Investir dans les projets pédagogiques

Publié le
La France investit-elle suffisamment dans l'éducation ? Le débat fait rage entre gauche et droite. Reste un domaine absent des discussions qui peut pourtant jouer un rôle déterminant dans la dynamique d'une classe ou d'un établissement : les crédits pédagogiques. La chronique d'Emmanuel Davidenkoff, directeur de la rédaction de l'Etudiant.

La France dépense autant pour payer ses dettes que pour préparer l'avenir : le budget 2015 annonce en effet 47,4 milliards d'euros de dépenses pour l'éducation (65.02 milliards, si l'on inclut les pensions versées aux personnels retraités) soit à quelques centaines de millions près – mais à ce niveau, ne lésinons pas – le montant de l'intérêt de la dette. Ce qu'un esprit chagrin pourrait reformuler en ces termes : nous investissons pour notre jeunesse la somme qu'elle aura à rembourser devenue adulte (si tant est que ce ratio demeure stable, ce qui n'est même pas garanti).

Est-ce suffisant ? Non, si l'on considère qu'un euro investit produit mécaniquement des effets positifs sur le système. Sachant que 95% du budget est consacré aux traitements des personnels, cela revient à penser qu'augmenter le nombre d'enseignants est une démarche forcément vertueuse. Oui si l'on estime que le problème tient moins, aujourd'hui, aux taux d'encadrement qu'à la formation initiale et continue des enseignants ainsi qu'à l'organisation du travail. Plus on regarde à gauche sur l'échiquier politique, plus la première hypothèse prévaut, au point que François Hollande en a fait l'alpha et l'oméga de son programme éducatif pendant la campagne présidentielle en promettant de créer 60.000 postes. La droite, elle, préfèrerait payer mieux des enseignants moins nombreux et, surtout, les voir travailler autrement, par exemple en annualisant leur temps de travail. Sans qu'aucun des deux camps ne puisse prouver par avance que sa méthode sera plus efficace – même les comparaisons internationales de l'OCDE ne tranchent pas, sauf sur la question de la formation des enseignants, dont elles martèlent qu'elles sont le secret de la réussite.

Les projets pédagogiques recèlentde formidables vertus en matière d'accès à la culture. [...] Ils peuvent aider à cristalliser les énergies en fédérant enseignants et élèves autour de projets communs.

Reste une question étrangement absente des débats : celle des crédits pédagogiques, dont le montant demeure absolument dérisoire (une petite partie des 5% restants). Il existe bien sûr des moyens de financer des actions pédagogiques en dehors des modestes crédits alloués par l'Etat, mais cela exige, à chaque fois, de remettre l'ouvrage sur le métier en soumettant des projets aux bailleurs de fonds potentiels – collectivités, fondations, etc. Au risque, souvent vérifié, de creuser les inégalités entre établissements : les enseignants n'étant ni formés ni incités à monter des projets, seuls les plus motivés ou ceux qui font partie d'équipes soudées et dynamiques s'y emploient.

Tous les enseignants ou chefs d'établissements qui tentent de monter un spectacle, un voyage scolaire, une expo ou une sortie, le savent : il faut batailler ferme pour grignoter quelques centaines d'euros. Or ces projets peuvent jouer un rôle déterminant dans la dynamique d'une classe ou d'un établissement. Ils recèlent également de formidables vertus en matière d'accès à la culture, dimension fondamentale si l'on souhaite que l'école tente de compenser les inégalités sociales en ce domaine. Mieux : ils peuvent aider à cristalliser les énergies en fédérant enseignants et élèves autour de projets communs. Ils sont, au même titre que l'enseignement stricto sensu, un formidable investissement éducatif.

| Publié le