Investir dans l’éducation sans grever les budgets publics

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Investir dans l’éducation sans grever les budgets publics
Trois ingénieurs français, Rudy Rigot (à gauche), Sylvain Kalache (au centre) et Julien Barbier (à droite), ont créé la Holberton School à San Francisco // ©  JG
Sur le site de "The Conversation France", Thierry Weil, professeur au centre d'économie industrielle de Mines ParisTech-PSL, s'appuie sur l'exemple de la Holberton School et son modèle économique original pour en tirer de nouvelles pistes de financement de l'enseignement supérieur en France.

Créée il y a quelques mois par trois Frenchies au cœur du district financier de San Francisco, la Holberton School est une expérience intéressante à plus d'un titre. La pédagogie est inspirée de celle des écoles françaises, l'École 42 de Xavier Niel (qui à ma connaissance n'est pas actionnaire à titre personnel de "The Conversation" ni de La Fabrique de l'industrie) ou Epitech.

Privilégier les attitudes coopératives

La sélection repose en grande partie sur la capacité de progrès et surtout le sens de la coopération des candidats : on leur propose des défis et on observe la manière dont ils font usage des forums d'entraide et de discussion mis à leur disposition, qu'il s'agisse de s'appuyer sur la communauté ou d'apporter de l'aide à ceux qui en ont besoin. Cette sélection traite les candidats à l'aveugle (sans indication de leur nom ou d'autres caractéristiques), avec un résultat notable : les femmes représentent 20% des candidats et 40% des reçus.

Un modèle économique original

Le modèle économique de l'école est particulièrement intéressant. Les deux années d'études y sont gratuites, ce qui est exceptionnel aux États-Unis, mais les heureux élus s'engagent à reverser 17% de leur salaire des trois premières années à l'École (soit en tout l'équivalent de six mois de salaire). On peut supposer que l'étudiant qui a bénéficié de la formation peut obtenir un salaire supérieur d'au moins 20% à ce à quoi il pouvait prétendre avant celle-ci, de sorte que son investissement financier se limite aux 18 mois passés sans salaire (le cycle de deux ans inclut à mi-parcours une période de stage rémunéré de six mois).

L'école est-elle viable avec cette rémunération ? C'est apparemment ce que pensent les investisseurs privés qui ont apporté le capital nécessaire à son ouverture, dont certains sont des venture-capitalistes de la ville, obligés de procurer un bon rendement aux souscripteurs de leur fonds. C'est aussi ce que pensent plusieurs enseignants, dont certains gourous technologiques de la Silicon Valley, qui interviennent bénévolement mais sont actionnaires de l'école.

Le financement par l'impôt de l'enseignement est donc antiredistributif, puisque les classes les plus favorisées profitent le plus de la gratuité des études.

Une piste pour la France ?

La France est un des pays les plus inégalitaires sur le plan de l'éducation : un enfant d'enseignant à dix fois plus de chances de faire des études supérieures qu'un enfant de chômeur. Le financement par l'impôt de l'enseignement est donc antiredistributif, puisque les classes les plus favorisées profitent le plus de la gratuité des études.

Au sommet du système, les filières sélectives, malgré leurs efforts pour recruter sur les seuls mérites, concentrent les enfants favorisés beaucoup mieux préparés que les autres à leur concours d'entrée.

Remettre en cause la quasi-gratuité des études supérieures serait sans doute contre-productif. On pourrait cependant imaginer un dispositif de remboursement a posteriori de la différence de coût des filières sélectives, voire des études au-delà de la licence par ceux qui en bénéficient.

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