Pourquoi le secteur des formations à la gestion est-il absent du débat de l'élection présidentielle ?

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Pourquoi le secteur des formations à la gestion est-il absent du débat de l'élection présidentielle ?
Jean-Pierre Nioche veut faire entendre la voix des écoles et formations en management. // ©  IAE de Paris 1 – Panthéon-Sorbonne
Jean-Pierre Nioche, professeur émérite à HEC, plaide pour une structure représentative de l'ensemble du secteur des formations à la gestion, afin de contribuer à son rayonnement et à son développement et de peser dans les débats du prochain quinquennat.

L'enseignement supérieur n'est, hélas, pas une priorité dans la campagne présidentielle. Ce n'est pas du fait de ses responsables, qui se mobilisent pour faire entendre leurs voix et poser des jalons pour l'avenir. La CPU (Conférence des présidents d'université) et la CGE (Conférence des grandes écoles) ont publié leurs attentes et leurs propositions et les promeuvent auprès des candidats. Représentant l'un deux grands secteurs à cheval sur ces deux systèmes, la Cdefi (Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs) a fait de même.

Rien de tel du côté des EFMA (écoles et formations de management), l'autre grand secteur mixte. Ceci est d'autant plus surprenant qu'il est le premier en effectifs dans l'enseignement supérieur français et un champion dans les classements internationaux, ce que peu de gens savent. À vrai dire, ce constat n'est qu'un symptôme révélateur d'un mal plus profond.

Malgré sa montée en puissance dans les dernières décennies, ce secteur est resté un nain dans le jeu institutionnel. En particulier parce qu'il n'a pas su se doter d'une instance de représentation incontestable, parlant d'une seule voix aux parties prenantes nationales et internationales.

La faiblesse des formations au management dans le jeu institutionnel

L'atonie des EFMA est manifeste face aux évolutions du cadre juridique de leur activité. Le ministère a ainsi négocié avec des lobbys particuliers deux nouveaux statuts pour ces établissements, qui en comptaient déjà une dizaine. La réforme de la nomenclature des diplômes universitaires a été une occasion manquée d'harmoniser les intitulés de diplômes dans l'ensemble du secteur. La réforme des stages a montré que les écoles et formations de management ne savaient pas défendre des instruments dont elles ont été les principaux promoteurs, notamment l'année de césure.

Les statistiques officielles sur le secteur des formations au management sont gravement défaillantes et contribuent à sa médiocre reconnaissance dans la société. Seule une représentation unanime des EFMA pourrait obtenir du ministère qu'il adapte ses cadres statistiques à la réalité d'aujourd'hui.

Ces structures de formation se plaignent du manque de rigueur des classements réalisés par la presse. Mais celle-ci, jouant habilement de la concurrence entre catégories d'établissements, continue de publier des classements peu défendables techniquement. Une instance représentative de l'ensemble des établissements pourrait obtenir le respect d'une déontologie minimale.

À la différence des formations d'ingénieurs, les formations au management sont évaluées selon deux systèmes distincts, alors qu'il s'agit de diplômes de même nature.

La montée en puissance des accréditations internationales a mis en évidence les insuffisances du dispositif national de garantie de la qualité. À la différence des formations d'ingénieurs, toutes évaluées par la CTI (Commission du titre d'ingénieur), les formations au management, universitaires et non universitaires, sont évaluées selon deux systèmes distincts, alors qu'il s'agit de diplômes de même nature, donnant les mêmes compétences, pour les mêmes emplois. Cette division, qui repose sur le statut des établissements, n'a pas de sens en matière de garantie de la qualité et contribue à l'éclatement du secteur.

La déficience des écoles et formations de management, due à leur division, s'est aussi manifestée devant des réformes qui réduisent leurs ressources. Qu'il s'agisse de celles qui touchent les chambres de commerce et d'industrie, de la ponction sur les fonds de roulement des établissements universitaires par Bercy ou de la réforme de la taxe d'apprentissage.

De telles réformes, qui peuvent apparaître partielles, produisent des effets systémiques sur l'ensemble du secteur. Est-il satisfaisant pour les étudiants, les établissements, le pays, que l'enseignement du management en France devienne un secteur à deux vitesses, dont une sous-partie est poussée par ces réformes à devenir un "business" ?

Pour une conférence des directeurs des écoles et formations de management

Alors que la Cdefi représente de façon unifiée toutes les formations d'ingénieurs, en grandes écoles ou en universités, les structures de représentation des EFMA sont divisées et partielles.

Du côté des universités, IAE France rassemble 32 instituts d'administration des entreprises et les promeut, à juste titre, comme des "écoles universitaires de management". Mais les autres entités universitaires dédiées en tout ou en partie à la gestion n'ont pas de structure collective de représentation, alors qu'elles sont plus nombreuses, rassemblent plus d'étudiants et comptent des "poids lourds" comme Dauphine ou le Cnam (Conservatoire national des arts et métiers).

Du côté des écoles, une quarantaine d'entre elles, les plus reconnues, sont regroupées dans le Chapitre des écoles de management de la CGE. Mais celui-ci n'est pas indépendant, étant une commission de la Conférence, dominée par les écoles d'ingénieurs. Et il existe environ 150 autres écoles, non organisées.

Une instance représentative d'un secteur de l'enseignement supérieur doit respecter la loi d'airain de la légitimité : être constituée des directeurs d'établissement élisant leurs dirigeants parmi leurs pairs.

D'autre part, la FNEGE (Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises) vient à l'esprit des connaisseurs du secteur, car elle a joué un rôle historique comme instrument de l'État pour son développement. Elle offre aujourd'hui de nombreux services à la fois aux universités et aux écoles.

Mais elle ne représente pas les établissements et n'est pas en mesure de le faire, car sa gouvernance est partagée entre l'État et le patronat. Or une instance représentative d'un secteur de l'enseignement supérieur doit respecter la loi d'airain de la légitimité : être constituée des directeurs d'établissement élisant leurs dirigeants parmi leurs pairs.

Les formations au management doivent se doter, comme tous les autres secteurs de l'enseignement supérieur, d'une "conférence" des directeurs d'établissement, qui doit être unifiée, représentative et juridiquement indépendante. Si rien n'interdit de s'appuyer sur les structures existantes, une telle construction exige des "entrepreneurs institutionnels". C'est-à-dire des leaders disposés à s'élever au-dessus des égoïsmes corporatistes qui divisent le secteur, pour lui permettre d'accéder à un niveau de reconnaissance nationale et internationale qui correspond à son rôle effectif dans la société.

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