Avec l'économie collaborative et l'économie du partage, le capitalisme est en train de connaître une mutation profonde. Plus que jamais, on entreprend, on expérimente, on bricole ensemble, on coproduit, on co-créé de la valeur pour le plus grand nombre, alimentant par-là même de nouvelles pratiques de travail.
Comment nos universités vivent-elles ce retournement ? Deviennent-elles plus collaboratives et ancrées dans le "faire" ? Faut-il les faire entrer de plain-pied dans ce "nouveau" monde ? À la fin du clivage entre producteurs et clients, salariés et entrepreneurs, faut-il également ajouter celui entre "sachant" et "apprenant" ?
Les universités : des communautés collaboratives très anciennes
Pour commencer, j'aimerais rappeler que le fonctionnement en communautés, l'horizontalité (évaluation par les "pairs") et la préoccupation pour le développement d'un savoir "bien commun" font partie de l'histoire et de la culture du monde universitaire. Il ne faut d'ailleurs pas oublier qu'une partie des acteurs et des pratiques du "nouveau" monde collaboratif ont été façonnées dans la culture voire dans les murs de l'université (cf. notamment l'histoire des fablabs).
Mais en quoi les techniques et les valeurs contemporaines du collaboratif, du partage et du faire peuvent-elles ou doivent-elles être des sources d'inspiration et de régénération ? Faut-il inciter les académiques (et leurs étudiants) à devenir des "makers" ?
La réponse que j'aimerais apporter sera positive, et même très positive. Le faire et plus largement, la culture du collaboratif doivent trouver une place plus grande dans nos universités, notamment dans les filières de management et d'économie.
Les évolutions actuelles du monde du travail supposent incontestablement des managers plus entrepreneurs et makers que jamais. Cependant, il est primordial de cultiver conjointement au "faire" une culture de la concentration et de la vigilance qui est d'ailleurs une composante possible de la culture maker.
Il est primordial de cultiver conjointement au "faire" une culture de la concentration et de la vigilance qui est d'ailleurs une composante possible de la culture maker.
De la nécessité d'une plus grande culture du "faire" à l'université
Oui, la culture du "faire" ensemble et ses traductions contemporaines sous forme d'ateliers de cocréation, de codesign, de démarches liées au design thinking, doivent plus que jamais avoir leur place dans nos universités. Pas seulement (point essentiel) parce qu'elles collent à des tendances économiques fortes : DIY, do-ocracy, entrepreneuriat collaboratif, processus d'innovations ouvertes, pratiques de travail plus créatives, relance de nos économies par les initiatives locales...
Mais aussi parce qu'elles contribuent à façonner des collectifs d'entraide, des apprentissages horizontaux et des réflexes de vie et de travail en communauté. Ces communautés, du moment qu'elles préservent des mécanismes transparents d'échanges et de discussion, sont des points de régulation essentiels du capitalisme et de ses nécessaires transgressions.
Avec les Mooc et les serious games, le numérique introduit des possibilités d'apprentissages collectifs dépassant l'espace et le temps habituels de l'université.
Par ailleurs, le "faire" permet des pédagogies plus continues et horizontales. On apprend en permanence ensemble, dans tous les espaces de l'université. Chaque couloir, cafétéria, bureau, parking ou cour intérieure, peut être repensé par ses gestionnaires et ses occupants comme un espace de partage et d'expérimentation.
Des espaces connexes comme les résidences étudiantes sont de plus en plus intégrés dans le mouvement. Avec les Mooc et les serious games, le numérique introduit également des possibilités d'apprentissages collectifs qui dépassent l'espace et le temps habituels de l'université.
Ainsi, développer des opportunités d'innovation et d'entrepreneuriat sur le campus (des fablabs, des espaces de coworking, des maker spaces, des learning hubs, des hackathons, des labs éphémères, du place-making...) permet incontestablement d'ouvrir et de régénérer les pratiques de l'université.
L'effet sera d'autant plus fort si les nouveaux lieux et les événements dépassent la communauté locale d'enseignants et d'étudiants pour s'ouvrir à la ville, ses citoyens, ses entrepreneurs, ses innovateurs, ses chômeurs, des retraités, des handicapés, ses exclus... Le plus des précieux des savoirs restera toujours celui qui relie et inclue.