Sciences de gestion : portrait de l'une des plus jeunes disciplines universitaires

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Sciences de gestion : portrait de l'une des plus jeunes disciplines universitaires
Les 50 ans des sciences de gestion comme discipline universitaire à part entière sont l'occasion de s'interroger sur son avenir. // ©  Virginie Bertereau
Sur le site de "The Conversation France', Marc Bidan, professeur des universités en management des systèmes d'information à l'université de Nantes, dresse le tableau de "l'écosystème institutionnel et académique" des sciences de gestion, "jeune" discipline qui fête ses 50 ans en 2017.

L'idée à l'origine de cette contribution est de présenter, assez simplement et sans (trop) jargonner, l'écosystème institutionnel et académique d'une des plus jeunes disciplines de l'enseignement supérieur connue sous la dénomination de "sciences de gestion".

Un préambule sur l'intitulé sciences de gestion/management

Nous soulignons, en préambule, qu'un débat sur le libellé de la discipline lui-même existe avec, face au standard de jure (les "sciences de gestion" renvoyant à une allocation acceptable des ressources), un standard de facto qui semble peu à peu s'imposer dans les publications (le "management" renvoyant au pilotage des activités). Ce débat n'est pas tranché mais tend à médiatiser les termes génériques de management et de sciences du management notamment pour ce qui concerne les mentions de master les plus diffusées.

De plus, concernant la terminologie, nous nous sommes inspirés à la fois du titre et du vocabulaire d'un original essai paru en 2008, rédigé par notre collègue Dov Te'Eni et relatant son expérience lors des massives et incontournables conférences ICIS et de quelques communications et publications sur des sujets connexes. Notons enfin à titre anecdotique, mais complémentaire, la pépite qu'est le récit très personnel du quotidien hors normes de Cédric Villani.

Nous emploierons souvent, dans les lignes qui suivent, le "nous" car, bien évidemment, nous sommes partie prenante de cet écosystème accompagnant les nouvelles fondations des sciences de gestion !

Ce débat n'est pas tranché mais tend à médiatiser les termes génériques de management et de sciences du management

Un fil rouge et une double question

Le fil rouge de cette contribution peut donc être introduit au travers de la double question suivante ciblant d'une part la biocénose "Qui sont les enseignants-chercheurs en sciences de gestion ?" et d'autre part leur biotope "Où sont les enseignants-chercheurs en sciences de gestion ?"

Cette double question, probablement saugrenue, appelle des éléments de réponse qui sont destinés à la fois aux nouveaux arrivants (les doctorants ou futurs doctorants en management par exemple) mais aussi aux déjà anciens arrivants (les professeurs dont la visibilité hors de leur zone de confort reste modeste et, en tout cas, très en deçà de la diversité de la production scientifique de la communauté !) […]

Une démarche et une opportunité

Nous utiliserons pour cela une approche descriptive et cartographique largement mobilisée dans les publications des collègues enseignants-chercheurs en sciences de gestion – notamment dans des approches qualitatives type études de cas, concernant les groupes, conglomérats, clusters et autres écosystèmes d'activité ou d'innovation – mais assez rarement centrée sur leur propre entité institutionnelle et académique. Certes, ce type de démarche autocentrée peut paraître inopportune par certains égards mais elle reste efficace et aisément transposable.

Il peut sembler cocasse que les chercheurs en charge de réfléchir, de documenter et de produire des connaissances autour des sciences de l'action collective que sont les sciences de gestion et du management sont finalement assez peu prolixes – exceptées certaines approches ethnographiques consacrées aux consultants – s'agissant de leur propre biotope et de son organisation. Cela doit relever du syndrome du cordonnier ! Ce jeune écosystème apparu dans les années 1970 montre la cohabitation d'acteurs aux parcours très variés, la plupart étant toutefois recrutés pendant ou à l'issue d'un doctorat en sciences de gestion, et qui interagissent au sein d'entités elles-mêmes très hétérogènes.

Comment s'organise cette jeune discipline pour survivre et essaimer dans la jungle des prés carrés scientifiques et de leur zone d'influence ?

À ce propos, la saison qui approche – celles des grandes migrations pour rejoindre les conférences annuelles des associations académiques référencées par la Fnege (Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises) qui justement fêtera ses 50 ans l'an prochain – semble tout à fait opportune pour faire le point sur une discipline quinquagénaire et sur ses mécanismes de coordinations opérationnels.

En effet, juste avant les grands rendez-vous annuels de l'AFM à Tours, de l'AIMS à Lyon, de l'AIM à Paris, de l'AFC à Poitiers, de l'AFFI à Grenoble, de l'ACFAS à Montréal, de Prolog à La Rochelle, de l'ADERSE à Bordeaux, de l'AGRH à Aix, etc.... une question demeure. Comment s'organise cette jeune discipline pour survivre et essaimer dans la jungle des prés carrés scientifiques et de leur zone d'influence ?

Un écosystème et une double approche

En France, où elle a une existence propre, nous pouvons notamment aborder l'écosystème de cette discipline sous les angles académique et institutionnel.

Le premier angle d'attaque renvoie à ce qu'est la discipline, à son corpus théorique, à ses positionnements et débats – notamment consacrés à certaines épistémologies – ainsi qu'à ses outils et approches méthodologiques. L'académisme s'appuie ainsi sur des standards afin d'asseoir la légitimité scientifique et la zone de confort de la discipline. Il peut néanmoins parfois remettre en cause et questionner... notamment sur le dilemme rigueur/pertinence via le provocateur mais pertinent : "À quoi sert la recherche en management ?"

Finalement, comme pour toutes espèces, l'objectif est avant tout de survivre.

Il s'agit aussi de pouvoir faire le point à l'occasion de dates anniversaires clés comme dans le cas des 20 ans de SIM ou des 50 ans de la RFG. Finalement, comme pour toutes espèces, l'objectif est avant tout de survivre. Il faut ainsi assurer la pérennité des sciences de gestion notamment face aux disciplines connexes avec lesquelles nous cohabitons sur un territoire mouvant et avec lesquelles nous partageons à la fois des inputs (champs, terrains, budgets, data, plates-formes et technologies, temps de travail, projet...) et output (conférences, revues, livrables...). Notons simplement les plus immédiates comme le droit, l'économie, la sociologie, la psychologie, les sciences politiques, l'informatique, la recherche opérationnelle, le génie industriel, etc.

Le second angle d'attaque renvoie aux diverses institutions (ministère, universités, business schools, écoles d'ingénieurs, etc.) et autres entités organisationnelles (Fnege, Sociétés savantes, ANR, etc.) gravitant autour de la discipline et ayant peu ou prou pour objectif de la faire vivre, d'en améliorer la visibilité, la gouvernance voire d'en assurer la promotion. Il s'agit aussi pour ces institutions de l'accompagner face aux opportunités et menaces de son environnement et de réfléchir à son avenir. Quid des sciences de gestion en 2050 ?

La thèse de doctorat en sciences de gestion comme ticket d'entrée

Dans les deux cas, il s'agit ici de proposer un guide de lecture à double entrée afin que cet écosystème soit plus lisible et plus intelligible notamment pour les étudiants en fin de second cycle désirant s'engager dans le véritable parcours initiatique qu'est une thèse de doctorat.

Paradoxalement ce cheminement vers la thèse – en sciences de gestion comme partout (excepté en médecine) – est beaucoup plus qu'une simple production de 350 pages impeccablement documentées, correctement écrites et joliment argumentées avec, dans la plupart des cas, le triptyque "une question bien formulée, un support théorique pertinent, une méthodologie alignée" et agrémentée (pourquoi pas ?) de résultats, de contributions et d'apports !

Cette double béquille est devenue essentielle pour aborder sereinement la carrière d'enseignant-chercheur en sciences de gestion.

Ce parcours est, depuis 2016, étoffé de nouvelles modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat dont, bien sûr, la production et la soutenance d'un mémoire de thèse devant un jury idoine. Il faudra également être à l'origine de productions scientifiques variées (communications, articles, cas, book chapter, blog, MOOC, Spoc...) et afficher quelques jalons institutionnels (école doctorale, mandat électif, administrateurs de sociétés savantes...) et académiques (consortium doctoraux, workshop, colloques...) qui apparaissent bienvenus pour intégrer la famille ou plus prosaïquement le réseau afin d'y être identifié et coopté.

Cette double béquille – réseautage et essaimage – est devenue essentielle pour aborder sereinement la carrière d'enseignant-chercheur en sciences de gestion. En effet, les carrières isolées et non connectées sont en effet difficilement (mais pas impossiblement) concevables en 2017.

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L'article a été publié sur The Conversation avec le titre original "Let's conf'... exploration d'un écosystème académique en pleine saison des conférences"

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