Mooc, Spoc et campus en ligne : pour un autre débat

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Mooc, Spoc et campus en ligne : pour un autre débat
Pour Sylvie Blanco, "le 100 % en ligne sera partie intégrante de l'éducation à horizon de 3 à 5 ans". // ©  J. Gourdon
Sur "The Conversation France", Sylvie Blanco, professeure de management de la technologie et de l'innovation et directrice du campus GEM BIS à Grenoble École de management, se penche sur l'enseignement 100 % en ligne et plaide pour une expérimentation à petite échelle de cette voie de transformation de l'éducation.

Après le tsunami Mooc en 2012, est maintenant venu le temps de la désillusion au sens du Hype Cycle de Gartner. Le désintéressement de la presse, l'abandon de la solution par certains acteurs clés de la formation jouent aujourd'hui en faveur des détracteurs de l'enseignement digital, en particulier contre le "massivement ouvert".

Quel est le vrai débat ?

Les débats entre promoteurs et réfractaires sont vifs, les uns avançant que les institutions n'ont pas d'autres choix de compétitivité et les autres arguant que rien ne remplacera le présentiel, le risque étant de perdre définitivement les étudiants. Pour autant, pour ou contre l'enseignement 100 % en ligne, qu'il s'agisse de Mooc, de Spoc ou de campus numérique, là n'est pas la "bonne" question !

L'enseignement en ligne est déjà partie intégrante de la plupart des formations, dans des approches mixtes. À la lecture des dynamiques technologiques et industrielles, le 100 % en ligne sera partie intégrante de l'éducation à horizon de 3 à 5 ans.

En théorie, les voies de transformation sont connues : l'extension des cibles pour toucher des clients adjacents en leur rendant les offres accessibles ; le rajeunissement continu des activités pour suivre l'évolution du monde, les tendances sociétales comme la mobilité, les réseaux sociaux ; la réinvention ou la création de nouveaux marchés, souvent considérés par les acteurs établis comme anecdotiques, jusqu'à ce que rupture se profile.

Au final, une stabilisation s'opère autour de nouveaux standards, normes et réglementations sous l'effet de ceux qui ont su capitaliser sur l'expérience et exercer un pouvoir d'influence.

L'enseignement en ligne est déjà partie intégrante de la plupart des formations, dans des approches mixtes.

Une dynamique installée

Dans les faits, le monde de l'éducation n'échappe pas à ces dynamiques. Dès les années 2000, se multiplient les initiatives digitales avec en tête, l'OpenCourseWare du MIT. S'ensuit en 2008, l'apparition du terme Mooc et d'un produit de référence : des vidéos courtes, des articles, des quiz, des forums, une ouverture gratuite à tous sous réserve d'un accès Internet.

En 2012, c'est le tsunami : face au succès de Coursera, un mouvement massif des acteurs de l'éducation soucieux de ne pas "rater" un virage majeur accompagnés de nouveaux entrants de type start-up de l'éducation naît. En effet, la promesse et les premiers bénéfices visibles sont irrésistibles pour la plupart des parties prenantes.

C'est une image unique d'ouverture et de partage social avec ceux qui n'ont pas accès à l'éducation. C'est un outil de recrutement de talents internationaux sans pareil. C'est un levier de visibilité voire de productivité pour les enseignants qui peuvent ainsi dégager du temps pour leurs activités de publications et de ressourcement. C'est un gain de flexibilité majeur pour les apprenants qui de surcroît, peuvent personnaliser leur apprentissage. C'est un démonstrateur de la valeur du "social learning".

Dépasser deux écueils : le coût et l'abandonnisme

Toutefois, la multiplication des actions de digitalisation à grande échelle met rapidement en exergue deux écueils majeurs : le business model insoutenable pour les institutions ; le taux d'abandon extrêmement élevé des Mooc. Viendront ensuite des inquiétudes allant jusqu'à la liberté d'expression et les possibilités de manipulation massive de communautés d'apprenants ou d'utilisation de leurs données privées.

Des alternatives comme les Spoc payants ou les campus en ligne plus communautaires sont lancées pour pallier ces limites, sans toutefois convaincre jusqu'ici. L'enseignement totalement digitalisé fait face aux effets induits, conséquences inattendues des transformations technologiques.

Mais ceci ne signifie pas qu'un retour en arrière, c'est-à-dire un arrêt du 100 % en ligne, est annoncé. Les actions passées ont permis de goûter à des bénéfices possibles que nombre de parties prenantes ne sont pas prêtes d'abandonner.

Les actions passées ont permis de goûter à des bénéfices possibles que nombre de parties prenantes ne sont pas prêtes d'abandonner.

Comme les autres industries, le secteur de l'éducation absorbera le 100 % en ligne et verra naître des design dominants de formation accréditées et profitables. Toutefois, le secteur présente des caractéristiques intrinsèques susceptibles d'impacter fortement le rythme et la nature de ces transformations futures : une taille et une croissance économique peu attractive pour les développeurs de technologies relativement aux autres industries ce qui réduit leurs efforts et la qualité de leurs solutions ; le niveau de connaissances et la sensibilité sociétale pour ne pas dire la responsabilité sociale propre au monde de l'enseignement qui, plus qu'ailleurs, démontre une sensibilité aux valeurs sociétales, au-delà des profits.

Dès lors, comprendre l'avenir des solutions d'apprentissage digitales nécessite de porter une attention particulière aux expériences passées et aux efforts d'expérimentation actuels. Jouer un rôle d'influenceur dans cette dynamique suppose d'investir dans des expérimentations permettant d'apprendre et d'acquérir les atouts et les capacités indispensables à un déploiement à grande échelle durable et profitable du 100 % en ligne.

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