L'État aurait eu tout intérêt à accompagner la croissance de l'enseignement supérieur privé plutôt que de tenter de l'entraver, comme il l'a fait en 2013 par une série de dispositions qui relèvent du "combat d'arrière-garde". Telle est la conclusion du rapport que vient de consacrer à ce sujet l'Inspection générale de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche (IGAENR), qu'on ne saurait pourtant soupçonner d'être un fourrier de la privatisation.
Pour mémoire – mais ces données sont-elles si connues ? –, le privé attire aujourd'hui 18% des étudiants, contre 13% en 2001. Soit une croissance de 50% en quinze ans, tandis que le public n'a vu ses effectifs augmenter que de 4% – encore cette hausse est-elle concentrée sur trois filières universitaires : médecine, droit et sciences politiques. Principales bénéficiaires de cette augmentation spectaculaire : les écoles de commerce (+ 85% !) et les universités catholiques (+ 43%).
Pour le dire plus brutalement que ne le font les rapporteurs, les jeunes et les familles plébiscitent les filières sélectives, qu'elles soient gratuites ou payantes (dans la même période, la pression sur les BTS, les DUT ou les classes préparatoires ne s'est en effet pas relâchée).
Fallait-il renforcer le dispositif législatif ?
Or l'hypothèse de travail du gouvernement, en 2012, était tout autre : l'opinion dominante dans les couloirs du ministère de l'Enseignement supérieur était en effet que le privé gagnait des parts de marché car certains établissements, matois voire malhonnêtes, se prévalaient indûment d'avoir reçu l'imprimatur de l'Etat. Ce dernier permet en effet aux établissements d'afficher toute une gamme de labels, aussi vaste qu'illisible pour le grand public : "reconnaissance de l'établissement", "visa du diplôme", "certification du titre"...
Dès lors qu'un établissement jouit d'une de ces reconnaissances, la tentation est grande de la survaloriser, et l'on constate bien que certaines écoles mettent outrageusement en avant ces labels, quand bien même ils ne concernent qu'une minorité des formations proposées, afin que l'ensemble de l'établissement bénéficie de leur aura protectrice.
Ce halo produit-il une confusion dans le grand public ? Oui : la médiatrice de l'Enseignement supérieur est régulièrement saisie de tels cas et la direction de la répression des fraudes relève chaque année des infractions – l'une des plus répandues consistant à jongler avec le mot "Master" (un Master est reconnu, un mastère ne l'est pas, un Master spécialisé l'est, mais par la Conférence des grandes écoles, un Master international, non, etc.). Fallait-il pour autant renforcer le dispositif législatif ? Aucunement, selon l'Inspection, pour qui le cadre précédent suffisait.