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Vincenzo Esposito-Vinzi : "La révolution responsable est en marche à l'Essec"

Agnès Millet Publié le
Vincenzo Esposito-Vinzi : "La révolution responsable est en marche à l'Essec"
A Cergy, le nouveau campus de l'Essec "sera plus grand mais consommera 25% d'énergie en moins. Des panneaux solaires sont prévus, nous repensons le tri des déchets [...]", annonce Vincenzo Esposito-Vinzi, directeur général. // ©  Mathilde MAZARS/REA
L'Essec place les préoccupations environnementales dans ses priorités depuis quelques années. Un pilier stratégique qui s'exprime au travers des dimensions pédagogiques et organisationnelles. Mais où il faut encore avancer, avec l'ensemble de l'écosystème, selon Vincenzo Esposito-Vinzi, directeur général de l'école de commerce.

Il y a deux ans, l'Essec annonçait faire de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) l'un des axes centraux de l'école. Quelles sont les actions réalisées ?

J'ai coutume de dire que "la révolution responsable est en marche à l'Essec". Depuis 2020, la démarche RSE "Together" de notre stratégie Rise vise plusieurs objectifs dont le fait de former la totalité des étudiants à ces enjeux, via 20 heures consacrées à la RSE, 20 heures sur la transition environnementale et 20 heures sur l’inclusion et la diversité.

Vincenzo Vinzi ESSEC
Vincenzo Vinzi ESSEC © ESSEC BS

L'Essec revoit l'ensemble de ses cours pour éviter le risque de déconnecter les disciplines fondamentales de ces sujets. À cela s'ajoutent des séminaires thématiques. Enfin, nous lançons des programmes spécialisés, comme le bachelor ACT avec CY Cergy Paris Université et notre MSc in "Sustainability transformation".

Est-ce une demande exprimée par vos étudiants ?

Certains disposent déjà d'une forte sensibilité, d'autres s'ouvrent à ces sujets grâce à notre travail. C'est notre rôle de sensibiliser les élèves durant les quelques années qu'ils passent chez nous. Nous devons les faire évoluer.

Il est d'autant plus important que l'école assume sa mission de pédagogie que ces sujets peuvent être très techniques : une formation solide est indispensable.

Nous assumons cette mission via trois leviers : nos cours mais aussi une pédagogie par l'exemple, grâce aux actions mises en place dans notre organisation. Enfin, nous favorisons l'implication des élèves dans la prise de décisions, au sein de notre comité de concertation.

Est-ce que les employeurs vous poussent en matière de RSE ?

Absolument. Un exemple : nos six dernières chaires d'entreprise concernent des sujets de cette nature. La dernière en date, "Shaping the future of finance", porte sur les questions de finance verte.

La recherche produite par nos professeurs est l'autre pilier de notre activité, et donc, de notre ambition RSE. Leurs travaux soutiennent nos efforts dans nos trois autres dimensions : la formation, l'accompagnement des entreprises et notre fonctionnement en tant qu'organisation.

Comment accompagnez-vous les professeurs dans ces mutations ?

Ils sont au cœur du dispositif, puisqu'ils sont impliqués dans leurs enseignements et dans la production de savoirs. Pour réussir l'évolution de nos enseignements, il faut que l'approche soit multidisciplinaire.

Nous avons créé les conditions pour que nos professeurs, très experts, se parlent, en lançant une guilde d'une cinquantaine d'enseignants sur les enjeux de "sustainibility", il y a deux ans. Un succès, puisque des articles de recherche très experts et techniques ont été produits mais aussi des publications très ouvertes et transversales.

Vous traitez ces sujets au niveau du fonctionnement de l'école ?

Oui, l'Essec en tant qu'institution doit aussi agir. Nous avons calculé notre empreinte carbone, ce qui nous a appris que 64% de nos émissions de CO2 résultent des déplacements des étudiants. Nous allons diminuer de 25% ces émissions d'ici 2025, en agissant sur la fréquence des déplacements, les destinations et les moyens de transport choisis.

Nous allons diminuer de 25% ces émissions d'ici 2025, en agissant sur la fréquence des déplacements, les destinations et les moyens de transport choisis.

Nous soutiendrons leurs efforts par le biais d'un "chèque mobilité durable" de 100 euros par an et par élève, utilisable pour les stages ou les échanges, lorsqu'ils font le choix du train plutôt que de l'avion. Et les destinations en train seront privilégiées pour les voyages d'études de l'école.

D'ailleurs, l'Essec est implantée également au Maroc et à Singapour. Peut-on concilier sobriété de la mobilité tout en gardant l'unité de l'école ?

Oui, c'est à nous de rendre compatible notre dimension multi-campus et notre ambition RSE. La décision "facile" serait d'arrêter tout voyage : les émissions baisseraient très vite. Mais rappelons que la paix est l'un des 17 objectifs de développement durable de l'ONU et je ne vois pas comment la construire sans une approche multiculturelle.

Reste à faire en sorte que chaque voyage soit réfléchi. Cela nous demande davantage d'efforts pour réorganiser l'expérience internationale.

Quelle est votre priorité ? S'agit-il de progresser d'abord sur la pédagogie et la recherche ou sur votre organisation et son impact ?

Il faut traiter tous ces aspects. L'Essec s'engage fortement dans les domaines environnementaux et sociaux — j'insiste sur le fait que les deux vont de pair. C'est un engagement de toute la communauté qui implique les dimensions financières et organisationnelles. Il faut que tous nos services puissent s'adapter pour que notre politique soit efficace.

Cette ambition doit être prégnante dans nos instances stratégiques et être prise en compte dans toutes nos démarches. En amont de chaque projet, une évaluation de l'impact est menée.

Les domaines environnementaux et sociaux vont de pair.

Par exemple, les travaux à Cergy se terminent d'ici quelques mois. Ces questions d'impact nous ont amenés à revoir la conception de notre campus. Il sera plus grand mais consommera 25% d'énergie en moins. Des panneaux solaires sont prévus, nous repensons le tri des déchets et la gestion du chauffage, de la lumière... Il faut aborder le sujet de façon systémique.

Avez-vous atteint vos objectifs en ce qui concerne le développement durable et l'inclusion ?

Nos investissements sont reconnus, dans les classements par exemple. Nous avons aussi lancé la démarche de labellisation DD&RS. Ces outils nous permettent de nous situer. Mais on découvre, chaque jour, des nouveaux moyens d'action. La liste de nos projets à lancer dépasse de loin celle des projets réalisés !

Nous avons conçu la Fresque de la diversité, un outil de sensibilisation. Des écoles et des entreprises nous sollicitent pour que nous leur la partagions … Comme nous avons pu bénéficier de la Fresque du climat et d'autres idées.

Dans ce domaine, il n'y a pas de leçons à donner, mais des expériences à échanger. Nous devons avancer ensemble. Il ne faut pas de compétition sur ces sujets.

Pour certains observateurs, les écoles de management sont plus en pointe que les écoles d'ingénieurs sur ces deux thématiques. Comment expliquer cette avance ?

Il est important de ne pas se limiter à un traitement technique de ces sujets. Même si beaucoup de questions se placent à un niveau scientifique, les écoles de management ont leur rôle à jouer.

Dans les entreprises, les managers s'appuieront sur les solutions techniques des ingénieurs mais il y a aussi les questions comportementales, celles de l'évolution des modèles économiques des entreprises, etc. La technologie ne peut pas tout résoudre. Les futurs managers doivent être formés, dans une approche multidisciplinaire.

N'existe-il pas aussi une tentation de communiquer sur ces questions pour l'image de marque ?

Pour voir si une organisation se contente de greenwashing, il suffit d'analyser ses actions, au-delà des discours. Il faut qu'une ambition soit suivie par des actions très concrètes, et c'est d'ailleurs tout ce que je viens de vous partager.

Si l'on compare aux engagements annoncés par l'école en 2020, on peut voir tout ce que l'on a déjà réalisé. Et il apparaît que l'Essec n'est pas dans une approche greenwashing. Nous sommes au milieu du gué, il ne faut pas s'arrêter là. Ces sujets demandent un engagement dans le long terme. Il faut être déterminé mais surtout, il faut être humble.

Agnès Millet | Publié le