"Open access" pour les revues scientifiques : il faut plusieurs modèles

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"Open access" pour les revues scientifiques : il faut plusieurs modèles
"Gold open access", "green open access" ou partenariat public-privé de publication : le modèle économique des revues scientifiques en open access reste à trouver. // © 
Sur le site de "The Conversation France", François Robinet, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, s'intéresse au projet de loi numérique soutenu par le gouvernement sur le libre accès aux publications numériques et aux conséquences des différents modèles économiques existants.

Depuis quelques années, la révolution numérique – et la gratuité de l'accès à un certain nombre de services qui l'accompagne – a modifié nos habitudes, nos pratiques et nos représentations dans des domaines aussi variés que le journalisme, le monde de la musique ou l'édition.

Sous l'influence de l'Union européenne (Directive de l'UE du 17 juillet 2012), le gouvernement français soutient un projet de loi numérique prévoyant le libre accès ("open access") aux publications scientifiques (voir l'article 9).

Cette proposition a été soutenue par un certain nombre d'acteurs qui souhaitent voir se généraliser l'open access pour tout ou partie des contenus scientifiques. Leurs arguments portent à la fois sur le fait qu'une recherche sur fonds publics doit être rendue accessible à tous gratuitement et que cette accessibilité constituerait un atout pour la visibilité de la recherche française.

Pour certains d'entre eux, l'article 9 ne va d'ailleurs pas assez loin et la gratuité des articles scientifiques devrait être immédiate sans "embargo". (Ce terme à connotation négative est utilisé pour désigner le délai permettant d'accéder librement et gratuitement aux articles de revues scientifiques sur certaines plateformes de diffusion comme Cairn.)

A priori séduisante, cette proposition pose cependant de nombreux problèmes, notamment la question de la prise en charge des coûts de production d'une revue dans le cas où la gratuité serait proposée de manière immédiate à l'ensemble des lecteurs.

Open access ou formatage ?

Aux États-Unis et dans les sciences dites "dures", le passage à l'open access s'accompagne souvent de la diffusion du modèle de l'"auteur-payeur" ("voix gold" ou "gold open access") : dans ce modèle, les laboratoires des chercheurs souhaitant publier doivent payer une sorte de dîme pour que l'article entre dans le circuit des expertises.

Il s'agit d'un modèle qui se développe et pourrait devenir dominant à court terme d'autant qu'il est porté par quelques gros éditeurs étrangers et ce en dépit des inégalités qu'il ne manquerait pas de produire entre les chercheurs, laboratoires et projets bien dotés et d'autres plus fragiles financièrement.

Le modèle "auteur-payeur" pose en outre une question morale : est-ce au chercheur qui obtient des résultats de payer pour pouvoir rendre son travail accessible ?

Il pose en outre une question morale : est-ce au chercheur qui obtient des résultats de payer pour pouvoir rendre son travail accessible ? Le passage à l'open access peut aussi s'effectuer par la voix dite "green open access" : les auteurs déposent alors eux-mêmes une copie de leurs articles sur une archive ouverte ; l'accès libre est alors partiellement ou totalement financé par la puissance publique.

Pourquoi vouloir à tout prix uniformiser par la loi le destin de plusieurs centaines de revues scientifiques ? Cette suppression du délai d'accès au nom du "tout gratuit" risquerait en effet de mettre en péril l'émergence d'une troisième voie constituée de revues qui cherchent depuis quelques années, dans un partenariat public-privé, à définir un modèle économique en partie fondé sur les ventes en ligne – modèle qui possède l'avantage de ne pas être trop dépendant des subventions publiques dans un contexte où celles-ci sont en forte réduction.

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