièrement bien adaptée à leur profil. Ils doivent donc devenir une structure d’accueil prioritaire. Les crédits accordés permettront à développer l’encadrement nécessaire à la réussite des élèves qui ont un niveau inférieur.

C’est peut-être justement dans ces filières qu’il faudrait créer plus de places ?
Nous lancerons dans les semaines qui viennent une réflexion, avec les régions, sur la carte des formations professionnalisantes. Songez qu’il y a des places vacantes en IUT et en STS. Par ailleurs, il faut créer de nouvelles filières pour les métiers émergents. Je pense par exemple à celui de « psychométricien », c’est-à-dire kiné du cerveau, qu’on voit apparaître dans le cadre du plan Alzheimer. De même, le Grenelle de l’environnement a fait apparaître toute une série de professions nouvelles dans le développement durable. On pourrait également parler des services d’aide à la personne, du tourisme… Pour atteindre notre objectif de 50 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur, il est nécessaire de mobiliser aussi les formations professionnelles.

Avez-vous été déçue par l’allocation accordée aux stagiaires par le ministre du Travail ?
C’est un premier pas... Mais nous ne pouvons pas rémunérer de la même façon un jeune en CAP et un jeune en licence ou en master. Or ils ne sont pas dissociables aujourd’hui. Dans un premier temps, nous avons donc créé un décret « filet de sécurité » pour tous les stagiaires. Nous risquions, sinon, de tarir l’offre de stages pour les non bacheliers. La prochaine étape consiste à modifier la loi pour permettre de traiter différemment les cas en fonction du niveau de qualification des jeunes. Mais surtout notre défi reste de trouver des dizaines de milliers de stages supplémentaires… Je vais aller voir les chefs d’entreprise un par un pour les intéresser à l’avenir de l’université. Il ne s’agit pas de toucher aux diplômes nationaux mais de récupérer davantage d’offres de stages et de travailler sur l’insertion professionnelle, une question plus cruciale qu’on ne le croit.

Propos recueillis par Virginie Bertereau et Olivier Rollot | Publié le