Ces étudiants qui font le pari de l'hydrogène
DOSSIER. À Belfort, les étudiants du CMI H3E se préparent à travailler dans le secteur de l'hydrogène. Mais pour répondre aux attentes, cette filière devra suivre un développement très soutenu d’ici 2030. Alors, politique-fiction ou énergie du futur ?
"L’hydrogène, c’est l’énergie du futur." Les étudiants du CMI H3E (cycle de master en ingénierie hydrogène, énergie et efficacité énergétique) de l'université de Franche-Comté, à Belfort (90), en sont convaincus.
Ce cursus, qui se déroule en cinq ans après le bac, est adossé à une licence SPI (sciences pour l'ingénieur) puis à un master énergie. "En licence, nous suivons les mêmes cours que les étudiants en SPI, explique Tahar, étudiant en première année, mais nous avons des modules en plus consacrés à l’hydrogène. À la fin de notre cursus, c’est comme si nous avions fait un an de plus que les autres", calcule-t-il.
Une énergie déjà utilisée dans l'industrie
Mais au fait, c’est quoi l’hydrogène ? Pour être correct, il faudrait parler de "dihydrogène", ou H2. Aujourd’hui, il est surtout utilisé dans les secteurs industriels de la chimie, de la métallurgie, du plastique ou encore de la production d’engrais.
Mais ce gaz peut aussi servir de carburant ou de vecteur d’énergie pour alimenter une pile à combustible, et ainsi faire fonctionner des moteurs à combustion ou électrique. Contrairement à d’autres énergies comme le pétrole, l’hydrogène ne rejette que de l’eau. Il serait donc a priori bien moins polluant de faire rouler des voitures et des camions à l’hydrogène, plutôt qu’au gazole !
Objectif : décarboner l'hydrogène
A priori seulement, car plus de 90% de ce gaz est produit à partir d’hydrocarbures, à travers un processus très polluant. L’objectif du secteur est donc de passer à un "hydrogène vert et, plus largement, décarboné", explique Daniel Hissel, directeur adjoint de la Fédération nationale de recherche sur l’hydrogène au CNRS.
Il est en effet possible d’extraire l’hydrogène à partir de l’eau grâce à un processus nommé électrolyse. Il faut alors une grande quantité d’électricité, soit nucléaire (hydrogène bleu) soit renouvelable (hydrogène vert).
Problème : la France n'a pas les capacités aujourd'hui de produire une telle quantité d'énergie. "Si on décidait de faire fonctionner tout le secteur français des transports à l’hydrogène décarboné, il faudrait augmenter le parc électrique du pays de 80%", reconnaît Daniel Hissel, qui parle de "politique-fiction".
Selon lui, il semble en revanche possible de "substituer des énergies fossiles polluantes et majoritairement importées par de l’hydrogène", au moins pour certains usages.
100.000 emplois d'ici 2030
Selon France Hydrogène, qui fédère des acteurs de la filière, le développement de l’hydrogène décarboné pourrait générer 100.000 emplois d’ici 2030. "On sait qu’il y aura énormément de débouchés", se réjouit Lyna, étudiante en L1 du CMI H3E.
De nombreux secteurs et métiers recrutent en effet des spécialistes de l’hydrogène, comme l’illustre Nadia Steiner, responsable du programme : "Nos anciens étudiants travaillent comme chargé de projet, ingénieur-design, concepteur de systèmes, dans la recherche et développement, dans des start-up mais aussi de grandes entreprises."
"L’hydrogène requiert des compétences spécifiques sur des métiers traditionnels, tels qu’ingénieur en électricité ou en mécanique, chargé d’affaires, technicien de maintenance, complète Daniel Hissel. Il est donc nécessaire de colorer les formations existantes avec ces compétences, sans se contenter d’un saupoudrage de quelques modules d’initiation."
Des connaissances qui se développent au fil du cursus
Encore très peu de cursus intègrent aujourd'hui la dimension hydrogène comme le fait le CMI H3E : "Souvent, les formations se colorent seulement en master, note Nadia Steiner. La nôtre est la seule qui inclue l’hydrogène progressivement tout au long des cinq ans."
Stages et alternances pour rester proche de l'industrie
Comme tous ses camarades de promotion, il a choisi l’alternance pour ses deux dernières années. "Je suis apprenti chez Forvia, un équipementier automobile." Entre les stages – dès la première année –, l’alternance, les visites d’entreprises et la participation à des événements, "nous sommes souvent en contact avec le monde de l’industrie", observe Kawthar, en L2.
Des petites promotions
S’il est possible de rejoindre le CMI en cours de cursus, la majorité des futurs diplômés sont sélectionnés directement après le bac. Chaque promotion compte une dizaine d’étudiants, aux profils très scientifiques.
À la fin de leur parcours, ils obtiennent un diplôme de master, agrémenté du label du CMI. "Même si nous n’avons pas le titre d’ingénieur [délivré uniquement par les écoles d’ingénieurs, NDLR], nous avons les mêmes compétences, avec une spécialisation hydrogène", souligne Kyliann, en L1.
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