Quel avenir pour les classes préparatoires ?

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Quel avenir pour les classes préparatoires ?
Enseignements en sciences humaines en petite équipe dans le CUPGE de l'université de Bretagne-Sud // ©  P. Dosset-Groupe-Archimède
Dans une tribune pour EducPros, l'inspecteur d'académie honoraire Bruno Magliulo pose les termes du débat actuel autour des classes prépa. Il analyse en particulier le développement de ces formations dans les universités, dites CPUGE, et ses conséquences dans les années futures.

Un nombre croissant d'universités proposent désormais des "classes préparatoires universitaires aux grandes écoles" (CPUGE). Ces formations sont encore peu nombreuses : en 2016 on en recense 12 de type scientifique, 6 économiques et commerciales, 20 préparant aux instituts d'études politiques et 2 littéraires. Plusieurs projets sont en préparation, ce qui devrait permettre d'augmenter cette offre universitaire dans les prochaines années.

Des prépas adossées à des parcours licences

Point fort de ces "prépas universitaires" : elles sont adossées à des parcours licences (on note que quelques CPUGE sont organisées en partenariat étroit avec un lycée proche, et alternent les enseignements qui se déroulent en université, et ceux qui ont lieu dans le cadre du lycée partenaire). De ce fait, elles permettent d'offrir à leurs étudiants une double possibilité : accéder sur concours à des grandes écoles, mais aussi bénéficier quasi automatiquement de la validation d'une deuxième année de licence (L2), et donc poursuivre éventuellement en L3.

On peut certes en dire autant des CPGE de la plupart des lycées, à cette différence importante près qu'une telle équivalence est dans ce cas conditionnelle, même si elle est très largement accordée pour les élèves issus des CPGE des lycées publics et privés sous contrat. C'est par contre beaucoup moins le cas pour les élèves des CPGE privées hors contrat, nombreuses dans ce secteur de formation.

Cela fait bien longtemps que les universitaires voient d'un mauvais œil les meilleurs élèves des classes terminales des lycées se diriger vers les formations sélectives.

UNE OPA SUR LES CLASSES PRÉPA DES LYCÉES

Plus généralement, il semble bien que les universités françaises aient lancé une sorte d'OPA ("offre publique d'achat" dans le vocabulaire boursier) sur les CPGE des lycées. Cela fait bien longtemps que les universitaires voient d'un mauvais œil les meilleurs élèves des classes terminales des lycées se diriger vers les formations sélectives en général, les CPGE en particulier, et corrélativement fuir les premiers cycles universitaires, sauf certaines formations spécifiques pour lesquelles cette concurrence n'existe pas, correspondant à des secteurs de formation pour lesquels l'université a un quasi-monopole : les études de droit et de santé. Pour résoudre le problème, ils n'ont trouvé rien de mieux pour certains que de demander le transfert pur et simple des CPGE en université.

UNe revendication de sélectivité plus GLOBALe

Une telle revendication procède d'un mouvement plus global qui est celui de la multiplication des premiers cycles universitaires sélectifs. En revendiquant le transfert de tout ou partie des CPGE en leur sein, les universitaires visent à renforcer un secteur en expansion, qui est celui des "licences doubles" sélectives, venant s'ajouter à diverses formations sélectives plus anciennes tels les "collèges" (au sens anglo-saxon du mot "collège", qui désigne un premier cycle d'études supérieures) de droit et d'économie de l'université de Paris Panthéon-Assas, de l'université Paris-Dauphine...

Le but est clair : proposer aux "bons lycéens" des premiers cycles universitaires attractifs en plus grand nombre. Faut-il pour autant céder globalement à cette revendication de transfert des CPGE vers les universités ? Il est clair que si de nombreux universitaires appellent cela de leurs vœux, tout aussi nombreux sont ceux qui s'y opposent fortement. Ces derniers ne se trouvent pas uniquement du côté de ceux qui enseignent en CPGE et des chefs d'établissements qui les hébergent : une large majorité des employeurs font plus confiance aux actuelles CPGE des lycées pour assurer la préparation des futurs cadres et ingénieurs dont ils ont besoin.

Malgré certains défauts réels, les CPGE des lycées ont pour atout une longue tradition d'efficacité, alors que les universités sont loin d'avoir fait leurs preuves en premier cycle.

Malgré certains défauts réels (qui pourraient être aisément corrigés), les CPGE des lycées ont pour atout une longue tradition d'efficacité, alors que les universités sont loin d'avoir fait leurs preuves en premier cycle. "Il ne faut surtout pas casser une machine aussi efficace que les classes préparatoires", nous déclare sans détour le proviseur d'un lycée qui ajoute qu'il ne voit pas ce que le système d'enseignement supérieur français et le monde professionnel auraient à gagner à cela.

une expansion prévisible des CPUGE

Notre sentiment est que les CPUGE vont très probablement connaître une certaine expansion dans les années futures, au détriment sans doute de certaines "petites" CPGE qui ont parfois du mal à faire le plein. On a d'ailleurs quelques exemples d'ouvertures de CPUGE opérées par le transfert de moyens décidés par tel ou tel recteur. Ce fut le cas en 2015 au profit de l'université de La Rochelle, par fermeture de celle jusque-là hébergée par un lycée public de la même ville. Ce scénario pourrait prendre de l'ampleur, notamment en ce qui concerne certaines CPGE littéraires aux débouchés limités vers les grandes écoles, et dont une importante partie des élèves passent ensuite en troisième année de licence.

Autre tendance prévisible : l'extension des formations sélectives en premier cycle universitaire, et notamment du nombre des licences dites doubles, et des "parcours d'excellence", qui rencontrent un réel succès et attirent désormais nombre de bons lycéens qui, sans cette offre de formation universitaire, se seraient tournés vers les CPGE.

Pour autant, je ne pense pas que l'on va assister à un scénario de fermeture pure et simple des CPGE des lycées, avec transfert massif vers les universités, ne serait-ce que parce que la moindre tentative en ce sens se heurterait à une véritable levée de boucliers. Les CPGE auraient cependant bien tort de rester telles qu'elles sont aujourd'hui. Il semble temps d'ouvrir une réflexion visant à préparer une nécessaire rénovation, et pourquoi pas, le faire en concertation avec les responsables d'université. Sur le terrain, force est de constater que des rapprochements ont lieu sous forme de partenariats de plus en plus nombreux.

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